Entre FAURE et Cina LAWSON : Qui «contrôle» l’autre ?

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Elle a été l’une des curiosités dans le gouvernement Houngbo le 28 Mai 2010 quand elle a été nommée ministre des Postes et des Télécommunications. Les premières spéculations à chaud s’en sont juste limitées à son patronyme. Une jeune technocrate « Lawson » dans le gouvernement de Faure Gnassingbé. C’est peut-être un geste de plus de la part du fils d’Eyadema de renforcer sa volonté de diluer tant soit peu l’exclusion émincée que son Papa a fait des hommes du Sud dans sa gestion du pouvoir. Il se trouve d’ailleurs que Cina serait la fille de Lawson Merlot. Cet autre téméraire qui aurait fomenté, mais sans succès, un coup d’Etat contre feu Eyadema. Un détail précieux qui est venu renforcer la thèse du rapprochement nord-sud.

Mais très tôt des bruits de relations idylliques entre la jeune ministre et le président de la République sont venus balayer les simples analyses politico-ethniques. Et pas de façon légère. Un leader d’opinion actuellement en périclite dans les faveurs du pouvoir a tenu d’ailleurs à nous rassurer à ce sujet. « Laissez quand on parle de la kyrielle de femmes de Faure. Pour le cas Cina Lawson, je peux vous assurer que c’est du sérieux et le patron a fait les choses dans les règles de l’art comme on le fait en Afrique » avait-il soutenu. Comprenne qui veut. Mais est-il que les faits qui vont suivre aideront certains à avoir plus de grains pour leurs analyses.

Pause ! Brève présentation de la Ministre Cina

L’actuel ministre des Postes et de l`Économie numérique est rentré au gouvernement depuis le 28 mai 2010 sous le Premier Ministre Gilbert Houngbo et est à sa troisième reconduction. La première ayant enregistré le changement de l’appellation de son portefeuille qui est désormais devenu « Postes et Economie numérique » au lieu de « Postes et Télécommunications » précédemment.

En mars 2012, Cina sera d’abord désignée «Jeune leader mondial» par le Forum économique mondial, puis classée par la suite parmi les «20 jeunes femmes les plus influentes en Afrique » selon le magazine Forbes.

En mai 2013, elle fait partie des « 25 femmes les plus influentes du business en Afrique » selon le journal Jeune Afrique.

Le cursus universitaire de la jeune ministre de 44 ans l’a conduit en 1994 à l’Institut d’études politiques de Paris d`où elle sort diplômée en 1996 (section économique et financière) avant d`y obtenir un DEA en Economie appliquée en 1997.

Dame Cina est également titulaire d`une maîtrise d`Histoire (mention très bien) de l`université Paris X et d’un Master à la Kennedy School of Government de l’université Harvard aux États-Unis.
Etant ainsi bien bardée, la jeune diplômée a débuté sa carrière à la Banque mondiale, où elle conseille les gouvernements sur les politiques télécoms, les réformes réglementaires et les privatisations.

Episode 1
Les premières années de l’ex conseillère à la Banque Mondiale dans le gouvernement ont été sans grand sujet. Cina Lawson avait plus fait parler d’elle -et là encore en passant – comme une des femmes du Président plutôt que de son portefeuille ministériel.

Dès les débuts de l’année 2012 la patronne des Telecoms annonce l’ouverture prochaine du marché de la téléphonie mobile à un troisième opérateur. Peut etre une réponse opportune au vent qui avait commencé par se lever contre elle, puisqu’à l’époque, la presse avait commencé par mettre la loupe sur les problèmes de cherté et de qualité particulières qui caractérisent la communication numérique au Togo. Le pays de Faure Gnassingbé étant devenu une singularité au milieu de ses voisins de la sous-région. L’arrivée de ce troisième opérateur viendra catalyser le problème de coût pour les utilisateurs -voix pendant que Togo télécom l’opérateur national du fixe et des données se débattait dans ses méandres pour rebondir et corriger la qualité de la connexion internet. C’est peut-être ce qui a séduit, le Forum économique mondial le magazine Forbes et Jeune Afrique à auréoler consécutivement la jeune ministre entre 2012 et 2013. Vraiment peut-être !

Mais des mois se sont écoulés et les consommateurs togolais n’ont point vu les promesses de Cina se matérialiser. Face aux velléités boumerang de la presse, la ministre sort de son mouchoir l’option des Mvno (Mobile Virtual Network Operator) : des opérateurs mobiles virtuels. On était en 2014. Entre temps le Chef de l’Etat a pris ses responsabilités et a dégagé de la tête de la nationale de téléphonie fixe le Dg Sam Bikasam et son équipe qui au lieu de faire émerger la connexion internet l’ont plutôt plombé avec un passif qui culminait à près de 200 milliards de fcfa. Mais du côté de Madame la ministre, on dansait toujours la salsa sur la question du troisième opérateur pendant que la presse criait haro et appelait le chef de l’Etat à prendre ses responsabilités.

Episode 2

A la suite de la presse, c’est le parlement qui s’est saisi du dossier. La ministre Lawson a été donc invitée à venir éclaircir les élus sur le sujet. Mais la diplômée de Havard n’en a eu que cure de Dama Dramani et de ses collègues du Palais des Congres. Près de quatre invitations ont été lancées. Mais Cina a prouvé au vieux baron qu’elle n’est pas de l’école de ces jeunes qui « s’abaissent devant les têtes blanches » comme le véhicule une sagesse africaine. Et ce, peu importe le poids que représentaient seulement hier encore, les hommes de la facture de Dama Dramani au Togo. Comme l’a dit un de nos lecteurs, Cina a voulu indirectement paraphraser « son tonton de fait» en prouvant à Dramani que « hier c’était Eyadema mais aujourd’hui c’est Faure ». Le président du parlement n’ayant pas pu faire déplacer la Ministre des Postes et Economie numériques, il s’en est remis au Chef du gouvernement, Selom Klassou. Une autre grue de l’ancienne école que la modernité n’a point réussi à déboulonner. Le Premier Ministre a, lui non plus, essayé en vain. La Ministre Cina ne s’est point exécutée, outre mesure. Dépassé, le chef du gouvernement a dù soulever publiquement la question lors d’un Conseil des Ministres. « Il est de l’obligation à tous les ministres de répondre aux convocations des députés» a martelé le Premier Ministre à ses préposés devant le Chef suprême de la nation. Nous étions en Mai 2016. Mais Dame Cina est restée imperturbable. « Cina Lawson l’in-tou-chable » avait manchetté à l’époque votre journal Fraternité. « C’est peut-être une manière à elle de dire à tout ce beau monde qu’elle n’est pas à leur étage » avions-nous alors analysé. Et des exemples comme ce genre de snobisme dame Cina en a servi à volonté tant dans le protocole d’Etat lors des cérémonies officielles que dans la gestion hiérarchique de certains dossiers de très haute importance. Soit ! Au moins Cina Lawson prouve aujourd’hui au sommet de l’Etat que « ce que femme veut, Dieu le veut ». Les barons-dieux de la pluie et du soleil au Togo vont certainement le noter en or de leurs journaux intimes. Entre temps c’est seulement le 09 Juin dernier que la patronne des Telecoms a choisi de rendre au parlement la politesse qu’elle lui a tant réclamé depuis plus d’un an. “Les honorables députés voulaient comprendre mieux les problèmes liés à la connexion, les mesures que le gouvernement et les opérateurs mobiles prennent pour pallier ces problèmes. Nous leurs avons parlés de plusieurs choses, notamment la signature d’une licence pour de nouveaux fournisseurs d’accès internet qui se sont engagés contractuellement à fournir des hauts débits. Nous avons aussi parlé de l’octroi de licence de 4G aux opérateurs mobile. Nous avons abordé les questions liées à la qualité de service et de l’amélioration de la gouvernance, du fonctionnement interne des sociétés d’État”, a renseigné Cina Lawson à la sortie de la séance. Ce qui ouvre ainsi l’épisode 3

Episode 3

En plus de l’arrivée des Fournisseurs d’Accès Internet et de l’octroi de la 4G aux opérateurs mobile, la Ministre a surtout parlé de la vétusté des installations. Une affirmation très importante qui quoiqu’ayant réussi à emballer Me Apevon qui l’a pris béatement comme un aveu sain-blanc a, au contraire, éveillé en nous, des présomptions de velléités obscures qu’on a mises sous cape. Et pour cause.

Il se souvient que le 24 Avril 2017, soit seulement six semaines avant les qualificatifs de « vétusté » utilisés par la Ministre devant le parlement, le Chef de l’Etat inaugurait le e-gouvernement apporté par la fibre optique. Et au lendemain de cette cérémonie on pouvait lire sur le www. cinalawson.com, le site de la ministre, que « le projet E-Gouvernement fait du Togo un pays connecté en phase avec son époque. Administrations, hôpitaux et universités de Lomé sont désormais pourvus d’une connexion haut débit grâce à la fibre optique. L’heure est aujourd’hui à l’élargissement du projet au reste du pays ». Et justement sur ce sujet d’élargissement du réseau, la Ministre a reçu régulièrement des rapports des techniciens de Togotelecom qui l’ont informé de « l’Audit et mise à niveau du Cœur du réseau IP, de la Réhabilitation entamée du backbone à fibre optique (artère de transmission nationale) Aného-Lomé-Kara-Cinkassé, de la Sécurisation en cours de la liaison haut débit Lomé – Kara qui permet aujourd’hui qu’une coupure de la fibre entre Lomé et Atakpamé ne se ressent pas grâce à la sécurisation par la liaison fibre optique Lomé-Kpalimé-Atakpamé puis de l’introduction de la technologie FTTH (fibre optique jusqu’à la maison)qui est actuellement en phase pilote à Baguida et à Agoè ».Des chantiers qui ont été exécutés au vu et au su de tous les citoyens dans la fièvre du dernier sommet sur la sécurité maritime tenu à Lomé. Et les effets de ces grands travaux sur l’amélioration de la connexion sont ressentis aujourd’hui sur tous les terminaux à accès internet.

Malgré ces acquis, les parrains de la cabale que cachaient les déclarations du 09 Juin 2017 devant le parlement et les licences accordées aux FAI : VGA et Teolis en amont n’ont pas avorté leur coup. Et c’est ce qui a conduit au fameux Conseil des Ministres du 13 Juillet 2017 dont le communiqué a annoncé, la création d’une Holding abrégée provisoirement Togocom en lieu et place du Groupe TOGO TELECOM adopté consensuellement jusque-là et publiquement déroulé d’ailleurs comme tel depuis plus d’un an. Ce communiqué du Conseil des Ministres a eu le merite de soulever aujourd’hui le tollé de la presse contre la Ministre et ce depuis trois semaines. Les journalistes accusant Dame Cina d’avoir carrément mené le Chef de l’Etat en bateau avec ce « machin de Togocom… aux contours d’OPA familiaux…, mafieux…., nuisibles ……et aux odeurs regrettables de l’OTR ou de Togo Electricité » ont écrit à floraison les confrères. On retiendra qu’avant que le tollé populaire ne soit soulevé, Fraternité avait très tôt alerté sur le risque de perte d’ « Identité du Patrimoine National» avec ce projet Togocom. Aujourd’hui ce sont les syndicalistes des deux sociétés d’Etat (Togocel et Moov) qui montent au créneau pour dénoncer un coup de poignard dans leur dos. Pendant ce temps il se rapporte que le capital social des deux sociétés s’élève à 4 milliards pendant qu’on annonce le grand Togocom pour seulement 2,5 milliards de capital social toutes ces filaires incluses.

Qu’à cela ne tienne, il est à rappeler que le Chef de l’Etat a été lui-même Ministre des Télécommunications, sous feu père. Et à ce titre il est un des plus habilités à découvrir rapidement les moindres supercheries qu’on pourrait cacher dans les dossiers télécoms du pays. Mais si malgré tout cela , on a réussi à faire passer le décret du 13 Juillet 2017 avec ces arguments caducs et ballants, on se demande ce qui se passe au juste dans ce dossier de réforme du secteur de la Communication numérique. Les réseaux capitalistes ont-ils pris le dessus sur l’intérêt national ?

Et l’épilogue

Il émerge à la lumière de ce qui a été relaté jusqu’à ces dernières lignes que la Ministre Cina peut dévier le contrôle du Premier ministre, toiser le Président du Parlement et faire même signer au Chef de l’Etat un décret contre les intérêts de la nation. Au finish, il faut se demander qui contrôle cette ministre à la fin ?

Dans les ombres de Dame Cina on parle d’un certain Sonya Lawson, la petite sœur, mêmes traits et mêmes allures. Mais ça, ce sera un autre chapitre.

Joël EGAH/Fraternité

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