Diplomatie Togolaise et l’Art des Putschs

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La diplomatie est une discipline des sciences politiques qui est l’expression des relations entre les Etats. Elle s’exprime par la représentation des intérêts d’un gouvernement à l’étranger et l’administration des affaires internationales. Le mot « diplomatie » au sens figuré désigne l’habileté ou le tact dans la conduite d’une affaire. La communauté des Etats, au lendemain de la seconde guerre mondiale, a vite fait de rechercher une paix universelle qui mette le monde à l’abri des conflits armés. Les organisations internationales ont pignon sur rue et les conventions internationales intègrent les différentes législations. Ce sont ces différentes règles rassemblées sous l’étiquette du droit public international qui constituent l’arsenal juridique de formation du diplomate professionnel.

La politique étrangère d’un pays peut être conduite également par des hommes de valeurs qui savent positionner leur pays sur la carte du monde. On peut sans crainte de se tromper identifier le Pr. Robert Dussey comme un diplomate fin. Du rapprochement des fils ennemis Gnassingbé-Olympio à la création d’un Haut conseil de la diaspora, le locataire actuel du, ministre des affaires étrangères brille par sa réussite et surtout une discrétion qui l’épargne des feux d’artifice des journalistes togolais. Il sert bien son patron et même si on n’apprécie pas son crâne rasé, on a le devoir de lui reconnaitre des qualités.

Après les soubresauts d’une succession chaotique et les mesures politiques d’apaisement vite bradées sur l’autel de la cupidité de l’opposition et le désir de vengeance des caciques du régime, de l’avis des observateurs internationaux, le pouvoir de Lomé s’est endurcie. Tout ce qui lui donnait une teinture de pouvoir démocratique lui est enlevé de jour en jour. Au demeurant, les esprits conservateurs sont auréolés. La promotion des caciques du régime au poste de Ministre d’Etat indique que désormais les voix dissidentes seront anéanties. Kpatcha Gnassingbé, Pascal Bodjona et bien d’autres anonymes en font toujours les frais pendant que Solitoki Esso, Payadowa Boukpessi et autres Charles Kondi Agba ont fière allure. Des carrières anéanties sous la férule de vieux pépés, la restriction des espaces de liberté, le musellement de la presse, les arrestations arbitraires, etc. sont désormais le dénominateur commun pour les esprits critiques. Pour donner une teinture civilisée au régime, les universitaires et surtout les nouveaux « Venus de France » (allusion aux Venus de France de la Conférence nationale de 1992) sont cooptés avec pour mission de donner une touche moderne à la dictature cinquantenaire. Cupides et avides d’argent, les jeunes professeurs d’université, frimeurs devant l’éternel, sont vite repérés et imposés aux Togolais. Ils sont devenus les égéries de la dictature et rivalisent de zèle pour plaire au prince. Assuré désormais d’une mainmise sur le pouvoir et de l’insouciance d’une opposition moribonde, le pouvoir de Lomé veut se déployer à l’internationale, une géopolitique qui porte actuellement ses fruits, mais suscite de nombreuses interrogations.

En effet, le Togo s’illustre de plus en plus sur le terrain des opérations de maintien de la paix. Là où les armées les plus redoutables du continent comme celles d’Algérie, du Nigéria ou d’Angola ne semblent pas se bousculer, c’est là où le Tchad et le Togo construisent leur notoriété. Si pour le maréchal tchadien, cet exercice lui permettait de se défouler en vieux briscard, à Lomé les retombées de la participation des soldats togolais sont plutôt visibles à Adéticopé. Au-delà des retombées pécuniaires pour ses anges gardiens, Faure Gnassingbé vient de découvrir une nouvelle passion : l’art de négocier les lendemains de putschs.

Fort de l’expérience de 2005 où malgré le protocole de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance ou la constitution de la République Togolaise, le fils a pu « escalader » le millier de cadavres pour s’emparer du pouvoir, le Togo a désormais une expertise sollicitée. Hier c’était le Mali, aujourd’hui c’est le Tchad. Si le Col. Assimi Goita ne se prononce pas sur ses réelles intentions vis-à-vis des prochaines consultations électorales, c’est par respect à la charte sur la démocratie, mais l’homme se prépare certainement. Les bons offices du pouvoir de Lomé ne se limitent pas à Ouagadougou où le Général putschiste Diendéré se perd en conjecture. Ils sont aussi couronnés de succès comme au Mali avec l’organisation de la deuxième réunion du Groupe de soutien à la transition au Mali le 9 mars 2021. L’Algérie, principal médiateur de la paix au Mali, la Mauritanie, le Burkina-Faso, la Côte d’ivoire, la Guinée ou le Sénégal qui ont des liens historiques avec ce pays ne se sont pas bousculés pour l’organisation d’un tel évènement. Le Togo à des milliers de kilomètres de Bamako se sent plus concerné. Les résultats d’un tel engagement, d’une telle débauche d’énergie sont apparus quelques semaines plus tard quand le Président togolais est reçu à l’Elysée sous le feu des projecteurs. Visite de travail, déjeuner avec Emmanuel Macron et rencontre du président du Sénat français, le discours officiel est bien sculpté. Les murs ne sauront parler, mais toujours est-il que deux semaines après cette visite, le sapeur-pompier de la région, le maréchal Deby meurt au front, remplacé dans la foulée par Deby Junior, le Gal. Mahamat Idriss Deby, vite adoubé par Paris. Une succession peu démocratique, mais déjà vue au bord de la lagune de Bè. Et pour mieux polir une telle transition, qui de mieux que l’homme fort de Lomé pour être à la manette. Blaise Compaoré admis de force à la retraite, Faure Gnassingbé peut développer ses ambitions hégémoniques. Peu avant les obsèques du Maréchal Deby, on apercevra la fine silhouette de Robert Dussey à Niamey le 22 avril 2021. Par les canaux diplomatiques nigériens et le blog personnel de l’universitaire et diplomate, on apprend qu’il était en visite de travail et porteur d’un message du président Faure Gnassingbé à son homologue nigérien, Mohamed Bazoum, fraichement élu à la tête de son pays. On apprend quelques jours après qu’en marge des funérailles du maréchal du Tchad, le président nigérien et son homologue de la Mauritanie tous présents à Ndjamena ont été mandatés par leurs collègues du G5 Sahel pour engager des discussions avec la classe politique tchadienne en vue d’une transition inclusive, un scénario testé avec réussite dans le laboratoire de Lomé et en cours à Bamako. Le Gal. Mahamat Deby Itno déjà confronté à des manifestations de rues, ira-t-il jusqu’à démissionner pour permettre la mise sur pied d’une transition démocratique ? Ou bien l’homme fort de N’Djamena se contentera de nommer quelques civils et opposants affamés à la tête des ministères de seconde zone et le tour est joué ? La deuxième option semble plus évidente avec la nomination d’un nouveau chef de gouvernement en la personne d’Albert Pahimi Padacké, ancien ministre de Deby père, passé à l’opposition « chérie » et classé deuxième à la dernière élection présidentielle remportée par le Maréchal. Le gouvernement et l’assemblée nationale dissous, la voie est tracée pour un schéma togolais. C’est dans ce méli-mélo que la presse nationale et internationale fait part de la visite du chef de la diplomatie togolaise à Ndjamena. Pour ne pas faire dans la dentelle, on dit le professeur de philosophie politique porteur « d’un pli confidentiel ». En matière diplomatique, ce mot a tout son sens. On a vu Faure Gnassingbé et Emmanuel Macron, assis côte à côte et deviser lors des funérailles de l’ancien homme fort de Ndjamena. On peut dire sans se tromper que les deux chefs d’Etat n’échangeaient pas sur la santé des « premières dames » ou encore moins sur les dernières créations de leurs couturiers. Certainement beaucoup d’eau a coulé sous le pont et l’axe Paris-Lomé se porte mieux, n’en déplaise à « l’ami personnel de Macron» en maquis dans les champs de maïs.

La géopolitique s’accommodant bien de la géostratégie, voir le Togo porté en estime par la France par ces tristes de temps où le terrorisme devient un souci majeur pour les pays de la sous-région est une bonne chose. Mais le pouvoir de Lomé devrait se garder de tomber dans cette facilité d’exploiter les dysfonctionnements constitutionnels dans d’autres Etats pour asseoir sa légitimité.

Les relations cordiales entre la France et la Côte d’Ivoire ne sont plus à démontrer, de Félix Houphouët Boigny à Alassane Ouattara ou de De Gaulle à Macron, on connait les liens incestueux entre la métropole et son ancienne colonie. Abidjan a toujours su négocier ses rapports avec Paris pour un partenariat plus bénéfique aux populations. Le régime d’Alassane, tout comme le pouvoir des Gnassingbé, est redevable à la France pour son accession au pouvoir, mais au bord de la lagune Ebrié, on est plus intéressé par un partenariat économique plutôt qu’un positionnement stratégique de faiseur de rois. Pour un président qui aspire à impacter la vie des Togolais, il serait plus indiqué de repenser sa politique étrangère, et ce serait bien pour la quiétude au Togo car, la diplomatie des armes, ça ne dure pas une éternité.

Mike Almeyda

Source : Liberté / libertetogo.info

Source : 27Avril.com