La question des réformes institutionnelles et constitutionnelles qui agite la classe politique togolaise depuis plus d’une dizaine d’années a connu un autre rebond il y a une dizaine de jours. Le nouveau blocage opéré à l’Assemblée Nationale par les députés UNIR en ce qui concerne la proposition de loi introduite par l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC) et l’Alliance des Démocrates pour le Développement Intégral (ADDI) est une démonstration de plus de la mauvaise volonté du régime de Faure Gnassingbé à opérer les réformes. Les mêmes causes produisant les mêmes effets dans les mêmes conditions, il apparait impérieux pour le peuple togolais de repenser sérieusement sa lutte dans l’optique de la conquête des valeurs démocratiques pour lesquelles il se bat depuis plusieurs décennies.
2006 à 2017, onze années de dilatoire, zéro réforme
Tout a commencé avec la promesse de Faure Gnassingbé après son accession sanglante au pouvoir d’opérer les réformes institutionnelles. Outre le contenu de l’Accord Politique Global dont la principale orientation tendait à revenir à la Constitution de 1992 en abrogeant le toilettage de 2002, Faure Gnassingbé a publiquement pris l’engagement de remettre la Loi Fondamentale en selle. Le point 3.1 de l’APG stipule que « les parties prenantes s’engagent à la poursuite des réformes constitutionnelles et institutionnelles portant sur les conditions d’éligibilité et le mode de scrutin conformément à l’esprit de la Constitution de 1992 et du Code Electoral du 05 avril 2000 issu de l’Accord-Cadre de Lomé ». Plus loin, le point 3.5 précisera que « ce processus de réformes devra s’inscrire dans la durée et constituer un des chantiers prioritaires du gouvernement ».
Malheureusement, le peuple togolais se rendra compte de la tactique dilatoire qui a été collée non seulement à l’application des clauses de l’Accord Politique Global mais aussi la mauvaise volonté du pouvoir de Faure Gnassingbé à s’inscrire durablement dans une volonté d’asseoir des bases saines pour une démocratie élémentaire. le 1er octobre 2014, les hommes d’Eglise du Togo avaient appelé Faure Gnassingbé, son Premier Ministre de l’époque Arthème Ahoomey-Zunu, les députés et l’ensemble de la classe politique de faire un dépassement de soi en prenant les dispositions idoines pour faire aboutir les réformes constitutionnelles et institutionnelles prescrites par l’Accord politique global (APG) et recommandées par la Commission Vérité Justice et Réconciliation (CVJR).
A cette requête, le Président de la Cour Constitutionnelle Aboudou Assouma répondra que « la page des réformes est tournée depuis le 30 juin à la suite du rejet par l’Assemblée nationale du projet de loi des réformes » et que « l’Accord Politique Global (APG) qui a préconisé les réformes institutionnelles et constitutionnelles est devenu caduc du moment où le Togo s’est doté d’une Assemblée nationale pluraliste». Cette réaction du premier juge constitutionnel était sans aucun doute la preuve que le régime de Faure Gnassingbé ne s’inscrivait plus depuis longtemps dans le schéma d’un quelconque retour aux dispositions de la Constitution de 1992. Par ailleurs, avant et après les déclarations grotesques d’Aboudou Assouma, toutes les preuves de la mauvaise foi du gouvernement ont été exposées, d’une manière ou d’une autre. Dialogues, cadres et commissions se sont succédées : Togotélécom 1 et 2, CPDC, CPDC rénové, commission de réflexion sur les réformes, HCRUUN.
En 2005, aucun cadre n’a été indispensable en vue de revoir la Constitution dans le but d’habiller le coup d’Etat constitutionnel que Faure Gnassingbé avait opéré. En 24 heures, tout a été réglé suivant le bon vouloir de ceux qui décidaient de la destinée du peuple togolais. Plusieurs années plus tard et alors que c’est le même régime qui est aux commandes a-t-on besoin de diversifier les cadres ou commission pour réparer un tort qui a été commis au peuple togolais par des députés d’un seul parti et ceci pour faire plaisir à une seule personne ?
De la nécessité pour l’opposition de revoir ses stratégies et de repenser la lutte
Le 30 juin 2014, les députés du parti au pouvoir à l’Assemblée Nationale, UNIR rejetaient la proposition de loi du gouvernement visant à opérer les réformes constitutionnelles et institutionnelles. Le 22 juillet 2016, une nouvelle proposition de loi portant sur la révision constitutionnelle est affectée à la Commission des Lois, de la Législation et de l’Administration Générale de l’Assemblée Nationale pour étude.
Là encore le Président de ladite commission a décidé clore unilatéralement le dossier, ce qui a valu une saisine de la Cour Constitutionnelle qui pour une fois s’est prononcé en défaveur du coup de force. Conséquence, reprise des travaux en commission puis nouveau blocage le 17 mai puisque les députés UNIR exigeaient un consensus dans la formulation de la nouvelle proposition de loi. Selon le chapitre 1 de l’APG, notamment en son alinéa 1, « compte tenu du rôle déterminant de l’Assemblée Nationale pour la crédibilité des institutions démocratiques, la poursuite des réformes constitutionnelles et l’enracinement de l’état de droit, les parties s’engagent à créer des conditions qui garantissent des élections libres, ouvertes et transparentes ».
C’est dire donc le rôle combien important que devrait jouer l’Assemblée Nationale dans les questions des réformes. C’est donc à ce niveau que l’opposition togolaise et tous ceux qui ont soif de l’alternance devraient véritablement se mettre au travail. Le pouvoir de Faure Gnassingbé est en roue libre, totalement sourd aux aspirations du peuple. Seule une force opposable à l’Assemblée Nationale pourrait contraindre le contraindre à revoir sa position. Samedi dernier à Bè-Kodjindji, CAP 2015 a fait mobilisation des grands jours. De son côté le PNP de Tikpi Atchadam fait son chemin, de même que les autres forces démocratiques. Une synergie d’action s’impose pour penser et préparer les législatives de 2018. Le salut du peuple passera par l’obtention de la majorité des sièges à l’Assemblée Nationale.
Il importe aussi que les questions de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) et du fichier électoral soient remises en scelle pour éviter les tours de passe-passe de dernières minutes du pouvoir. Dans ces conditions, 2020 ne serait même plus un problème, qui sait ?
Kossi Ekpé/Source: Le Correcteur N°763
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