Mardi 06 juin courant, Bafilo, il est midi. Notre Rédaction lève l’ancre en direction de Lomé à bord de sa traditionnelle voiture de fortune. Nous avons été N fois interpelés par les habitués de la route sur les aléas de la nationale N° 1. Il nous est revenu, entre autres, que malgré les travaux de correction qui ont fermé les contournements en 2015, les transporteurs ne sont pas encore sortis de l’auberge de Bafilo à Alédjo. Ces nouvelles ouvertures sont de moins en moins sollicitées par les usagers, notamment les gros porteurs, au profit de l’ancienne route. Pire, l’axe national, réhabilité d’Atakpamé à l’entrée Sud de Sokodé, est encore une épreuve délicate si on jette un coup d’œil aux grands ouvrages. Nous y sommes pour toucher les faits.
Centre-ville de Bafilo, sur l’ancienne route nationale, un titan chargé de ciment est en garde-à-vous en travers de la route. Ce matin, la tendance a alors changé, tous les camions qui rallient Kara empruntent le contournement malgré eux. Notre curiosité professionnelle devait commencer précisément à ce niveau. Malgré que ce contournement, si neuf soit-il, continue par être un piège fatal pour les professionnels de la route, aucune dégradation n’est visible sur la route asphaltée en dehors de son aspect toujours lisse et les indomptables ravins. C’est du moins le constat de profane. Faille d’Alédjo, 30 minutes plus tard. Là, la réalité est rebelle, impossible de ne pas marquer un arrêt. Pour une Rédaction qui a suivi les travaux de ces contournements, il n’y a pas de faits insolites. On ne peut pas passer indifférent les affaissements visibles qui jonchent cette ceinture sensée trouver une solution à la faille. Si vous n’êtes pas au volant d’une voiture, vous n’évaluez ce danger que quand, par malheur, vous êtes déjà dans l’un des multiples fosses. Votre engin roule sur une route nouvellement bitumée mais vous avez besoins d’une précaution particulière comme si vous êtes en zone marécageuse et argileuse par temps de pluie. Une voie est ouverte pour éviter les ravins et réduire les déclivités à la normale, mais quand vous y êtes, il faut savoir marcher sur les œufs le cœur dans la main. Sur le contournement de Bafilo, rien n’est encore apparent par rapport aux affaissements. Mais à 10 km vers le Sud, sur cette seconde bande, des cercueils sont ouverts ici et là et les cadrans des engins commencent déjà par gratter la bitume comme le montrent les photos. La route est en dégradation, la couche asphaltée n’est pas encore enlevée mais le constat est alarmant et cette saison des pluies ne facilitera pas l’équation.
Sokodé-Blita, tout beau tout neuf, la route est réhabilitée, dit-on
Même si la nationale N° 1 reste encore restreinte, elle a grandi en gabarit, plus large qu’avant.
Le bémol, et pas des moindres, les points. De Lomé à Kara, à notre compteur, les ponts d’Amakpapé et de la double voie de Togblékopé compris, nous avons enregistré trois points élargies à la taille de la route agrandie. Le reste des ouvrages sont moins larges que la route réhabilitée, paradoxe.
Ce n’est pas tout
Nous sommes à une centaine de kilomètres d’Atakpamé. Ici, on parle d’une réhabilitation sur 102 km, 49 milliards FCFA sont passés par là, même si cela n’a pas suffi pour boucler les travaux. Ainsi, alors qu’on croyait la route enfin bouclée après une longue péripétie faite de détournement de fonds vers des axes imprévus avec la SBI, à quelques dizaines de kilomètres d’Atakpamé, les usagers sont avertis « roulez doucement, route glissante ». Et pourtant elle est neuve, ici commence des décapages entrecoupés. Il faut respecter une certaine vitesse pour ne pas voir sa voiture balancer dans une direction indésirée. Cette portion qui annonce Atakpamé, en venant du nord, ressemble à un chantier en finition sauf qu’on n’y voit aucun signe de travaux de finition en cours. C’est dire que l’anomalie risque de durer, ou alors on attend les premiers morts avant de contraindre l’entreprise à faire la finition. C’est sur cette note que nous faisons notre entrée dans la ville des 7 collines pour amorcer l’épreuve Atakpamé-Lomé et particulièrement Notsé-Lomé. Les ponts continuent par garder les mêmes caractéristiques, la route est réhabilitée il y a quelques années et elle commence par être visitée par des nids de poule sur une route qui, en apparence, est encore en forme. Entre Notsé et Lomé, c’est un de ces nids de poule qui coûteront la vie à Boukari Manaf, jeune universitaire de 36 ans fauché par la route avec 3 autres concitoyennes.
Chantiers à la traine
La route, de la nationale N° 1 aux routes secondaires, si des chantiers ont pu aller à termes, ils sont nombreux qui ont pris du plomb dans l’aile pour des motifs beaucoup plus financiers. Tous les acteurs sont touchés par cette difficulté à être à jour avec les cahiers de charge. Sur les chantiers en cours, ce n’est donc pas la grande joie. En illustration, pour finir, il faut dire que, un peu plus en amont vers Dapaong, EBOMAF a chu son quartier général sur plusieurs voies secondaires, Sinkassé-Tandjouaré, Dapaong-Ponio, Pya-Sarakawa-Kanté, Dapaong-Borgou, Borgou-Mandouri frontière Bénin. S’il n’y a pas grand souci avec ce géant de la route, c’est depuis novembre 2013 que ça dure sur cette dernière voie qui comprend un pont de 200 m. Ça traîne, si ce n’est encore un abandon de chantier. D’après les informations fournies dans les localités traversées, il y a trois semaines, on glane encore avec le terrassement à moins que ces derniers jours les lignes aient pu bouger. Le PNUD et la BIDC étaient en tournée, il y a peu. Ce n’est pas la grande forme sur ce chantier qui prend de l’eau à moins que le groupe burkinabé veille bien mettre les moyens ces derniers moments.
L’Entreprise burkinabé a-t-elle été, lui aussi, virusée par le syndrome qui plombe les chantiers togolais, blocages administratifs ou alors le groupe a tout simplement préféré faire de ce chantier le cadet de ses préoccupations dans la sous-région? Cette voie n’est pas la seule, mais c’est la lus en retard au comptoir de Boukougou Mohamed. De toute évidence, en attendant que nous revenions sur les non-dits de ce cas parmi tant d’autres qui peuvent inquiéter la réputation d’une entreprise sous régionale, de sources proches des institutions internationales, on a commencé par bouder après certaines visites. Espérons que les responsables ne laisseront pas pourrir. Pour rappel, le Togo est le levier sur lequel EBOMAF a posé son internationalisation. Après un passage éclair dans la capital comme pour juste faire une reconnaissance de terrain, il se repli au nord d’abord sur les projets Dapaong-Ponio-Frontière du Burkina Faso, Cinkansé-Tandjouaré, Dapaong-Borgou avec plus tard la promesse de rééditer l’exploit sur Borgou-Mandouri, Tandjouaré-Kanté, Pya-Sarakawa-Kanté, Mandouri-L’Oti-Frontière du Bénin. Nous souhaiterions garder espoir, mais depuis que CECO-BTP a montré ses limites, les Togolais sont devenus des saints Thomas face aux promesses des ‘’grosses’’ entreprises. On a donc des raisons de voir avant de croire. L’héritage de CECO-BTP dans le palmarès des chantiers en souffrance, c’est inutile d’en faire cas, on ne tire pas sur un corbillard, du moins pour le moment.
Commentaires
Dans le cadre de la Stratégie de croissance accélérée et de promotion de l’emploi (Scape), adoptée par le gouvernement en 2013 pour 2013-2017, le pays affiche sa volonté d’investir dans les infrastructures de transports. Le secteur routier, prévoit d’investir 2000 milliards de F CFA en cinq ans. Il calculait avec l’appui des partenaires au développement. Il n’en faut pas plus pour mettre tout le pays en chantier, invitant, du coup, les oiseaux de tous les plumages dans la course aux milliards versés sur « la route du développement». En attendant d’évaluer les infrastructures routières de la capital, l’intérieur du pays nous intéresse en cette période du bilan où le Togo a épuisé ses cartouches financières. Dans les pays où les dirigeants sont civilisés, nous avons constaté que, quand un engin sent une difficulté sur une route, il se débrouille pour garer au premier point car les ponts sont les parties les plus larges d’une route. Ailleurs, nous avons aussi vu des autorités organiser des visites techniques annuelles pour les ponts, mais sur la nationale N° 1 au Togo, nous continuons par emprunter des ponts construits par le colon. Les visites techniques, tout le monde peut les faire à l’œil nu. Le colon a quitté mon pays en 1960.Ils sont donc rares, les ponts où les croisements peuvent se faire sans grand souci.
Nous les avions traversé un à un en prenant des images par endroit. Le colon les construisait pour répondre aux besoins d’une population qui ne dépassait pas un millions d’âmes, ou du moins un million cinq, présentement nous sommes 8 millions environ. Au-delà du fait que la plupart de ces ouvrages datent du temps colonial, ils sont donc de petits pièges tendus sur la seule route qui traverse le Togo dans le sens de la longueur. Une route a été construite avec un pont, si la population a grandi au point de mériter une route plus large, c’est dire que le pont aussi doit grandir avec la route. La route a vieilli et mérite une réhabilitation parce qu’elle ne répond plus aux exigences de sécurité, c’est que le pont aussi est en désuétude. Ces ponts, toujours archaïques dont certains sont susceptibles de céder à tout moment, sont semblables à un cafard dans la soupe sur la route du grand nord quelle que réhabilitée soit-elle. Quand le pont d’Amakpapé avait cédé, il a été promis une visite de tous les ponts pour évaluer leur solidité, mais depuis, rien. On attend qu’un autre pont cède avant que l’entretien routier se gratte la tête.
D’abord et surtout les contournements
Lancés en Novembre 2010, les travaux ont duré 4 ans. Mais en décembre 2015, alors que la réception n’est pas encore faite, ils seront fermés pour, dit-on, « maintenance ». Le Togo des Gnassingbé, on commence la maintenance d’une route avant réception. D’après nos informations, on parle de 3 milliards CFA encore dépensés, pour la fameuse maintenance, à la charge, devons-nous croire, de l’entreprise chinoise. Mais malgré «la maintenance», rien n’a pu être maintenu, la route échappe toujours aux usagers. La réalité saute aux yeux, ces contournements sont largement en deçà des attentes du cahier des charges. En réalité, le constat qui a poussé notre pays à ouvrir ces nouvelles voies est une vieille évidence. Que ce soit à Défalé, Bafilo ou dans la faille d’Alédjo, les pentes sont trop drues, 10 % de déclivité pour les axes 1 et 2 d’Alédjo sur 18,1 km et 12 % de pente pour l’axe de Défalé sur 12, 1km. Pourtant, la norme est d’un maximum de 7 % pour les camions. Quand le désormais président des présidents de la CEDEAO, escorté de son PM d’alors, Gilber F. Houngbo, piochait ces contournements chantier en guise de lancement, le Jeudi 4 février 2010, mon pays attendait voir les pentes réduites jusqu’à 5 ou tout au plus 5,6%. Mais c’était sans compter avec la face hideuse de l’ingénierie chinoise et la cupidité des braqueurs à col blanc de la République togolaise, on peut citer entre autre Nissao Gnofam et OTEH AYASSOR, respectivement ministres des travaux publics et des transports puis ministre des finances à l’époque et leur chaîne de contrôleurs. Rien a changé, si changement il y a eu, c’est que la situation s’est empirée dans ces ravins. Les fosses à éviter se sont plutôt multipliés, la route souffre de ronflantes imperfections. Travail bâclé, aspects techniques non respectés, la fondation, la couche de base tout comme le béton bituminé, tout a été mal faits. Le tout a accouché d’une route trop lisse pour les gros porteurs, elle reste toujours restreinte, pourtant, l’objectif était d’obtenir un contournement élargit et moins accidenté. Pour le moment, le constat le plus sûr est que les zones accidentées sont devenues plus dangereuses que jamais. La première« maintenance » n’a rien donné, les travaux ont pourtant duré une année, mais à l’allure où nous avons visité ces routes, à moins qu’on veille tout reprendre à zéro, ce qui est l’idéal, une deuxième maintenance va s’imposer sous peu pour que ce que notre Rédaction a désigné par « les contournements de la mort » arrête le carnage. La saison des pluies n’est pas encore au zénith, et les semaines à venir vont dévoiler le vrai visage du savoir-faire chinois entre les flancs du mont Alédjo.
Tel est le constat. Cela n’avait pas empêché le ministre Gnofam de se féliciter de: «la rapidité avec laquelle le contournement des Monts Alédjo et de Défalé a été réalisé, en dépit de la complexité du terrain. Une prouesse technique à mettre au crédit de l’entreprise Chinoise des Ponts et Chaussées». Nous n’inventons rien, les faits parlement d’eux-mêmes les clichés pris sur le terrain le mardi surpassé sont témoins et les autorités peuvent faire une descente sur les lieux. Les faits c’est que, après ce travail, les camions qui sont sensés pousser un ouf de soulagement préfèrent abandonner une route flambant neuve pour retourner aux deux anciens axes qui datent de l’ère coloniale. Au départ, les autorités avaient cru que c’était un choix délibéré de la part des professionnels de la route. C’est donc l’arme en bandoulière que les forces de sécurité jalonnaient les anciens axes pour contraindre les engins à faire l’expérience de la nouvelle route. Mais quand le tronçon a commencé par se détériorer sans crier gare sur fond d’accidents à intervalles réguliers arrosés de mort d’hommes, les braqueurs des routes togolaises ont perdu leur verve, les voies sont fermées pour correction.
Pour défendre les ministres et autres intervenants qui ont failli à leur devoir pour que ceci arrive, l’argument est tout trouvé. Certains confrères, porte-parole des ministres, ont avancé que « l’appel d’offre a été lancé en Chine », puisque telle est l’habitude quand on prête de l’argent chinois pour les infrastructures. Mieux, ils ont trouvé que, le fait que le DG Liang Qing Shan, de l’entreprise chinois, SNCTPC, soit demis est une preuve que la faute sur les contournements est chinoise et non togolaise. Arguments tirés par les cheveux, et si le chinois s’était laissé contaminer de ‘’Togolité’’? Oui, mais le bureau de contrôle, payé par la BOAD à plus de 3 milliards, est choisi par le Togo. Quel rôle a joué le bureau de contrôle, CIRA? A côté, il y a le Laboratoire national des bâtiments et travaux publics du Togo (LNBTP), quel rôle joue-t-il ? Le prêt de la China Exim Bank, plus de 20 milliards de CFA, est remboursable sur 20 ans avec une période moratoire de 7 ans.
Ainsi va le développement avec les Gnassingbé
Le Togo est le quatrième exportateur de phosphates dans le monde, le deuxième en Afrique après le Maroc et une des qualités les plus enviées, il a l’un des rares ports en eau profonde à grand potentiel d’Afrique, en capital humain, il a été une référence dans la sous-région avec des cadres de qualité, il a actuellement un des plus grands gisements de clinker du continent, Dieu merci il n’a pas connu une guerre civile, il a été géré par une même famille pendant 50 ans. Mais alors que le pays n’a que 600 km de long, la famille n’a pas pu remplacer les point érigés par les colons sur cette distance qui ne couvre pas encore la distance de certaines grandes villes, moins encore dédoubler la seule route nationale ouverte avant 1960. La voie ferrée, elle aussi héritée du colon, n’a pas pu être réhabilitée, pire, elle est actuellement une curiosité plus touristique qu’un atout économique. Criblé de dettes, le pays veut pourtant se construire et les dirigeants, toute honte bue, acceptent des conditions des plus farfelues d’un pays comme la Chine, on peut vous prêter des sous pour les routes mais les appels d’offre se font en Chine. Après avoir montré leur limites avec des canaux de financements normaux, ils sont obligés d’accepter toutes les conditionnalités des prêts, mon pays. De Lomé à Cinkassé, c’est le rétrécissement de la chaussée au niveau des ponts et ponceaux qui est un vrai danger pour les usagers.
Le Togo traine actuellement plus de 2000 milliards de dette publique, intérieur et extérieur, avec de nombreux partenaires bilatéraux et multilatéraux puis les prestataires nationaux. On peut citer en international, la Chine, l’Allemagne, la France, la Banque d’investissement et de développement de la CEDEAO, la Banque africaine de développement, la Banque arabe pour le développement économique en Afrique, la Banque islamique de développement, le Fonds de l’organisation des pays exportateurs de pétrole pour le développement international, l’Agence japonaise de coopération internationale, la Banque ouest-africaine de développement, etc. Une bonne partie de cette dette est versée sur des routes tantôt inachevées, tantôt mal faites, au pire, avalée par des projets qui ne commenceront jamais.
Depuis que tous les leviers de l’économie nationale sont enrhumés par la corruption, le népotisme et l’impunité, la seule entreprise étatique qui se porte bien au Togo, c’est l’endettement avec pour destination des fond, des routes hémiplégiques du sud au Nord de la République. Oui, pour une République, c’est vraiment une gestion de copains et de coquins, ils ont tout essayé en vain. Mais ils estiment qu’un héritage, même s’il est en difficulté, on ne le cède pas, car c’est avant tout une affaire de famille, l’essentiel est que l’armée veille.
ABI-ALFA/Le Rendez-Vous
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