En Afrique, on le connaît davantage à travers le groupe Bolloré, ses ports et ses rails. Mais en tant que patron de Vivendi, l’entrepreneur français lorgne aussi l’industrie culturelle. Première étape : Conakry.
Le 26 septembre, le palais du Peuple, à Conakry, perdra pour quelques heures son allure martiale. Sur la vaste esplanade qui lui fait face, la maison de disques Universal, filiale de Vivendi, espère réunir quelque 25 000 spectateurs pour un concert gratuit de plus de huit heures. À l’affiche : la scène urbaine guinéenne, mais aussi le Nigérian Wizkid et la jeune Malgache Deenyz, gagnante de la première édition d’Island Africa Talent, le télé-crochet diffusé l’an dernier sur A+, la chaîne africaine de Canal+… également propriété de Vivendi.
Officiellement, cette fête de la musique, dont le budget dépasse 100 000 euros, vient célébrer le succès de la campagne de vaccination contre le virus Ebola. Mais pour Vincent Bolloré, président du conseil de surveillance de Vivendi (dont il détient 14,5 % des parts), l’objectif consiste davantage à lever le voile sur sa dernière obsession : après la logistique portuaire, le chemin de fer et les énergies renouvelables, l’entrepreneur français fait de l’industrie culturelle sa nouvelle bataille africaine.
En privé, le patron annonce déjà un réseau de 40 Canal Olympia, en commençant par Cotonou, Dakar et Brazzaville
Au côté du président Alpha Condé, actuellement en campagne pour sa réélection, il posera, le matin du concert, la première pierre d’un complexe culturel baptisé Canal Olympia. Ce lieu offrira un amphithéâtre extérieur de 4 000 places et une salle modulable de 600 fauteuils, afin d’accueillir aussi bien des projections que des spectacles.
Il sera construit à Kaloum (extrémité sud de Conakry), non loin de la Blue Zone, un espace autonome en énergie offrant l’eau, l’électricité et internet installé l’an dernier par le groupe Bolloré. En privé, le patron annonce déjà un réseau de 40 Canal Olympia, en commençant par Cotonou, Dakar et Brazzaville. Du côté de Vivendi, on est plus prudent : on table dans un premier temps sur dix réalisations. Chacune représenterait un investissement de plusieurs centaines de milliers d’euros.
Si en France l’implication du président de Vivendi dans le management de Canal+ fait craindre pour l’indépendance de la ligne éditoriale des chaînes du groupe, en Afrique elle a plutôt stimulé les équipes. Dès son arrivée à la tête du conseil de surveillance, en juin 2014, le patron a organisé un séminaire à Los Angeles pour les 50 premiers managers de son nouvel empire, avec l’idée de les faire travailler sur des projets transversaux, notamment en Afrique. « Créer des synergies, casser les fonctionnements en silo… C’est une obsession pour Vincent Bolloré », indique Simon Gillham, directeur de la communication de Vivendi et président de l’Olympia, la célèbre salle de concerts parisienne.
Début 2015, le Breton a obtenu du conseil de surveillance le déblocage d’un budget de 50 millions d’euros pour développer de nouvelles activités au niveau mondial. Après avoir vendu beaucoup d’actifs (dont 53 % de Maroc Télécom), Vivendi dispose d’une trésorerie confortable (6,3 milliards d’euros), que Vincent Bolloré veut investir sur le long terme. Prenant appui sur Canal+, mais aussi sur la plateforme vidéo Dailymotion (rachetée en juin par Vivendi) et sur le spécialiste de la communication Havas (propriété du groupe Bolloré), le patron français imagine un schéma où ses sociétés sont présentes à chaque étape de la chaîne de valeur.
Une approche globale où Universal joue sa partition, avec la création du label Island Africa, placé sous la direction de Romain Bilharz, qui recrute actuellement ses premiers artistes. Pour les produire, la compagnie prévoit de construire plusieurs studios, encore rares en Afrique de l’Ouest. Un premier lieu est en cours d’acquisition à Abidjan. En parallèle, Island Africa a également pour mission de valoriser les catalogues musicaux détenus par Universal. Enfin, la major prépare la seconde saison d’Island Africa Talent, dont la diffusion pourrait avoir lieu fin 2016.
Jeune Afrique