Par Pierre S. Adjété – Québec, Canada
Le Togo ne peut pas toujours être géré à coût démocratique aussi déficitaire dans toute l’Afrique de l’Ouest. Investir dans la répression constante, arracher la jeunesse étudiante à la revendication de meilleures conditions d’études, servir de la répression comme la seule rente politique, familiale et non républicaine; tout cela place le Togo en mode réprobation. En l’état actuel, le Togo n’est pas viable… Immanquablement, Faure Gnassingbé doit changer de stratégie, changer d’approche et même de fréquentations; se poser en modèle lui-même, en courageux.
Trois mandats présidentiels par effraction au Togo : le sort est jeté, le mauvais tour est joué et poursuivi. Comme si Trop n’est pas Assez, il faudra de plus deux autres mandats immérités de sept ans chacun à Faure Gnassingbé. C’est devenu la mode dans les démocratures : tout effacer et recommencer à zéro, avec promesse d’une alternance, fortuite et hypothétique jusqu’à nouveau désordre, jusqu’à nouvelle trouvaille. Sur de tels retournements et instigations, des obligés du pouvoir togolais travaillent, bien dressés en intellectuels de résidence sous la férule d’un site Internet, de quelques indétrônables conseilleurs et d’un inique référendum dans un pays où la voix du peuple reste sans respect.
La mission est claire, contre-productive et antirépublicaine : « Vous ne voulez pas de Faure Gnassingbé au Togo? Eh bien, c’est du fort Gnassingbé, aucunement dilué dans la modernité républicaine, que vous allez avoir. Et c’est tant pis! » Voilà la réalité lamentable du Togo que certaines personnes ont choisi de servir sous influence; leurs discours, projets, ambitions et analyses étant toujours différents sous cape en privé, devant la contre-vérité qui se poursuit à hue et à dia.
Aucune paix sociale ne sera atteinte par la méthode répressive continuelle, ouverte et sournoise, comme si de rien n’était. L’usage infini de l’intrigue et de la force au Parlement, à l’université, sur les personnes et sur les biens, pas plus que le refus de la République et du choix des citoyens, ne possède aucun avenir au Togo. L’irrespect de la dignité humaine, tel qu’il n’en existe plus à travers le monde, reste tout simplement inacceptable au Togo d’aujourd’hui. C’est une erreur des gouvernants togolais de n’être abonnés qu’à la répression de leurs concitoyens, de ne rien tolérer de la contestation externe et de la dissidence interne. Rien de ce Togo d’oppression et de servilité n’échappe à personne.
De toutes les façons, le régime togolais n’est pas viable; il ne possède aucun avenir. Sa chute est une question de temps; tous les bruits qui s’entendent de partout, et même le lourd silence de certains citoyens occupés à mourir ou à manger, en sont les signaux précurseurs. Tant il est vrai que le régime togolais n’aurait pas survécu, jusqu’à maintenant, sans le traumatisme de la répression assidûment servie aux citoyens avec la complicité indéfendable des uns et des autres.
Non! La dictature ne vaincra pas la démocratie
Trop longtemps, la violence choquante a toujours su gagner, à la Pyrrhus, au Togo; la brutalité gratuite autant que le dénuement, l’intimidation et la peur ont fini par avoir raison de certains des plus intrépides citoyens. Mais la liberté n’a jamais fatigué les peuples; au contraire, la liberté a toujours triomphé de l’oppression. C’est dans ce sillon tracé par l’histoire que se situe le peuple togolais. Faure Gnassingbé ne peut donc, aucunement, triompher de son peuple. Impossibilité mathématique!
Courageusement, il va falloir un jour prochain convertir le Togo à la Démocratie, à la Réconciliation et au Développement. Aucune autre issue n’existe de durable pour le Togo. Courageusement, il va falloir aux tenants de la ligne dure, répressive des étudiants et des adversaires politiques, insensibles à la misère criarde débordante, de se rendre à l’évidence que leur propre intérêt réside dans l’audace de la démocratie au Togo.
Faure Gnassingbé doit s’affranchir du lourd héritage de son père, en réécrivant les pages d’histoire de sa famille inscrite dans la grande histoire du Togo. Comme Faure Gnassingbé entendait souvent son père Gnassingbé Eyadema le demander à ses enfants, il leur appartient d’écrire l’histoire de la famille Gnassingbé. Un fils, une fille, possède le devoir imprescriptible de réparer et de rehausser l’histoire et la mémoire de son père, de sa mère, de sa famille. Faure Gnassingbé n’a donc de choix que de s’instruire de la pratique démocratique universelle, riche en réussites.
Et des modèles passés comme présents ne manquent pas. Faure Gnassingbé doit se choisir un mentor vrai modèle. Tiens… Tiens… En voilà une histoire récente qui pourrait bien inspirer Faure Gnassingbé à se redéfinir. Écrire l’histoire des Gnassingbé en bien; c’est la seule fenêtre d’opportunité qui s’offre à Faure Gnassingbé. C’est probablement ce qu’avait fait le duo Helmut Kohl et Angela Merkel; cette dernière pouvant bien se considérer comme la fille rêvée de l’animal politique longtemps sous-estimé que fut Helmut Kohl, décédé en ce mois de juin 2017.
Comme Gnassingbé Eyadema à la tête du Togo, rien ne prédestinait Helmut Kohl à songer diriger la grande Allemagne, pas plus qu’il n’avait jamais pensé que la frêle Angela, sa fille spirituelle placée au gouvernement pour faire potiche et symbole d’intégration de l’Allemagne de l’Est, rien ne laissait croire que « la gamine » pouvait commettre le parricide républicain de pousser dehors le paternel, parce que seulement l’Allemagne et le parti chrétien-démocrate (CDU) avaient besoin de sortir d’une zone devenue trop sombre en scandales.
Helmut comme Eyadema, Angela comme Faure
Pour autant, l’œuvre de Helmut Kohl n’a jamais été aussi reluisante que sous l’ère Merkel, c’est-à-dire après le grand ménage d’Angela. Souvent moqué par la presse pour ses bourdes, son autoritarisme, son provincialisme et son manque de finesse, Helmut Kohl, tout comme Gnassingbé Eyadema, ne possède pas moins une taille imposante et une mémoire d’éléphant qui lui servaient instinctivement en politique, au grand désarroi des adversaires.
Moins d’un an après la chute du Mur de Berlin, l’Allemagne était réunifiée sous Helmut Kohl en un Plan de 10 points ouvertement présenté au Bundestag et au monde entier. Le déficit de plusieurs milliards d’euros représentant la facture d’une réunification hâtive et parfois entêtée, comme la parité monétaire irréaliste imposée par lui, entre le Deutsch Mark et l’Ost Mark, ajouté aux millions de chômeurs déversés par des industries effondrées dans les deux parties de l’Allemagne, n’ont jamais découragé la réunion des deux solitudes artificielles allemandes d’alors.
« Lui c’est lui; moi, c’est moi » aurait pu dire Angela Merkel de Helmut Kohl, lorsqu’elle prenait les rênes du CDU comme Faure Gnassingbé l’avait dit de son père. Angela Merkel a fait mieux : renforcer la Démocratie, la Réconciliation et le Développement de l’Allemagne nouvelle réunifiée, comme tout le Togo l’attend de Faure Gnassingbé depuis 2005. Avec de la volonté politique, le tout monde peut être soulevé, le tout Togo changé, la Nation grandie et reconnaissante.
En consolidant l’audace réunificatrice de son mentor et non moins père spirituel qu’elle n’avait pourtant pas hésité à renier, politiquement, au nom et au devoir d’une Allemagne nouvelle, Angela Merkel avait publié un solide article dans le fameux journal Frankfurter Allgemeine, réaffirmé la mission républicaine de l’unité nationale ainsi que l’essentiel retour à l’éthique pour expliquer son positionnement et respecter sa parole. Tout cela dure jusqu’à maintenant, avec une Allemagne restée une grande République, la locomotive de tout le continent européen. Netter Versuch, Frau Merkel!
En partage avec Angela Merkel, Faure Gnassingbé n’a pas que l’année 2005 de sa prise de pouvoir. En commun, il existe des parallèles utiles à l’émancipation démocratique de Faure Gnassingbé par la femme la plus puissante au monde. Angela Merkel a dépassé son père spirituel Helmut Kohl en améliorant l’œuvre de celui que les Allemands honorent dans les cinq personnalités marquantes de leur pays aux côtés de Goethe, Friedrich Von Schiller, Konrad Adenauer et Willy Brandt. Faure Gnassingbé peut bien dépasser son géniteur Gnassingbé Eyadema et ne faire du Togo rien de moins qu’une référentielle démocratie née d’une si particulière histoire. Il est grand temps. Il n’est pas trop tard. Il n’est jamais trop tard pour faire démocratie exemplaire partout où besoin est. C’est le cas du Togo qui souffre de ce manque d’audace.
De nouveau, le Togo est à un tournant historique. La répression inouïe sur les étudiants d’un côté, la réflexion complaisante de certains intellectuels de l’autre : tout cela n’est qu’imposture sur imposture; l’État Patapa dans ses œuvres, pendant que l’essentiel « Démocratie-Réconciliation-Développement » est occulté. Celui qui s’est imposé aux Togolaises et aux Togolais en février 2005, sans jamais réussir à convaincre sur ses capacités à diriger le Togo, un pays à bout de souffle, cette personne, Faure Gnassingbé, doit faire un choix de mi-mandat : renoncer à sa personne et rendre le Togo aux désirs républicains de ses citoyens. Cet impératif a aussi une valeur : que Faure Gnassingbé devienne modèle en écrivant l’histoire de sa propre famille en lettres d’or véritables, nobles, incontestables, salutaires et modernes.
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