Par Serge Lemask, togo-online.co.uk
Dans la série d’articles que nous consacrons au Port Autonome de Lomé, nous avions évoqué il y a quelques jours l’état de délabrement total des voies d’accès, une situation qui porte un véritable coup non seulement à l’image de ce port en eaux profondes, mais impacte ses rendements. Dans la seconde phase de ce dossier, nous mettrons l’accent sur la gestion catastrophique de ce joyau par les premiers responsables, aussi notamment la direction et au-delà, le ministère des transports.
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S’il existe deux personnalités qui trouvent leurs comptes dans cette situation de gabegie totale, c’est le ministre Ninsao GNOFAM, l’homme de tous les scandales dans le domaine des infrastructures et des transports, mais curieusement toujours à son poste, et le contre-amiral Fogan ADEGNON, le plus grand cumulard de la République (5 postes de responsabilités pour lui seul).
En effet, nommé à la tête de l’institution portuaire le 05 septembre 2005, le Contre-Amiral Fogan Kodjo ADEGNON bouclera très bientôt un record de 13 ans à la tête de l’institution portuaire, qui se trouve être dans un coma profond. Les finances du PAL sont totalement dans le rouge et l’entreprise a recours en permanence au découvert bancaire pour assurer ses charges courantes, y compris les salaires du personnel. Dans plusieurs banques de la place, le PAL totalise plusieurs milliards de découvert. Des sources évoquent le chiffre de près de 6 milliards. Entre gabegie, mauvaise gouvernance et intrusion permanente du ministre de tutelle, le très controversé Ninsao GNOFAME, le cocktail est bien explosif pour que le PAL se retrouve dans la situation de déliquescence actuelle.
Comment comprendre qu’au moment où le Port est charcuté en petits morceaux et les parties les plus rentables transférées à des groupes de mafieux et d’intérêts liés, les charges et les investissements de l’institution restent, quant à eux intactes, voire en constante augmentation?
Le scandale des remorqueurs
L’un des paradoxes les plus criards, c’est l’acquisition de deux remorqueurs quelques mois avant la privatisation de l’activité de remorquage. En effet en septembre 2015, le port a débloqué 12 milliards de francs CFA pour acquérir deux remorqueurs. A la surprise générale, ces engins ont été confiés à une société privée le 1er janvier 2017. Le chef d’orchestre de cette magouille n’est autre que le très controversé ministre Ninsao GNOFAM, sans l’implication de l’autorité portuaire, qui en toute légitimité a le monopole de l’exploitation portuaire et donc partie prenante principale pour toute négociation dans les concessions portuaires. La privatisation de ce remorquage avec la cession de ces deux remorqueurs au concessionnaire, en l’occurrence la société BOLUDA s’est faite avec une perte sèche de cession de près de deux milliards de francs CFA, au préjudice du PAL.
Aussi, ce contrat dont le Port ne dispose pas de copie pour le suivi, d’après nos informations, est l’un des pires signés par le ministre des Transports. La privatisation de cette activité au lieu de permettre une maîtrise des coûts et des ristournes plus importantes au profit de l’autorité portuaire, produit est plutôt l’effet contraire, c’est-à-dire un manque à gagner considérable, comparée à la période où cette activité relevait de la responsabilité exclusive du PAL. On ne sait dans quel pays on est, où privatisation rime avec déficit de service public et perte de ressources nationales au profit d’investisseurs douteux et véreux.
Les 10 milliards engloutis dans LCT
Par ailleurs, le nouveau terminal à conteneur opéré par LCT est une autre catastrophe financière et économique à la fois pour le PAL et le pays, qui ne gagne pratiquement rien à part la beauté des installations. Selon les sources autorisées, l’Etat togolais devrait assurer une partie des investissements liés au canal d’accès au quai, pour lequel un prêt de 10 milliards a été contracté à la Diamond Bank. Contre toute attente, cette dette contractée par le concessionnaire a été transférée au PAL, qui ne gagne rien de cette activité et croule déjà sous le poids de plusieurs prêts de dizaines de milliards, qu’il peine à payer à cause de la rareté des recettes due à l’amputation des parties rentables de ses activités au profit des privés.
Le projet de réhabilitation de la voirie intérieure du Port attribuée dans des conditions rocambolesques à la société CECO BTP, avec la bénédiction du ministre des Transports, s’est vite arrêté avec la perte au préjudice du PAL de cinq milliards de francs CFA d’avance de démarrage versée à cette société, qui est récemment tombée en faillite. La direction générale du PAL a dû recourir à la société EIFFAGE, qui est le suivant sur la liste des attributaires des sociétés, mais qui dans la réalité était celle qui remplissait à tout point de vue les conditions de l’appel d’offre et avait été lésée dans la première attribution au profit l’entreprise qui avait la bénédiction du ministre Ninsao Gnofam.
Comme si tout cela ne suffisait pas, le DG ne se prive pas de signer des marchés gré à gré qui ponctionnent les ressources, comme les étrennes de fin d’année dont les montants oscillent entre cinq cent millions et un milliard, pour une société d’Etat qui n’a pas de concurrent sur son territoire. Le comble, c’est que les charges informatiques de l’entreprise sont surréalistes, avec un opérateur privé d’origine béninoise, connu pour ses frasques au Bénin et au Niger, un certain Philippe BOKO, à qui le PAL a signé depuis 2012 gré à gré un pseudo contrat pour des prestations informatiques pour la plupart imaginaire, qui coûtent au bas mot cent millions de francs cfa en moyenne par mois au PAL. Ce contrat est venu remplacer le logiciel CARGO qui coûtait 45 000 000 de francs CFA par trimestre, par un pseudo logiciel dit plus performant, réalisé avec un amateurisme béat. On se dirait dans une société de prestations informatiques, qui a pour principale activité l’intégration de logiciels d’un éditeur, à qui elle paie mensuellement des frais de licence.
Comment peut-on comprendre que la rémunération d’un logiciel, qui est un outil de gestion, entre autres, peut être calculée avec un taux fixé sur le chiffre d’affaire d’une entreprise? Tout porte à croire que c’est un réseau bien organisé qui a la bénédiction à un niveau insoupçonné de l’appareil d’Etat.
La situation est d’autant plus alarmante que la plupart des banques de la place que nous avions sondées n’ont plus aucune confiance dans les états financiers du PAL, qui ne reflètent pas la situation réelle de l’entreprise et qui dans les faits, selon l’avis d’experts financiers, est en cessation de paiement depuis des années, car plusieurs dizaines de fournisseurs ne sont pas payés depuis plus de 90 jours et des factures impayées datent même d’avant janvier 2017. Le PAL vit en permanence sur des milliards de découverts bancaires qu’il n’arrive pas à éponger et qui se transforment régulièrement en dette long terme, et le cycle recommence.
Nonobstant cette situation catastrophique, le Contre-amiral, un pantin à la tête de cette structure, semble ne pas s’en émouvoir outre mesure, au vu de sa longévité au poste, signe tout ce qui lui est présenté par certains de ses collaborateurs véreux et par sa tutelle vorace. Il se retrouve sur un boulevard, avec un conseil d’administration composé de grabataires, acquis à sa cause, qui siègent depuis belle lurette et sont souvent gratifiés de missions de formation payées aux frais du PAL. Comme à l’image du pays, le PAL est géré comme une épicerie avec une minorité de saltimbanques autour du DG ADEGNON, qui se sont énormément enrichis quand le PAL s’est considérablement appauvri ces dernières années.
Le ministre de tutelle étant aussi régulièrement graissé par le paiement de ses notes de frais et de voyages, comme si son ministère ne dispose pas de budget, le contrôle et la bonne gouvernance ne sont tout simplement pas au rendez-vous au PAL. La minorité dénoncée il y a quelques années dans un discours par Faure Gnassingbé a un visage depuis belle lurette, mais les togolais attendent en vain des actes pour sanctionner ces pilleurs de la République.
Le PAL à ce jour n’est tout simplement pas différent de Togo Télécom, en termes de finances. Dans quel pays sommes-nous? Sinon au Togo, où on peut confier la direction d’une importante structure au cœur de l’économie nationale à un cumulard fatigué, qui signe sans analyser tout ce qu’on lui présente et qui ne passe qu’une demi –journée, soit en moyenne 4 heures par jour au PAL. Cet absentéisme chronique du premier responsable pousse les employés aussi à venir au boulot quand bon leur semble ou à déserter leurs postes pour des activités parallèles. Il y a urgence à mettre fin à la gabegie en cours nommant à la tête de cette structure un nouveau management pour lui redonner son attractivité d’antan.
Source : L’Alternative
Togo-Online.co.uk