Réuni en conseil des ministres ce lundi 17 juin, le gouvernement a pris un certain nombre de dispositions concernant le processus électoral, notamment le financement public de la campagne électorale. Quatre cent cinquante millions (450 000 000) FCFA seulement pour cinq cent soixante-neuf (569) listes en compétition. Un mépris du pouvoir pour ces échéances et les candidats en lice, comparé aux fortunes qu’il décaisse aisément pour la propagande politicienne permanente, les ripailles à la gloire du « Prince » et autres futilités…
Changement des règles en cours de jeu
C’est le moins que l’on puisse dire, au terme du conseil des ministres organisé ce lundi 17 juin, notamment avec le projet de loi adopté portant modification de la loi n° 2018-003 du 31 janvier 2018 modifiant la loi n° 2007-01 du 13 mars 2007 relative à la décentralisation et aux libertés locales. « La promulgation de la loi constitutionnelle, loi n° 2019-003 du 15 mai 2019 portant modification des dispositions de certains articles de la Constitution du 14 octobre 1992, notamment les articles 52 et 141, a rendu nécessaire la relecture de la loi n° 2018-003 du 31 janvier 2018 portant modification de la loi n° 2007-011 du 13 mars 2007 relative à la décentralisation et aux libertés locales, au regard de l’option prise d’organiser la République togolaise en deux (2) niveaux de collectivités territoriales, notamment les communes et les régions. Par ailleurs, les mandats des élus locaux n’avaient pas été précisés dans la loi en vigueur qui n’avait évoqué que la durée du mandat des maires. La prise en compte de toutes ces considérations justifie les modifications suggérées et qui portent notamment sur : la suppression de la préfecture comme collectivité territoriale ; la fixation du mandat des élus locaux à six (6) ans renouvelables deux (2) fois », relève le compte rendu.
Un décret a aussi été pris, définissant les modalités de convocation et la mission de la première réunion des conseillers municipaux et fixant le cadre général du règlement intérieur du conseil municipal. « En effet, durant plus d’une trentaine d’années, les élections locales n’ont pu être organisées, privant les communes de disposer d’outils nécessaires pour une bonne organisation du travail au sein des conseils élus. C’est pourquoi le Gouvernement prend soin d’adopter un cadre général retraçant les éléments d’un règlement intérieur conformément à la loi relative à la décentralisation et aux libertés locales, pour éviter que les 117 communes ne se lancent chacune dans la rédaction d’un règlement intérieur type. Les missions qui leur sont dévolues étant les mêmes, les éléments importants de ce cadre général de règlement intérieur sont relatifs à la présidence des séances et des assemblées, au déroulement des séances, aux débats et vote de délibération, au débat d’orientations budgétaires, aux commissions municipales, à l’adoption du budget et du compte administratif, au droit à l’information, aux questions écrites », rapporte le communiqué final.
Ces dispositions prises complètent en fait la loi sur la décentralisation et les élections locales qui comportait manifestement des lacunes. Ce texte adopté depuis 2007 et modifié une fois au moins déjà, a été simplement arrimé aux réformes constitutionnelles, institutionnelles et électorales opérées le 8 mai dernier. Mais on peut bien regretter que ces changements n’interviennent qu’en plein match, après qu’il a démarré. Le bon sens aurait voulu que ces dispositions légales, qui ne relèvent pas des dernières actions du virage ultime du processus, soient prises en amont, bien avant la phase décisive. Et tout au plus, le régime avait eu le temps de le faire après le 8 mai dernier, soit un mois et demi pratiquement. Mais il a attendu que la campagne électorale démarre et que les candidats entrent en scène pour la conquête de l’électorat avant de le faire, et quatre (04) jours après le top départ. Cela revient à voir un arbitre de foot modifier les règles du jeu après avoir donné le coup d’envoi. Dans certaines circonstances, on parlera juste d’oubli ou de faille. Mais cette sortie du pouvoir met une fois de plus en exergue le fait qu’il n’était vraiment pas prêt pour tenir ce scrutin dont la date a été précipitamment fixée au 30 juin sur fond de calculs politiciens et desseins obscurs…
Du mépris pour le scrutin et les candidats en lice
Ce conseil des ministres a permis aussi de prendre un décret portant contribution de l’Etat au financement de la campagne électorale. Quatre cent cinquante millions (450 000 000) de francs CFA, c’est le montant décaissé pour toutes les listes en compétition, cinq cent soixante-neuf (569) en tout. Et le conseil des ministres a pris soin de définir les modalités de répartition : 65 % à égalité entre toutes les listes et 35 % proportionnellement aux suffrages obtenus entre les listes ayant obtenu au moins 10 %. 450 millions seulement pour 569 listes en compétition, il faut déjà avouer que ce n’est pas fameux. Un petit calcul permet de se faire une idée de ce qui revient à chacune. Les 65 %, soit deux cent quatre-vingt-douze millions cinq cent mille (292 500 000) FCFA qui seront répartis à parts égales donnent environ cinq cent quatorze mille (514 000) F pour chaque liste pour mener sa campagne électorale.
La participation aux élections locales ne doit pas être une occasion pour distribuer gratuitement de l’argent public aux candidats. Mais ce montant est insignifiant par rapport aux besoins de campagne. Selon des indiscrétions, c’est un budget d’environ seize millions (16 000 000) FCFA, correspondant aux besoins chiffrés, qui aurait été élaboré par l’Alliance nationale pour le changement (ANC) dans une commune de Lomé. Même si le budget ne sera pas pareil dans toutes les communes où cette formation présente des listes (72, nous revient-on sur les 117 communes en tout), on peut faire une estimation du budget total pour cette campagne électorale. Avec les listes invalidées, ce parti se retrouverait avec à peine trente-cinq millions (35 000 000) FCFA de contribution de l’Etat au financement de sa campagne.
Il nous souvient que la C14 avait budgétisé ses besoins de campagne et de couverture des élections à deux cent quarante millions (240 000 000) FCFA et lancé, fin mai dernier, un appel à soutien à l’endroit du peuple et de la diaspora. A titre de rappel, ce regroupement de partis a présenté des listes dans soixante-trois (63) communes sur les 117 en tout. Un petit calcul permet d’avoir une moyenne de dépense tournant autour de quatre millions (4 000 000) FCFA, sans tenir compte des listes invalidées. Mais voilà que l’Etat ne croit devoir contribuer qu’à hauteur de 514 000 F par liste au financement de sa campagne. Même pas 10 % des besoins. On imagine un peu les difficultés qu’éprouveront les candidats indépendants, les vrais, dépourvus complètement de moyens. C’est ce qui fait que la plupart ne font pas de caravane ou de meeting, n’ayant pas d’argent à y investir, mais se contentent de mener leur campagne sur les réseaux sociaux en publiant leurs visuels. Pendant que l’opposition et les indépendants vont se contenter de ce financement insignifiant de l’Etat, les candidats du RPT/UNIR, eux, n’hésiteront pas à investir des moyens additionnelscolossaux, fruits du pillage des ressources, la plupart étant des pontes du régime occupant des postes juteux.
On nous rétorquera peut-être qu’il reste les 35 % des 450 millions à se partager après. Mais c’est une évidence, les partis ou listes qui engrangeront les 10 % des suffrages exigés pour se partager proportionnellement à leurs scores ces 175,5 millions de FCFA restants, se compteront au bout des doigts. On est parti avoir pour deux ou trois partis ou regroupements, à savoir le RPT/UNIR, l’ANC et peut-être la C14, vu que c’était déjà difficile pour les partis de réaliser 5 % des suffrages lors des élections présidentielles pour se voir retourner le montant de leur caution…
Ce décaissement insignifiant effectué par l’Etat comme contribution au financement de la campagne électorale relève tout le mépris du régime pour ces locales, les candidats (de l’opposition) en lice qui pensent développement des communes – même si quelque part la plupart visent des postes de conseillers municipaux et les avantages qui vont avec – et les efforts déployés par ces derniers. On ne peut que s’en offusquer davantage lorsqu’on voit le réflexe du pouvoir à décaisser des milliards à tour de bras pour des activités de propagande politicienne, pour la gloire notamment du « champion », bref des futilités qui ne rapportent rien au pays. On pense particulièrement à ce machin-truc de sommet sur la sécurité et la sûreté maritime organisé en octobre 2016 par le Togo et qui avait coûté officiellement 5,5 milliards de FCFA, un budget assuré presqu’entièrement par les caisses de l’Etat. On pense aussi au forum de l’AGOA, et à celui Togo-UE des 13 et 14 juin derniers avec ce que cela a entrainé comme frais, bref à toute la propagande organisée autour du fameux PND et qui devrait s’estimer en milliards de FCFA…Le régime est capable de trouver des fortunes pour des futilités, des voyages sans intérêt et des activités à la simple gloire du « Prince », mais il n’y en a pas assez pour des choses d’importance nationale comme le financement des élections locales attendues par les populations et qui pourraient entrainer l’enracinement de la démocratie à la base…
Tino Kossi
source : Liberté
27Avril.com