La CEDEAO joue à quitte ou double au Togo; en d´autres termes, l´organisation sous-régionale doit être consciente de la manière dont sa crédibilité est aujourd’hui engagée avec sa tentative de dénouer l´imbroglio togolais. Les expériences malheureuses que les togolais ont eues avec l´organisation économique ouest-africaine en 2005, en 2010 et en 2015 ne sont pas de nature à embellir la carte de visite de cette organisation. Malgré ce passé qui ne témoigne pas d´une grande rigueur ou crédibilité de la part de la plupart des chefs d´état de l´espace CEDEAO, les togolais, une fois de plus, faute d´alternative viable, ont encore fait confiance, à travers leur opposition, à une organisation encore malade de beaucoup de lourdeurs.
Malgré la réserve de beaucoup de nos compatriotes vis-à-vis de la CEDEAO de pouvoir faire preuve d´objectivité, et de rigueur dans son assistance à résoudre la crise togolaise, l´espoir était grand en février 2018 quand avait commencé ce qu´on a appelé le dialogue inter-togolais entre pouvoir et opposition. Il s´agissait pour les deux facilitateurs, Akufo Addo du Ghana et Alfa Kondé de Guinée, de prouver à travers leur sérieuse implication pour trouver de vrais remèdes à l´énigme togolaise, que les organisations continentales et surtout régionales comme la CEDEAO, ne sont pas des syndicats de chefs d´états.
Aujourd’hui, 10 mois après le début du dialogue, le régime Faure Gnassingbé se prépare à aller à des élections législatives le 20 décembre 2018 sans l´opposition, après avoir tout fait pour que les partis de la C14 n´entrent pas à la CENI pour que le processus électoral se passe de façon consensuelle selon la feuille de route proposée par la conférence des chefs d´état de la CEDEAO. La réforme constitutionnelle proposée par l´expert recruté par le comité de suivi est mise à l´écart au parlement par le gouvernement qui se démène pour que les réformes constitutionnelles ne puissent pas être adoptées, si ce n´est à ses conditions. La crise politique qui perdure depuis des décennies, et surtout depuis Août 2017 n´a pas connu un début de solution malgré la médiation de l´organisation économique de l´Afrique de l´Ouest, pire, les positions se sont radicalisées à cause de la mauvaise foi d´un régime qui se sent plus à l´aise dans le chaos. Et la situation déjà délétère risque de l´être encore plus après des élections législatives organisées dans la précipitation.
Et la CEDEAO dans tout ça? Vous demanderez-vous.
Beaucoup estiment que fut une erreur de la part cette institution de fixer la tenue des élections à la date du 20 Décembre 2018, alors que beaucoup de problèmes restaient à être réglés. Même si de façon esseulée et isolée Alfa Condé dira de temps en temps que cette date n´est qu´indicative, personne, ni au sein du comité de suivi, ni parmi les deux facilitateurs, n´est jamais revenu à Lomé pour le dire de façon officielle aux deux protagonistes de la crise. Et le pouvoir de Lomé, connu pour sa roublardise, et qui n´attendait qu´un alibi pour foncer vers des élections qu´il est sûr de « gagner », profite de cette brèche ouverte sciemment ou inconsciemment par la CEDEAO, pour refuser les réformes nécessaires à des élections dignes de ce nom, en criant sur tous les toits que la date du 20 Décembre est contenue dans la feuille de route, et que la repousser serait enfreindre l´esprit des recommandations des chefs d´état ouest-africains. Alors que des pans importants de cette même feuille de route, qui n´arrangent pas le régime Gnassingbé, furent mis de côté, sans que cela n´émeuve personne du côté des facilitateurs et du comité de suivi. Les ministres propagandistes du pouvoir répètent à qui veut les entendre que la date du 20 Décembre 2018 reste pour eux une date fétiche qui ne pourrait être repoussée que si les chefs d´état de la CEDEAO le demandaient. Un simulacre de campagne électorale a démarré depuis le 04 décembre 2018, et le régime des Gnassingbé, comme à son habitude, ne se cache pas en finançant les candidats d´une pseudo-opposition qu´il s´est fabriqués lui-même. Histoire de donner l´impression d´un semblant d´élections normales à l´opinion nationale et internationale. Pour être logique avec elle-même, la CEDEAO devrait intervenir pour arrêter le processus dénoncé par l´opposition et une grande partie des populations togolaises. S´engager dans une médiation qui aboutit à des élections contestées par une partie des belligérants est un echec patent. On a pas besoin d´avoir passé par Sciences Po pour le savoir.
Aujourd’hui il y a deux possibilités: ou les chefs d´état de la CEDEAO ne disent rien, ce qui équivaudrait à un feu vert à Faure Gnassingbé de continuer à faire ce qu´il veut, ou ils interviendront au dernier moment pour arrêter la pagaille organisée par le régime togolais. Au cas où la première hypothèse serait leur option, beaucoup pourraient se demander: la CEDEAO aura fait tout ça pour ça? Et surtout l´organisation sous-régionale aura perdu les quelques brins de confiance et de crédibilité qui étaient encore enfouis dans quelques coeurs togolais.
Samari Tchadjobo
Allemagne
27Avril.com