La situation n’échappe pas aux observateurs avertis de la scène politique togolaise. La réaction épidermique du régime de Lomé vis-à-vis du voisin de l’Ouest laisse entrevoir une certaine panique qui s’empare du clan au pouvoir, notamment à chaque fois que le Ghana entreprend une action à l’endroit du Togo. Les réactions de ceux qui sont au pouvoir au Togo sont caractéristiques d’un régime qui, dans sa quête de régner Éternellement sur le pays, devient paranoïaque devant toute solution qui vise à donner une image respectable de ce pays par les principes élémentaires de la démocratie, de l’État de droit et de la bonne gouvernance. Et c’est quand même extraordinaire de voir souvent ces dirigeants se fourvoyer dans des déclarations et autres attitudes qui frisent le ridicule et couvrent d’opprobre le Togo et son peuple.
Il n’y a pas de doute. Nana Akufo-Addo fait peur à Faure Gnassingbé, même si le régime tente de le nier. C’est vrai, le « Togo n’est pas une colonie du Ghana », comme s’est plu à le répéter le ministre de la Sécurité et de la Protection civile, le Général de Brigade Yark Damehame, lorsqu’il tente de justifier le refus par les autorités togolaises de laisser l’avion affrété par le Ghana évacuer Nicodème Habia, président du parti Les Démocrates, membre de la Coalition des 14, qui observe depuis plus de deux semaines une grève de la faim pour exiger la libération des otages de Faure Gnassingbé.
Cependant, tout le monde sait que le président du Ghana est l’un des Facilitateurs désignés par la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), dans la crise politique togolaise. C’est d’ailleurs tout le problème du régime togolais qui essaie de se passer des services des autorités ghanéennes qui ne seraient pas favorables à son projet de conservation à tout prix du pouvoir. Pour ce faire, Faure Gnassingbé s’allie à Alpha Condé, président de la Guinée, l’autre Facilitateur de la crise togolaise qui nourrit, lui aussi, des mêmes velléités de conservation du pouvoir dans son pays.
Du coup, les deux personnalités (Faure Gnassingbé et Alpha Condé) ne cessent de jouer un sale tour au président du Ghana. Dans notre parution N°737 du 21 septembre dernier, nous montrions dans l’article intitulé « Crise politique/Facilitation en difficulté : Condé manœuvre pour sauver Faure » comment le Guinéen joue le chrono pour faire patienter indéfiniment son homologue ghanéen, donnant ainsi l’avantage à Faure Gnassingbé pour organiser un simulacre d’élections au Togo. Alpha Condé et le champion de l’UNIR font tout pour ne pas rencontrer Nana Akufo-Addo. En témoigne leur absence aux cérémonies d’hommage à Kofi Anan, l’ex-Secrétaire général de l’ONU, à Accra.
Après Jammeh, Faure retrouve Condé
Faure Gnassingbé et Yahya Jammeh (Gambie) étaient les deux chefs d’Etats de la CEDEAO à refuser de signer le protocole additionnel de l’institution communautaire pour la bonne gouvernance et la démocratie. Ce protocole exigeait la limitation à deux du mandat présidentiel dans l’espace. Les deux personnalités se soutenaient dans le mal, notamment avec le projet de demeurer éternellement à la tête de leurs pays respectifs. Mais avec la chute de Yahya Jammeh, le Prince togolais se retrouve seul contre tous dans la sous-région. Son allié a fini par se plier aux injonctions de la CEDEAO face à son adversaire Adama Barrow.
Mais depuis quelque temps, se pointe un autre, décidé aussi à enfoncer son pays par sa volonté de s’accrocher au pouvoir. Les récents événements politiques en Guinée, avec les manifestations de protestation contre le pouvoir d’Alpha Condé qui réprime avec une violence rare, montre le type de relation qui existe entre cet ancien opposant et Faure Gnassingbé. Le chef de l’Etat guinéen nourrit également le dessein de briguer un troisième mandat. Du coup, le régime togolais a trouvé un allié sur qui s’appuyer pour traduire dans les faits son projet malsain. Cependant, en soutenant Faure Gnassingbé dans le mal, Alpha Condé fragilise et met en cause l’autorité de la CEDEAO dans la sous-région. Difficile de parler de facilitation à son niveau, puisqu’il a déjà choisi son camp. Les images de la commémoration de l’anniversaire de l’indépendance de la Guinée où Faure Gnassingbé s’est retrouvé aux côtés de son allié Alpha Condé, en présence d’Ali Bongo, l’autre fils du père qui donne du fil à retordre à son opposition au Gabon, sont illustratives du complot contre la feuille de route de la CEDEAO pour une sortie pacifique, définitive et durable de la crise politique au Togo.
Dans tous les cas, le président ghanéen, comme il l’a réitéré dans une interview accordée à France24, ne compte pas céder aux caprices de ses homologues indélicats qui compliquent la médiation au Togo. Cette assurance de Nana Akufo-Addo inquiète sérieusement Lomé. Surtout que le clan au pouvoir met tout en œuvre pour que le président ghanéen jette l’éponge pour qu’Alpha Condé puisse se retrouver seul sur le dossier togolais et avoir les mains libres dans ses manœuvres pour sauver Faure Gnassingbé.
Dans sa phobie, le régime multiplie des gaffes qui pourraient remettre en question ses relations diplomatiques avec le Ghana. En témoignent les incongruités constatées dans le dossier Habia, avec des déclarations peu courtoises, drues, sans aucune teinte diplomatique et cyniques de certains membres du gouvernement togolais ces derniers jours à l’endroit du voisin de l’Ouest. Il y a véritablement panique à bord.
Source : L’Alternative No.741 du 05 octobre 2018
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