A la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC), c’est le président, Pitang Tchalla, qui est personnellement au front pour la fermeture de certains médias, dont LCF et City FM. ¨Pour ses basses besognes, l’homme a réussi à introduire un mercenaire dans l’institution. Son nom, Sodja Kangni Sallah. Les deux forment un axe qui menace dangereusement la liberté de presse dans notre pays.
L’un est un ancien de la TVT et ancien ministre de la Communication, et l’autre un ancien ingénieur hertzien de la radio nationale. Les deux vieux amis, Pitang Tchalla (membre actuel et président de la HAAC) et Sodja Sallah (ancien membre de la même institution), sont très actifs depuis plusieurs mois à la HAAC, dans une cellule parallèle au bureau élu. On le savait. Mais la fuite d’un document le week-end vient confirmer ce que beaucoup soupçonnaient déjà de ce tandem obscur.
Dans un courrier de M. Sallah, rédigé le 22 décembre 2016 et réceptionné à la HAAC le 05 janvier 2017, on apprend que les deux hommes se sont entretenus sur le dossier de fermeture de médias le 20 décembre 2016. Et celui qui est l’auteur du courrier filait des astuces au président de la Haac, sur comment parvenir à leur fin. Il ne se contente pas de suggérer une procédure administrative ou judiciaire précise, mais il va plus loin en lui conseillant comment « préparer l’opinion à accepter une fermeture éventuelle de ces médias », une propagande et manipulation de l’opinion en bonne et due forme. Il a ainsi insisté sur une communication intensive pour soutenir leur projet de fermeture des médias.
L’auteur de la correspondance revient même sur ce qui était jusque-là un secret de Polichinelle, à savoir que la TVT est dépendante de la nouvelle télévision New World TV, lourd relais de ses productions sur satellite. Un indice qui pourra conduire vers toute une série d’informations sur les relations entre la TVT et New World Tv. Nous y reviendrons.
Kangni Sallah n’est pas (plus) membre de la HAAC. Il l’a été sous les mandatures de Combévi Agbodjan et de Philippe Evégnon. Depuis des années, il est redevenu un simple citoyen. Cependant, l’homme s’est retrouvé de nouveau dans les circuits de la nouvelle administration par la magie de son vieil ami Pitang Tchalla. Ce dernier, à sa prise de fonction, a libéré une partie des agents de l’institution sous prétexte que le personnel était pléthorique ; ce qui a créé un profond malaise dans les couloirs, auprès du personne d’appui. Cela ne l’a pas empêché de recruter son ami Sallah, à l’insu même des autres membres de la HAAC. Les protestations n’y feront rien. Face aux critiques, l’homme, fidèle à son vieux réflexe de « souverain absolu », leur jette à la figure que c’est lui-même qui l’a nommé pour être à son service, à ses frais. Il lui aurait créé un poste de « conseiller », un titre qui crée une confusion, vu que les autres membres de la HAAC ont aussi un titre de « conseiller ».
La nomination obscure de ce personnage n’a pas fini de faire débat, quand le document a fuité, mettant clairement au grand jour le rôle secret qu’il joue aux côtés de son ami Pitang Tchalla. Pris en flagrant délit de mercenariat, le sieur Sallah Sodja comme s’il redoutait quelque chose, s’est empressé de supprimer ses photos sur les réseaux sociaux, changer ses contacts. Mais pour lui, la traque aux ennemis de la liberté de presse ne fait que commencer. D’ailleurs, nous apprenons qu’il est aussi activement impliqué dans un autre dossier à scandale de la HAAC qui est pendant devant la Cour d’Appel de Lomé. Un abus de pouvoir sur lequel nous reviendrons dans les moindres détails.
Il apparaît clairement que le duo Pitang-Sodja constitue une grave menace pour la liberté de la presse d’un côté et pour la stabilité de l’institution de l’autre. La présence de cet intrus qui semble, lui, avoir accès aux délibérations censées être tenues secrètes, met à rude épreuve la sérénité au sein et autour de l’institution chargée de garantir la liberté d’expression. On voit bien donc que c’est lui la main noire derrière les projets liberticides de Pitang Tchalla.
On n’oubliera pas de mentionner que c’est au même moment que Pitang Tchalla arrosait une partie des journalistes, « amis » de Faure Gnassingbé de billets de banque, que lui et son ami fignolaient un plan d’élimination de certains médias dont le pouvoir a perdu le contrôle. Voilà deux hommes qui ont évolué sous le système unique d’Eyadéma et qui n’ont jamais fait le journalisme, le vrai qui suppose indépendance des pouvoirs politiques, qui se lancent dans des projets de rétrécissement des libertés, oubliant que les temps ont changé.
Purs produits du système qui régente le Togo depuis un demi-siècle, ils démontrent par leur attitude que le besoin de réformes institutionnelles au Togo est urgent, très urgent. Ces réformes devront donner des allures républicaines aux institutions à l’instar de la Haac, afin qu’elles cessent d’être aux mains d’individus nostalgiques de l’ère du monolithisme politique.
Source : L’Alternative No.588 du 07 février 2016
27Avril.com