Aucune date n’est pour l’instant arrêtée pour la tenue des élections locales. Mais le processus est lancé par le régime, même s’il joue à cache-cache sur la date, et des actions de dernier virage enclenchées. Le processus de renouvellement de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) lancé est presqu’à terme. Ces élections sont appelées de tous les vœux par la classe politique et les partenaires du Togo et attendues depuis trois décennies. Manifestement, l’on s’achemine vers leur tenue sans les réformes constitutionnelles, institutionnelles et électorales. Faut-il y participer ou ne pas participer ? Mais l’opposition, et dans une large mesure les forces vives engagées dans la lutte pour l’alternance, sont confrontées à un choix cornélien…
Vers des locales sans réformes
Réformes constitutionnelles, institutionnelles et électorales. Voici treize (13) ans que cette question est évoquée. Elle l’est davantage avant chaque élection, et ce sont au moins cinq (05) échéances dont deux (02) présidentielles et trois (03) législatives qui sont passées depuis la signature de l’Accord politique global (APG) le 20 août 2006 ayant recommandé leur mise en œuvre ; mais le chantier n’est jamais exécuté avant leur tenue. La dernière séquence, c’étaient les dernières législatives. Le pouvoir, talonné par la CEDEAO, a réussi à se débiner et même embarquer l’instance communautaire dans une validation avant l’heure du scrutin et une autosatisfaction de l’issue du processus organisé, dit-on, conformément à sa feuille de route imposée lors du sommet de la CEDEAO le 31 juillet à Lomé. Tout porte à croire qu’il y a quelque chose dans ces réformes qui fait peur au régime RPT/UNIR et à son « champion » et les pousse à se débiner à chaque fois.
La problématique est encore d’actualité avec l’imminence des élections locales. L’idéal voudrait que les réformes soient mises en œuvre avant ce scrutin dont la date est entourée de secret d’Etat. Mais manifestement, l’on tend vers sa tenue sans ces réformes. Déjà certaines grandes gueules ont osé déclarer que les réformes ne sont pas indispensables aux locales, prétextant que les questions concernées telles que le mandat présidentiel, le mode de scrutin et même la recomposition de la Cour constitutionnelle n’ont rien à avoir avec ces élections. Certains observateurs y voient une sorte de préparation des esprits à s’attendre à l’organisation des locales sans les réformes.
L’Assemblée nationale n’est pas près d’exécuter ce chantier. Pour l’instant en vacance parlementaire, le retour des députés n’est prévu que début avril ; et lorsqu’on connaît le temps que mettent les textes avant d’être adoptés par l’Assemblée nationale, il faut être naïf pour croire à leur matérialisation avant le scrutin prévu vaguement pour ce premier semestre. Au niveau du pouvoir RPT/UNIR, au-delà des discours et autres déclamations clinquants des officiels annonçant la matérialisation de ce chantier, aucune volonté réelle de s’exécuter. Et le manque de temps risque d’être bientôt évoqué pour repousser à plus tard ce chantier. Mine de rien, l’on tend donc vers l’organisation de ce scrutin sans ces réformes.
Participer ou ne pas participer ?
L’organisation des élections locales sans les réformes ne gênerait manifestement pas le pouvoir et ses béquilles de l’opposition. Ils sont d’ailleurs sur le terrain depuis un bon moment pour préparer leurs militants et les populations en général à ce scrutin. Ce sont les membres de la Coalition de l’opposition, et dans un sens plus large, les forces vives engagées dans la lutte pour l’alternance à la tête du Togo, y compris la société civile et la diaspora responsables, qui en seront gênés. Faut-il y participer ou ne pas y participer ? C’est la grosse question qui se pose. La Coalition de l’opposition, du moins ce qu’il en reste, est manifestement divisée sur le sujet. La participation aux prochaines échéances électorale a été au menu du conclave ou des journées de réflexion organisé(es) les mercredi 20 et jeudi 21 février dernier et boycotté(es) par une demi-dizaine de membres. Et les participants ont convenu d’aller à ces scrutins, mais à une condition : la mise en œuvre des réformes constitutionnelles, institutionnelles et électorales prescrites. Voilà que le pouvoir ne montre aucune envie d’exécuter ce chantier séculaire et fonce vers l’organisation des locales. La Coalition va-t-elle alors boycotter le scrutin ? Certains observateurs voient juste à travers la condition posée, une façon pour le regroupement politique de mettre la pression sur le pouvoir afin qu’il s’exécute, et rien de plus. Ils sont même convaincus qu’avec les conséquences dramatiques du boycott des législatives, ces partis qui ont beaucoup perdu avec cette décision, ne prendraient pas le risque de rater à nouveau les locales en vue…En tout cas, on en saura plus au dernier moment du processus.
Mais manifestement, un son de cloche divergent se fait déjà entendre au sein de la Coalition. Il s’agit du Parti national panafricain (PNP). Ici, on ne semble nullement dans une logique électorale, mais de généralisation de la mobilisation à l’ensemble du territoire, à tel point qu’on n’y a même pas trouvé nécessaire de répondre à l’invitation du ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités locales, dans le cadre des consultations entreprises avec les partis politiques dans la logique de l’organisation des locales, ne serait-ce que pour lui rappeler la nécessité de la mise en œuvre des réformes, tout comme l’a fait le Comité d’action pour le renouveau (CAR).
Au sein de la société civile en général, on n’a pas encore de position fixe et unanime. Elles sont tout de même nombreuses, les associations membres à s’apprêter à participer à ces locales, loin des positions politiques. « Il ne faut pas laisser aussi nos collectivités entre les mains du RPT/UNIR. Il faut participer à ces locales, avec ou sans les réformes (…) On ne peut pas leur laisser et la Présidence de la République, et le Gouvernement, et l’Assemblée, et nos communes qui ont trop souffert», telle est la logique observée ici. Est-ce la meilleure option ? On ne saurait le dire. Mais dans les rangs de la société civile engagée dans la lutte pour l’avènement de l’alternance au Togo, on devrait aussi réfléchir mille fois, tout comme la Coalition de l’opposition, avant de se décider, en d’autres termes, beaucoup hésiter.
Diaspora, voilà l’autre paire de manche. Tout comme l’opposition politique au pays, elle est plurielle et ne parle pas d’une même voix. Mais sur la question de la participation aux locales en vue, deux de ses composantes ont déjà affiché leur position : ne pas y aller sans les réformes. Il s’agit du Réseau de la coordination de la diaspora togolaise indépendante (RCDTI) et du Collectif pour la vérité des urnes au Togo (CVU-Togo-Diaspora). Pour ces deux membres, participer aux prochaines élections sans les réformes est synonyme de trahison du peuple togolais. Ils l’ont signifié à travers une déclaration datée de mardi dernier aux allures de mise en garde aux membres de la Coalition tentés par une participation. « Le Peuple togolais doit avoir à l’esprit que toute participation de l’opposition aux prochaines élections locales ou présidentielles est une trahison envers le Peuple togolais et une légitimation des élections législatives du 20 décembre 2018 », relèvent ces deux associations.
Au demeurant, l’unanimité n’est pas assurée sur cette question et le choix est annoncé cornélien pour l’ensemble des forces engagées pour l’alternance.
Tino Kossi
Source : Liberté du Jeudi 07 Mars 2019
Togo-Online.co.uk