Mais la seule chose qu´on sait pour le moment, c´est que le colonel Bitala Madjoulba a été tué par une balle au cou au bureau dans un camp pourtant très sécurisé où l´accès n´est pas pour n´importe qui et n´importe quand. Alors, par qui cet assassinat peut être commis à l´heure du crime ? Et quel est le mobile? En tout cas ce sont des questions qu´on doit se poser. Mais rien ne filtre de la part de ceux qui s´en chargent de l´enquête et la population est sur sa soif de connaître la vérité.
À ma connaissance juridique, et à ce juste titre déjà, (puisque la personne est décédée dans des circonstances suspectes), le procureur de la République a un rôle central à jouer dans l´enquête préliminaire avant de passer la main au juge d´instruction par une saisie d´un réquisitoire introductif puisque le juge d´instruction ne se saisit pas d´office lui-même des affaires pénales mais toujours soit par le procureur de la république, soit par une plainte de constitution de partie civile par les proches de la victime pour forcer la main au tribunal d´instruire le dossier en cas de passivité du procureur de la république dans une affaire pénale. Donc par la constitution de partie civile en saisissant le juge d´instruction d´une plainte, les proches de la victime ont le droit d´avoir accès direct aussi au dossier par le biais de leur avocat. C´est la procédure pénale qui le prévoit et tout juriste le sait.
Il faut dire juridiquement que dans les affaires pareilles, lorsque la police judiciaire est informée d´un assassinat, cette dernière doit immédiatement aviser le procureur de la république et ce dernier doit obligatoirement se rendre sur les lieux du crime avec la police judiciaire qui l´a avisé de ce crime quelle que soit l´heure qu´il a été avisé. Il n´a pas de choix. C´est la procédure pénale qui l´ordonne. À partir du moment où ce n´est pas un problème de l´armée mais d´un assassinat dans un bureau, peu importe le lieu et le statut de l´individu, le procureur est en droit et le devoir de s´y rendre, accompagné de la police judiciaire pour établir une enquête préliminaire avant de passer la main au juge d´instruction. Il doit le faire et cela relève de ces attributions en tant que procureur de la république. Ce qui devrait même se faire et qui est courant ici en Europe, c´est que le jour même de la découverte d´un fait d´assassinat ou au plus tard le lendemain, les deux personnages incontournables pour le dossier : le procureur de la république et le haut gradé de la police des affaires criminelles du lieu du crime convoquent la presse pour une information à la population, suivie des questions des journalistes qui sont convoqués. Bizarrement pour le cas du Togo, c´est le silence total. Même les autorités n´en disent rien depuis le 4 mai 2020 pour éclairer la population. Que dit le code de procédure pénale togolaise en matière d´assassinat?
Dans les pays développés pour ne pas dire dans les Etats qui méritent d´être appelés Etats de droit, c´est comme ça que les choses se déroulent dans les affaires d´assassinat dès lors que tout laisse croire qu´il s´agit d´un assassinat. Cette première déclaration à la presse n´entrave à rien à l´enquête préliminaire car la population doit savoir ce qui s´est passé. Si par hasard on se fondait sur ce genre d´arguments pour garder silence, ce ne serait qu´un pur prétexte pour noyer une partie de la population, profane du Droit.
Or, il semblerait que jusqu´aujourd´hui, vendredi 8 mai 2020, ni le procureur de la république, ni la police judiciaire, ni les autorités n’ont fait aucune déclaration officielle à la presse pour informer la population de ce qui s´est réellement passé ce 4 mai 2020 dans le bureau du colonel Bitala Madjoulba. C´est à travers les réseaux sociaux seulement que les gens cherchent les informations. Veuillez donner les informations officielles à la population et la situer, du moins des informations préliminaires dont vous disposez à ce jour. Quand Monsieur Agbéyomé et sa famille ont été arrêtés manu minitari, on en a parlé à longueur de journée même par les autorités sur les médias. Quand un assassinat a été aussi commis à Adapkamé le mois passé sur un gars qui est sorti la nuit pour aller au WC, on en a parlé aussi pareillement. Pourquoi ici dans le cas de Bitala Madjoulba on observe un mutisme total et on n´en dit rien alors que c´est aussi un assassinat comme les autres ? Un assassinat est un assassinat, peu importe le mobile et où il est commis et sur qui il est commis. Un officier de l´armée est après tout une personne aussi, un être humain. Et à ce juste titre on doit savoir ce qui s´est passé pour subir ce sort cruel en laissant une femme veuve et des enfants orphelins.
Mais il est à rappelé comme il est dit plus haut, que pour découvrir la vérité plus vite, les proches de la victime en particulier sa femme, peuvent à l´aide d´une plainte se constituer partie civile auprès du juge d´instruction. Cela leur permettra d´avoir accès au dossier d´instruction et connaître le contenu du dossier par l´intermédiaire de son avocat. C´est leur droit en tant que partie civile. Car après tout, la victime est un père de famille qui a une femme et enfants. Donc, juridiquement et logiquement sa femme doit savoir ce qui s´est passé et le mobile du crime pour réclamer justice non seulement à la victime mais pour elle-même et aussi à leurs enfants.
Sur un autre point (puisqu´il y en a trois sur lesquels je m´interroge), ce qui m´a étonné, c´est le mutisme total des leaders de partis politiques. Aucun leader de parti politique ne s´est indigné pour dire un mot sur ce crime atroce commis sur la personne de Bitala Madjoulba. Par peur parce que c´est un colonel qui est assassiné au camp dans son bureau ou quoi ? Sinon, pourquoi ce silence de la part de tous les leaders de partis politiques ? Un militaire c´est aussi un être humain et lorsqu´un être humain est assassiné, un leader politique doit quand même s´indigner, peu importe s´il est militaire. Tant que les faits incriminés sont qualifiés d´assassinat, tout le monde peut s´intéresser à cette information car il y a trouble à l´ordre publique et la quiétude nationale. Cela sort du cadre de l´armée stricto sensu c´est -à-dire au sens strict du terme. On me dira que Gerry Taama lui, en a parlé mais Taama était un ancien officier et est un ami et frère du colonel selon ses propres dires quand il a exprimé sa tristesse et sa douleur au lendemain de l´assassinat. Donc à mon avis il ne s´est pas exprimé en tant que politique mais en raison de ses liens personnels avec le défunt (je reviendrai sur son cas).
Donc je ne comprends pas le mutisme des leaders politiques pour l´assassinat de ce colonel alors que pour celui commis à Adakpamé sur un homme qui était sorti la nuit pour aller au WC, ils ont tous exprimé leur indignation. Pourquoi pas ici? Alors que le colonel Bitala Madjoulba est aussi mort par assassinat ? Ont-ils peur, ces leaders ? Si oui de quoi ? Si non pourquoi ne pas s´indigner et condamner cet acte violent qui enlève la vie? Un leader politique ne peut pas prétendre que ce n´est pas son affaire parce que c´est un militaire qui est assassiné ou bien il ne peut rien dire parce qu´il a peur, la victime étant un officier. Si vous ne pouvez pas vous indigner sur le cas d´un militaire assassiné comme pour un civil en tant que leaders de partis politiques, alors que vous ne connaissez pas encore le mobile du crime, votre mutisme est une erreur. Ce n´est pas seulement le village du colonel qui peut ou va exprimer sa colère mais tout le monde au Togo car ça peut arriver à tout le monde et en tout lieu.
Sur le dernier point de cet article, je voudrais m´interroger sur l´indignation rapide aussi de Monsieur Gerry Taama alors que d´habitude ce n´est pas toujours le cas. Bon nombre de cas d´assassinat ou de violences inhumaines se sont produites au Togo sans qu´on connaisse les auteurs mais il ne s´indignait pas comme celui-là et des fois même il prend le plaisir de faire l´avocat du régime quand il est interviwé. Alors que sur ce cas actuel du colonel, il reprochait même aux autorités et au procureur de la république de n´avoir rien dit dans une déclaration officielle pour éclairer la population sur ce qui s´est réellement passée le 4 mai 2020 sur la mort du colonel Bitala Madjoulba. Pensez-vous que ça n´arrive qu´aux autres ? C´est faux.
Ça peut arriver à tout le monde, comme Gerry Taama lui-même l´a clairement dit au lendemain de cet assassinat, que personne n´est en sécurité au Togo. Si cette personne d´un tel rang dans l´armée et de surcroît originaire du nord a pu être assassiné dans des circonstances pareilles non élucidées, alors tout le monde peut être atteint et à tout moment par le tueur invisible, puisqu´on ne connaît pas l´auteur et on n´a aucune information.
Restons donc un seul peuple et unis du nord au sud pour construire un État de droit au Togo.
Pour y arriver, laissons donc l´égoïsme et l´appartenance ethnique de côté. Cela ne sert à rien et ne servira à rien. Prenons conscience que tout le monde est vulnérable et est en danger au Togo car on n´est pas encore dans un État de droit. Qu´on soit du nord ou du sud, quelle que soit l´appartenance politique ou ethnique, on n´est pas épargné du sort de colonel Bitala Madjoulba. Ce que nous devons tous défendre maintenant, c´est un Etat de droit et démocratique au Togo afin que tout le monde soit à l´abri de telle atrocité dont on ne connaît pas encore l´auteur et peut-être qu´on ne connaîtra jamais car le Togo est le Togo.-
Source : icilome.com