C’est la première tournée régionale du président Félix Tshisekedi depuis son investiture, et elle a commencé par l’Angola. En conférence de presse conjointe avec son homologue angolais, Félix Tshisekedi a reconnu « quelques imperfections » au cours du processus électoral en RDC. Félix Tshisekedi passe la nuit à Luanda, avant de se rendre mercredi à Nairobi pour remercier son homologue Uhuru Kenyatta.
Le président de la République démocratique du Congo était mardi à Luanda pour un entretien à huis clos avec son homologue angolais João Lourenço au palais présidentiel, un entretien d’une heure suivi d’un déjeuner officiel.
Une visite à valeur de symbole. Difficile en effet d’ignorer le grand voisin angolais, où vit une gigantesque communauté congolaise. L’Angola, important acteur régional, s’était aussi clairement positionné en faveur de l’alternance.
Lors d’une conférence de presse conjointe, Félix Tshisekedi a défendu devant son voisin la légalité de son élection toujours contestée. Le chef d’Etat congolais a reconnu « quelques imperfections, quelques irrégularités » au cours du processus électoral, mais il a surtout vanté « l’alternance pacifique » qu’a connue son pays. « C’est la première fois que nous avons des élections sans violence », dans l’ensemble « nous pouvons donc émettre un satisfecit », a plaidé Félix Tshisekedi.
Un journaliste l’a interrogé sur son rival Martin Fayulu qui dénonce lui un « putsch électoral » et revendique toujours la victoire avec 61% des suffrages. « J’attends toujours les preuves », « Je n’ai toujours rien vu », a lancé le nouveau président congolais, balayant donc cette controverse d’un revers de la main devant son homologue angolais, qui fait partie des présidents africains qui avaient émis des doutes sur les résultats provisoires de l’élection, au point demander que la proclamation des résultats définitifs soit suspendue.
Des « discussions » avec Joseph Kabila, mais pas « d’accord »
Un autre journaliste l’interroge sur la nature d’un accord de partage de pouvoir qui aurait été passé avec le président Kabila avant ou après le scrutin et la répartition des postes clés dans le futur gouvernement. Felix Tshisekedi préfère parler de « discussions ». « Ces discussions ont commencé entre la publication provisoire des résultats et la publication définitive, a-t-il précisé. J’ai entrepris d’envoyer un message d’apaisement à M. Joseph Kabila et ses amis pour dire que mon avènement n’allait pas être l’occasion de faire une chasse à l’homme ou une chasse aux sorcières ou de commencer à faire de la vengeance. »
« Nous allons gouverner le pays ensemble » et « nous mettre d’accord sur un programme déterminé », explique Félix Tshisekedi qui dit privilégier « le principe de la continuité de l’Etat » pour l’avenir des Congolais plutôt que les règlements de compte.
Vint-sept personnes accompagnent Félix Tshisekedi pour ce voyage. Une délégation où les ministres du gouvernement de Joseph Kabila sont bien présents puisque l’ancien ministre des Affaires étrangères Léonard She Okitundu, mais aussi le ministre de la Défense et des Finances du gouvernement sortant en font partie.
Félix Tshisekedi a également indiqué ne pas avoir « fait de proposition claire à Martin Fayulu » pour entrer au gouvernement mais lui avoir « donné des garanties quant à (son) comportement démocratique ». Il en veut pour preuve le déroulement de son meeting samedi dernier, autorisé et couvert par la télévision publique.
Un « nouvel élan » pour les relations entre les deux pays
João Lourenço a félicité son homologue congolais. Finies les tergiversations autour des résultats de la présidentielle. Pour l’Angola, l’arrivée de Félix Tshisekedi à la tête de la RDC est désormais perçue selon une source diplomatique comme une occasion de donner un « nouvel élan » à la coopération entre les deux pays. Les deux chefs d’Etat ont promis de mener à bien les projets déjà en cours, mais aussi d’en porter de nouveaux.
João Lourenço a notamment plaidé pour des accords dans les domaines de la sécurité et de l’ordre public et pour une réorganisation des échanges commerciaux. Il a également insisté sur la complémentarité entre les deux pays dans le domaine économique, estimant que l’Angola et la RDC auraient à gagner à des investissements réciproques, dans le secteur minier notamment. Il a aussi évoqué la possibilité pour son pays de négocier avec la RDC l’électrification de plusieurs provinces comme le Cabinda grâce aux ressources hydroélectriques du barrage Inga.
De son côté, Félix Tshisekedi s’est dit ouvert à une « collaboration dans tous les domaines », y compris le domaine migratoire. Il a notamment souhaité que les expulsions de Congolais d’Angola qui se poursuivent se fassent dans des conditions « humaines » et demandé à ce que ses services d’immigration soient prévenus avant toute nouvelle vague de retours. Autant de sujets qui pourraient être au menu d’une commission mixte Angola-RDC dont Félix Tshisekedi a annoncé qu’elle se tiendrait prochainement à Kinshasa.
Félix Tshisekedi a expliqué que la plupart des Congolais qui partent pour l’Angola le font « par réflexe humain de survie, pas pour mettre la sécurité de l’Angola en danger ». Il a promis de mettre « toute son énergie » à améliorer les conditions de vie de ses compatriotes pour leur permettre de rester dans leur pays.
Après Luanda, Félix Tshisekedi à Nairobi pour remercier Uhuru Kenyatta
Si c’est par l’Angola que la visite a commencé, pour l’entourage du nouveau président, l’étape la plus importante, c’est le Kenya. Uhuru Kenyatta est un grand soutien, souligne-t-on dans l’entourage de Félix Tshisekedi.
A Luanda, il s’agissait dans un premier temps de rassurer, après une élection contestée. Comme d’ailleurs à Brazzaville où la tournée doit se terminer mercredi. Mais chez les voisins de la RDC, on dit d’abord qu’on va écouter Félix et ses sollicitations éventuelles.
Pour Félix Tshisekedi, venir au Kenya, « c’est une façon symbolique de remercier le pays pour son soutien », analyse une bonne source. En effet, fin novembre, c’est à Nairobi que le nouveau président congolais avait scellé son alliance avec Vital Kamerhe. « Une union qui s’est révélée gagnante », confie un diplomate.
Une dizaine de jours après la proclamation des résultats controversés, le président kényan Uhuru Kenyatta et son principal opposant Raïla Odinga avaient été parmi les rares à féliciter officiellement le nouveau leader congolais.
Le numéro un kényan a même été le seul chef d’Etat étranger présent à l’investiture de Félix Tshisekedi à Kinshasa, là encore avec Raïla Odinga, et une importante délégation d’élus kényans. « Ça l’a marqué et il tenait absolument à faire quelque chose », explique un connaisseur du dossier.
Ce soutien kényan, notamment celui du chef de l’opposition, en avait surpris plus d’un. Lors des élections de 2017, Raïla Odinga n’avait pas de mots assez durs pour critiquer le processus électoral kényan. Mais pour le scrutin congolais, lui aussi mis en doute, l’opposant avait déclaré que le peuple avait parlé et que son choix avait été confirmé par les institutions compétentes.
Source : www.cameroonweb.com