Et l’état de la Nation?

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« Le Togo a ses propres réalités ». Ce n’est pas une tendance temporaire ou un glissement accidentel. C’est une devise, consacrée par UNIR. Sept millions d’âmes doivent s’y complaire. Résignées, ou presque. Naturellement, l’État, déconnecté du peuple, totalement failli, boite et plie sous le poids des phobies du parti gouvernant.

Et l’état de la Nation?

« Le Togo a ses réalités » tient lieu d’un héritage politique immuable, d’une vision prophétique inattaquable. Il sert de chapelet dans les casernes et est récité comme « Notre Père qui est aux cieux » dans les milieux proches du pouvoir. Il s’agit en effet d’une échappatoire qui veut que le Togo ne ressemble à aucun autre pays sur terre. En son nom, la nation qui est encore la notre s’obscurcit, se recroqueville dans ses phobies de la morale, de l’éthique, de la démocratie, et se calfeutre dans une gouvernance anachronique caractérisée par une peur instinctive des vrais chiffres, des vrais comptes. L’État togolais est devenu une pénible exception en Afrique. Un état dont l’ADN déglingue et dégénère jour après jour, dont le centre de gravité est irréparable, son équilibre socio-économique étant, du fait de la corruption, dynamité avec grands éclats de rires, sans états d’âme.

Comment va alors cet État togolais? La question, dans un pays normal que régissent des institutions normalement opérationnelles, s’adresse au président de la République qui a obligation d’y répondre. A toute allure. Devant les citoyens. Devant les élus du peuple. Cela s’appelle, au Bénin et au Ghana voisins : faire l’état de la nation. Rien à voir avec les discours linéaires de fin d’année.

Dans le pays qui ne veut rien céder sur ses réalités, demander que le Chef présente en bonne et due forme l’état de la nation est un vœu pieux, un désir utopique et même, parfois, un crime de lèse-majesté. Le jour où, par miracle, le premier responsable de l’État va accepter de se prêter à ce devoir républicain, c’est sans doute qu’il se présentera devant les députes avec des chiffres étranges à faire perdre à Pythaghore ou, plus près, à Jules Henri Poincare,  leur génie de mathématiciens. Finalement, le Togo est par excellence le pays où les dirigeants ne sont nullement contraints de rendre compte, toujours au nom du même principe sacré : « chaque pays avec ses réalités.»

C’est ainsi que chez nous, les rêves s’évanouissent, sans que d’autres s’éveillent. Imperturbable, le cycle du temps poursuit son œuvre, bloquant tous les horizons. L’année 2016 s’en va sur un suspense, 2017 démarre sur un thriller, « business as usual ». L’État ronfle, siphonné par les goinfreries d’une classe dirigeante malveillante.  Pendant ce temps, la majorité crève la dalle et se demande, à l’entrée de la nouvelle année, si l’avenir parviendra à s’affranchir de ses douloureuses parenthèses. Toute prévision est aléatoire. La jeunesse, ayant depuis longtemps perdu le Nord, confond les rues chinoises de Lomé, à de hauts faits économiques, à des indicateurs fiables d’une émergence assurée.

Parce que « le Togo a ses réalités »,  l’histoire continue de dérouler ses séquences désagréablement répétitives, de prolonger les attentes, les souffrances. Le tableau ne porte aucune écriture de fierté, aucun motif d’espoir. Le cas togolais, en Afrique de l’ouest – il faut le dire – est un cas de toutes les complications. Et, bien malin est celui qui pourrait dresser, avec précision, le portrait du Togo de demain.

Comment tout cela va finir? C’est cela la vraie question que se posent les Togolais de tous les jours. Les Souvenirs sont lancinants, l’avenir, lui aussi, lancinant. L’année qui commence va-t-elle redresser la courbe du plongeon? Rien n’est moins sur.

Kodjo Epou
Washington DC
USA
02 janvier 2017

27Avril.com