La quarantaine tapante, Félix Ekue Ayika est un politologue togolais vivant aux Etats Unis d’Amérique. Des collèges Notre Dame des Apôtres (NDA) ou Saint Joseph de Lomé où il a fait ses études secondaires, Félix Ekue Ayika est aussi connu à l’Université du Bénin devenu Université de Lomé où il a entamé ses études de droit avant de s’envoler pour les Etats Unis d’Amérique. Nanti d’une licence en Sciences politiques et deux masters en Sociologie et Langues étrangères de l’Université de Nebraska, il a effectué de 2010 à 2012 des missions d’observations électorales pour la CEDEAO. Certifié en Investigation de Fraudes (CFE, Certified Fraud Examiner), il est un spécialiste Senior en Gestion des Risques en ligne tels que la piraterie, le vol d’identité, le hameçonnage, les fraudes dans une société américaine spécialisée.
Passionné de la politique, Félix Ekue Ayika est membre actif de l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC) depuis sa création en 2010. Il est d’ailleurs devenu Secrétaire Général de la Fédération ANC-Amériques depuis 2013. Dans cet entretien exclusif au bihebdomadaire togolais « Le Correcteur », le jeune politologue togolais est revenu sur les conditions désastreuses d’organisation des élections locales et ses principaux enjeux pour l’opposition dans la perspective de 2020. Lecture
Quel regard portez-vous sur l’esprit des élections locales ?
Il s’agit aujourd’hui de faire en sorte que les populations togolaises s’approprient la gestion de leurs localités par leurs élus locaux et d’user de leurs droits les plus élémentaires de concertation, de discussion, d’échange et de décisions souveraines sur les sujets majeurs sans interférence et injonctions voire les arbitraires du gouvernement. C’est le minimum auquel nous devons tous aspirer et nous porter à atteindre à travers ces élections locales, que les Togolais attendent depuis près de 40 ans si nous considérons la réelle et vraie situation des communes togolaises dans son administration au cours de la période de parti unique.
Que pensez-vous du processus électoral actuel ?
Vous savez très bien que les recommandations du 31 Juillet 2018 de la CEDEAO n’ont pas été respectées par le pouvoir en place, qui a usé de subterfuges pour organiser unilatéralement les législatives sans respecter la feuille de route, afin d’avoir une Assemblée Nationale comme elle existe aujourd’hui et opérer ses réformes et faire ce qu’il veut et quand il veut.
Tout est aujourd’hui fait pour que l’opposition ne participe plus aux élections, et reste éternellement dans la contestation. Maintenant le refus d’enrôler les Togolais qui ne l’étaient pas en 2018, est une violation flagrante des droits politiques les plus élémentaires de la population ; et une façon la plus claire de toucher à l’intégrité du processus. Alors face à toutes ces manœuvres qui n’ont pour objectif que de pousser l’opposition au boycott, faut-il laisser faire sous prétexte qu’il y a insuffisance ? Pas du tout, car il s’agit bel et bien des élections locales consacrées exclusivement aux collectivités locales. N’oublions pas qu’aujourd’hui, ces pouvoirs locaux sont dans les mains du pouvoir. En cela nous n’avons pas le droit d’être en dehors de ce processus historique et croire à ceux qui médiatiquement parlant, travaillent pour le pouvoir partout dans le monde pour insulter, vilipender ou à la limite mentir de manière excessive dans le compte des leaders pour les écarter en les entachant de choses qui n’ont jamais existé. C’est pourquoi vous entendrez des inepties telles que tel chef parti politique a pris de l’argent ou tel a fait ceci avec le pouvoir etc comme si tous les Togolais sont des gamins de 11 ans qui peuvent croire à tout. Nous autres, connaissons désormais même jusque dans la diaspora ceux qui font ce sale boulot dans les médias et multimédias pour le compte du pouvoir togolais. Beaucoup en ont fait leur gagne-pain, et nous les comprenons mais c’est triste et honteux de vivre de cette façon et de se faire passer pour un membre de la diaspora engagé pour la démocratie et l’alternance au Togo.
Revenant sur le processus, il est à noter que les Commissions Electorales Communales Indépendantes n’ont pas été créées, pour jouer leurs rôles comme cela se fait dans un processus électoral de décentralisation. Donc les CELI sont reconduites et restent au niveau des préfectures où les conseils de préfecture sont supprimés. Ce qui veut dire que les Préfets ont tous les pouvoirs dans ce processus de décentralisation et restent comme maintenant de véritables potentats. Les Préfets auront en plus de leurs attributions de pouvoir déconcentré, les attributions et les prérogatives des Conseils de Préfecture. Ainsi les CELI doivent être suivies avec une très grande détermination par les parties prenantes à ces élections.
Sur un autre aspect important, le Code Electoral togolais est incohérent et inadapté, et même les plus primaires des sanctions pénales prévues par le Code Electoral ne sont pas adaptées au nouveau Code Pénal de la République Togolaise. Pourtant, nous allons aux élections avec cette insuffisance législative électorale, et le pouvoir ne veut changer, ni adapter une seule disposition en la matière. Pourquoi ? Rien que pour pousser l’opposition à refuser d’aller à ces élections locales. Les actes de la CENI à l’endroit des parties prenantes sont devenus plus bizarres. Une CENI qui n’a rencontré aucun parti politique alors que le corps électoral est convoqué ? On dirait de l’amusement ou carrément de la non-maitrise des principes les plus élémentaires de l’organisation des élections. Mais en dépit de ces incongruités organisationnelles, personne ne doit laisser faire ces élections
Comment voyez-vous les futures relations entre les Préfets et les Maires élus ?
Ce ne serait pas du beurre, car l’objectif du pouvoir étant la conservation, alors tout serait mis en œuvre pour créer au maximum des problèmes aux nouveaux Maires qui seront élus. C’est en cela que sur la base de nos expériences et de nos vécus dans les communes à l’extérieur du Togo, nous suggérons avec détermination et force que le choix des maires de l’opposition doit s’opérer dans l’objectivité et le combat politique réel face à la dictature cinquantenaire. Les hommes qui seront choisis doivent être des hommes de caractère et solides, capables de dire non aux Préfets et au Ministre de l’Administration territoriale et en plus, ils doivent être capables de discuter et de défendre des dossiers de gouvernance d’un pouvoir d’Etat, je dis bien de la gestion d’un pouvoir d’Etat. Si nos choix sont faits par complaisance et les consignes de votes sont données pour que seuls le militantisme et la fidélité ou des efforts pécuniaires sont retenus, alors soyons certains que les conseils municipaux seront dissous en 3 ou 4 mois seulement par le gouvernement. Ce gouvernement n’hésitera pas à user de ce droit légal. Le gouvernement cherchera dès les premiers jours, à créer des problèmes aux nouveaux maires pour faire croire que l’opposition est composée de mauvais gestionnaires et d’hommes incapables de gérer le bien commun. Donc de grâce, après l’élection des Conseillers municipaux, l’élection des maires va constituer la première partie de l’élection Présidentielle. Et cela doit se faire au niveau de l’opposition, avec objectivité et la qualité des hommes élus dans l’option de la gestion d’un pouvoir d’Etat. Nous devons tous en avoir la bonne conscience désormais. La situation politique actuelle commande que les hommes politiques engagés ayant une forte personnalité et pour ainsi dire, ceux qui ont aussi un caractère trempé, sont les mieux outillés à occuper ces fonctions de Maire avant l’élection Présidentielle de 2020.
Que pensez-vous de l’absence de la diaspora togolaise du processus électoral en général ?
C’est une grande déception pour nous citoyens et acteurs politiques togolais de la diaspora. C’est paradoxal que le ministère des Affaires étrangères du Togo vante son programme de la diaspora et en même temps le gouvernement nous refuse le droit de vote. La feuille de route de la CEDEAO recommande le droit de vote de la diaspora et quand bien-même le parti au pouvoir a tout fait pour mettre en échec les pourparlers et n’a pas appliqué les recommandations de la CEDEAO, par chauvinisme, le gouvernement aurait au moins amendé le code électoral pour permettre aux Togolais de l’étranger désireux de rentrer au bercail de pouvoir participer à ces élections et leur permettre de voter dans les élections à venir dans leurs pays respectifs de résidence. Dans la diaspora, il n’y a pas que des opposants togolais, nous avons aussi nos concitoyens de l’UNIR qui sont privés du droit de vote. Nous ne resterons pas les bras croisés et comptons entreprendre des démarches auprès des autorités pour que la diaspora rentre dans ses droits d’ici les prochaines élections.
Votre mot de conclusion
De grands défis nous attendent. Un Togolais qui aime son pays ne peut pas continuer à se plaire dans la situation délabrée dans laquelle il se trouve et par conséquent l’engagement citoyen de nous tous s’impose afin de commencer par opérer le changement à la base. Je demande pour cela humblement à nos compatriotes en âge de voter le 30 juin de faire des choix judicieux pour une gestion assainie de nos communes.
Entretien réalisé par Honoré ADONTUI
Source : www.icilome.com