En 2020, les multinationales opérant au Togo ont rapatrié au moins 118 millions $ (68,5 milliards FCFA) de bénéfices dans leur pays d’origine ou dans les paradis fiscaux, révèle un récent rapport de Tax Justice Network, publié au cours de ce mois de novembre.
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Le rapport qui s’appuie sur des données agrégées des déclarations pays par pays publiées par l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economiques) indique que les multinationales ont transféré 1 190 milliards $ de bénéfices vers les paradis fiscaux. Ce qui a engendré pour les gouvernements du monde entier des pertes à hauteur de 312 milliards $ par an en recettes fiscales directes.
En prenant en compte les abus fiscaux off-shore liés aux fortunés (171 milliards $), ce sont plus de 483 milliards $ de recettes fiscales directes qui sont perdues par les Etats chaque année.
« Les pays perdent 483 milliards $ d’impôts par an à cause des abus fiscaux mondiaux – cela suffit pour vacciner complètement la population mondiale contre Covid-19 plus de trois fois », alertent les auteurs du rapport.
Au moins 13 milliards FCFA de manque à gagner pour l’OTR
Alors que la Covid-19 a fait exploser les dépenses sanitaires en 2020, contraignant Lomé à une exacerbation de son déficit, le Togo n’est pas resté à l’abri des manœuvres fiscales abusives des sociétés étrangères. L’évasion fiscale (impôt sur les sociétés uniquement) des multinationales aurait coûté au pays au moins 21 millions $ (12 milliards FCFA), soit 2% de ses recettes fiscales (évaluées à 1 milliard $). Cette perte représente plus de 20% des impôts sur les sociétés, collectés par l’OTR en 2020 (soit 61 milliards FCFA en baisse de plus de 40% des objectifs initiaux, due à la Covid-19).
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A ce tableau sombre, s’ajoutent les pertes de recettes fiscales liées aux fortunes offshores des riches togolais.
D’après Tax Justice Network, la fortune privée accumulée offshore par les citoyens togolais est estimée à 200 millions $ (116 milliards FCFA) au bas mot. Ces manèges visant essentiellement à contourner le fisc, ont privé le commissariat des impôts d’au moins 2 millions $ (1 milliard FCFA) de recettes directes l’an dernier.
En somme, le fisc togolais a perdu l’équivalent de 23 millions $ (13,3 milliards FCFA), soit 2,3% de ses entrées, en raison de ces abus fiscaux. Mais, selon plusieurs sources proches de l’OTR contactées par Togo First, ce montant pourrait bien être plus important si on intègre toute la chaîne d’optimisation fiscale, les angles morts de la loi qui ouvrent des brèches aux grandes boîtes étrangères ; la difficulté de tracer tous les flux financiers dans une économie à l’informel prépondérant est également citée.
Autre fait important, l’étude co-publiée avec l’Internationale des services publics et l’Alliance mondiale pour la justice fiscale révèle que les plus importants partenaires face auxquels le Togo semble plus vulnérable sont basés en Afrique : Cameroun, Angola, Afrique du Sud.
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Le prix d’une campagne vaccinale
Si au Togo, la campagne vaccinale contre la Covid-19 semble en bonne marche, elle a nécessité plusieurs milliards de francs CFA, au point de devenir une des questions les plus prioritaires du gouvernement.
Tax Justice Network, qui pour cette édition, mettait en perspective les abus fiscaux subis par les pays en développement et les dépenses liées à l’acquisition du vaccin anti-covid, indique que les pertes fiscales du Togo liées aux manœuvres des multinationales auraient pu servir à vacciner complètement 1,3 million de Togolais, soit 17% de la population.
Les pays à faible revenu « se sont vus privés de leur capacité de fabriquer leurs propres vaccins, paralysés par les règles de la propriété intellectuelle de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) et par le refus des grands groupes pharmaceutiques de partager leur savoir-faire technique en matière de fabrication des vaccins », s’indigne le réseau de chercheurs, tançant l’OCDE dont les pays membres semblent les plus importants prévaricateurs.
Au Togo, le montant des abus fiscaux représente plus de 30% du budget consacré à la santé, alors que le pays, à l’instar de ses voisins, doit encore fournir beaucoup d’efforts pour faire face à un important déficit en infrastructures sanitaires.
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Bien que le Premier ministre Victoire Dogbé ait indiqué lors d’un récent sommet du GIABA (Groupe Intergouvernemental d’Action contre le Blanchiment d’Argent en Afrique de l’Ouest) à Lomé que son pays misait sur le digital pour faire face à l’évasion fiscale et le blanchiment de capitaux, le consortium estime que les actions éparses de cet ordre seules, ne suffiront à mettre fin aux pratiques peu éthiques des multinationales.
Dans ce sens, le rapport « Justice fiscale : état des lieux 2021 » formule trois recommandations dont la mise en place par les gouvernements d’impôts sur les bénéfices excédentaires dans le contexte de la pandémie. Si cette mesure est mise en place, les entreprises comme Amazon qui ont “grandement bénéficié de la fermeture pure et simple de concurrents locaux uniquement pour protéger la santé publique pourraient « restituer jusqu’à 100% de leurs revenus non gagnés (c’est à dire les bénéfices inutiles et socialement dommageables qui ont pour cause leur pouvoir de monopole) », milite TJN.
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Outre cette disposition phare, le consortium veut se démener pour l’introduction par les gouvernements d’impôts sur la fortune, notamment sur les gros salaires.
Avec Togo First
Source : Togoweb.net