Entretien/Devant leur situation intenable, le Porte-parole des Enseignants Volontaires Nationaux Komi Kouyakoutouli dégaine : « Nous ne pouvons pas être des éternels esclaves pour certains Togolais »

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A une semaine de la rentrée des classes pour le compte de l’année scolaire 2017-2018, les différents acteurs du système éducatif se préparent. Au niveau du gouvernement, c’est le silence total alors que deux fédérations syndicales ont annoncé des préavis de grèves. Pour les Enseignants Volontaires Nationaux, ce n’est pas non plus la sérénité : leur porte-parole revient dans cet entretien avec la Rédaction de « Le Correcteur » sur leur situation insoutenable.

Que peut-on comprendre par enseignants volontaires ?

Par enseignant volontaire, il faut entendre ou comprendre que c’est un enseignant à part entière qui n’émarge pas sur le budget de l’Etat. C’est celui-là qui s’est donné volontiers pour apporter sa pierre à l’édification de la nation en assurant l’instruction et l’éducation des apprenants.

Dans quelles conditions les enseignants volontaires nationaux ont-ils été recrutés par le gouvernement ?

C’est dans des conditions obscures au départ car nous, enseignants volontaires du secondaire réclamions notre intégration soit par un décret soit par un concours interne d’intégration comme ce fut le cas des enseignants volontaires du primaire en 2010. Le 20 juin 2014, le ministre des Enseignements Primaire, Secondaire et de la Formation Professionnelle d’alors, Florent Maganawe a envoyé un courrier aux directeurs régionaux de l’éducation demandant de faire parvenir au Directeur des Ressources Humaines dudit ministère les dossiers de tous les enseignants volontaires relevant de leurs régions respectives. « Je vous demande de faire parvenir à la Direction des Ressources Humaines au plus tard le lundi 30 juin 2014, les dossiers des enseignants volontaires âgés de 18 ans au moins et de 45 ans au plus et titulaires de la Licence ou de la Maîtrise en service dans les collèges et lycées de vos régions d’éducation respectives. ». De là, nos dossiers étaient transférés au programme de Volontariat National (PROVONAT), aujourd’hui Agence Nationale des Volontaires du Togo (ANVT) après étude de dossier, ce programme fait savoir que sur les 1250 enseignants volontaires, 750 répondaient à la fonction enseignante. C’est ainsi que le programme a pris 500 enseignants volontaires qui devaient devenir volontaires nationaux de l’éducation. En constituant les dossiers, nous n’avions pas pensé à cela. Ce qui fait qu’on était surpris puisque rien ne présageait notre reversement dans le programme Provonat.

Vos traitements avaient-ils changé avec votre statut de volontaire ?

Nos traitements ont changé pour ceux qui gagnaient moins de 50.000F/mois sur 7 ou 8 mois par an et non pour ceux qui gagnaient plus de 60.000F.

Après le concours national de recrutement des enseignants fonctionnaires, vous êtes 1206 sur 1424 enseignants volontaires nationaux recalés. Pourquoi ne semblez-vous pas comprendre cette situation ?

Selon les résultats, seuls 218 sur 1424 soit un pourcentage de 17,41% de volontaires nationaux de l’éducation sont retenus et les 782 retenus sont ceux qui n’ont pas tenu de la craie une seule seconde dans une des classes dans ce pays car selon les textes du programme une fois qu’il y a concours, les VNE sont les plus favorisés mais malheureusement tel n’est pas le cas. Aussi, il nous avait été dit qu’il fallait accepter faire partir du programme de volontariat pour acquérir une expérience professionnelle d’abord et on vient proclamer 782 qui ne sont pas du programme, eux ils ont acquis l’expérience professionnelle où ? C’est curieux car ce sont nos élèves que nous avions formés et nos élèves-stagiaires qui viennent d’être déclarés admis et nous qui les avions formés non. C’est inadmissible ! Nous ne semblons pas comprendre aussi car selon les promesses, on devrait être les plus favorisés au concours. Et pour nous, c’était une façon de nous intégrer après avoir servi pendant 5 ans, 10 ans voire plus. Est-ce à dire que c’est une façon de nous surexploiter ? Toutes les fois qu’il y a grève, nous ne participions pas et on donne le meilleur de nous-mêmes pour l’enseignement de qualité. Et qu’il y ait concours et on se permet de déclarer admis d’autres personnes sans expérience professionnelle, on se demande quel enseignement de qualité voulons-nous ? L’idéal serait de commencer par ceux qui sont déjà sur le terrain avant de voir le cas des plus jeunes quand bien que : « Agis de sorte que tu traites l’humanité en toi et en autrui jamais comme un moyen mais comme une fin en soi ». Mais nous autres sommes des moyens pour parvenir à des fins. Il s’agit selon nous d’une pure et simple surexploitation.

Avez-vous une idée sur la situation des enseignants volontaires de la sous-région ?

Justement parlant du cas des enseignants volontaires, le Togo n’est pas le seul pays dans lequel on rencontre les enseignants volontaires. En 2003, le Bénin avait plus de 10 mille enseignants volontaires au primaire et plus de 15 mille au secondaire sur décret présidentiel, on a fait d’eux des enseignants fonctionnaires. De nos jours, les volontaires qui sont encore au Bénin, ont au plus 18 heures et peuvent intervenir dans deux établissements et gagnent 2.000F/heure. Ce qui fait qu’à la fin du mois, un enseignant volontaire au Bénin tourne autour de 150.000F/mois contre un enseignant volontaire au Togo qui gagne 60.000/mois. En début du mois de novembre 2016, dans l’émission « 7 milliards de voisins » sur RFI, les ministres de l’éducation du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire et du Togo étaient les invités pour échanger par rapport à comment se fait l’éducation du Burkina à un moment les statistique relevaient qu’il y avait plus de 15.000 enseignants volontaires et par décret, ils sont intégrés à la fonction publique et le besoin existant toujours, ils ont organisé un concours pour recruter encore. Ceux qui restent comme volontaires, gagnent au moins 1500F/ heure. Le ministre de la Côte d’Ivoire dit qu’ils ont des enseignants volontaires mais c’est par le concours qu’ils sont devenus fonctionnaire. Le ministre togolais avait fait savoir que c’est dans le programme Provonat en vue de l’acquisition de l’expérience professionnelle. C’est ce qui nous surprend d’ailleurs des résultats, dire qu’on passe par Provonat, on a cru que désormais c’est un passage obligé pour tout diplômé. Mais on vient déclarer 782 comme admis alors qu’ils ne font même pas partie du programme Provonat d’où tirent-ils leurs expériences professionnelles ?

Pourquoi les diplômés en philosophie, allemand, science physique et mathématique ne passent pas les concours annuels pour l’entrée à l’ENS ?

Depuis 2010, il y a eu suppression des concours de recrutement des enseignants auxiliaires régionaux (CREAR). L’Ecole Normale d’Instituteur (ENI) forme des enseignants du primaire, l’Ecole Normale Supérieure (ENS) forme les enseignants du collège. Il se fait qu’il y a fusion des inspections et des CEG devenus complexes. Ceux qui sortent de l’ENS sont ceux-là qui dispensent les cours de la 6ème en Terminale. Or, il se fait que l’ENS ne prend pas en compte la philosophie, l’allemand et l’espagnol qui relèvent exclusivement du lycée. Les enseignants dans ces différentes matières subissent une injustice qu’on ne comprend pas. De même pour les mathématiques et les sciences physiques, on préfère les candidats du BAC II pour faire trois ans de formation. La Licence en mathématiques et physique ne passe pas le concours. Il se trouve que dans le même temps pour les autres matières (Français, Anglais, Histoire-Géographie, Science de la vie et de la terre) on admet la Licence. Ce qui dépasse également notre entendement.

Pourquoi exigez-vous votre intégration à la fonction publique ?

Nous l’exigeons car nous ne pouvons pas être des éternels esclaves de certains togolais. Le Togo nous appartient à tous sans distinction. Nombreux sont ceux parmi nous qui ne pourront plus passer un concours dans ce pays et même ailleurs. Nous avons du mal à reprendre aux côtés de nos élèves et élèves-stagiaires qui répondront comme enseignants fonctionnaires et nous qui leur avions transmis le savoir, le savoir-faire et le savoir-être, répondre comme enseignants volontaires. Nous sommes moralement et psychologiquement affectés et pour éviter de faire un mauvais travail, nous souhaitons notre intégration dans les plus brefs délais. Les jeunes que nous formons ont plus de chance à passer plusieurs concours qu’on organise en leur faveur mais nous non. De plus nous sommes très humiliés dans la société car nous n’arrivons pas à honorer nos engagements vis-à-vis de nos créanciers, on n’arrive pas à assurer l’encadrement de nos enfants, à payer nos factures d’eau et d’électricité à se soigner. Toutes ces raisons susmentionnées nous obligent à réclamer simplement notre intégration sans condition.

Avez-vous un mot de conclusion pour finir ?

Nous disons courage aux camarades enseignants volontaires que nous exhortons à continuer par donner le meilleur d’eux-mêmes sans faille. Aux autorités de notre cher pays le Togo d’honorer leur promesse en vue de l’éducation de qualité tant prônée car selon Julius Nyéréré chaque fois que l’éducation échoue, la société avance d’un pas mal assuré ».

Entretien réalisé par la Rédaction

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