Le second round du dialogue inter-togolais convoqué à Lomé le 23 mars 2018, sous la facilitation du Président de la République du Ghana Nana Addo Dankwa AKUFO-ADDO entre le pouvoir et la Coalition des 14 partis de l’opposition, s’est refermé aussitôt. Le communiqué laconique rendu public après quelques heures de discussions renseigne davantage sur les points de blocage.
« Le Président Nana Akufo-Addo a salué les efforts déployés par les deux parties depuis la dernière session du dialogue, y compris les mesures visant à atténuer les tensions politiques dans le pays. Il s’est référé aux consultations bilatérales intensives entre lui-même et les deux groupes principaux, visant à parvenir à l’apaisement des tensions politiques dans le pays. Il a également noté que le gouvernement togolais avait accepté de collaborer avec la CENI en vue de suspendre le processus de préparation des élections, ce qui constitue l’une des préoccupations principales par la Coalition des 14 partis de l’opposition lors de la dernière réunion tenue en février 2018, en attendant les résultats du dialogue. La séance d’aujourd’hui a débuté par des séances de discussion en plénière, au cours de laquelle les représentants du gouvernement ont confirmé à la réunion que cette suspension avait effectivement été acceptée par le gouvernement togolais. La Coalition des 14 partis de l’opposition a salué cette évolution. Le Président a, par ailleurs, exprimé sa satisfaction quant aux progrès considérables réalisés sur un certain nombre de questions, notamment la suspension des manifestations depuis la dernière séance du dialogue en février 2018, les progrès réalisés sur les questions électorales, la libération des personnes jugées et condamnées dans le cadre des manifestations publiques demandées par la Coalition des 14 partis de l’opposition, la transparence en matière de communication entre les parties, entre autres. Il a formulé le vœu que la présente session puisse permettre d’aller plus loin dans ce processus », peut-on lire dans le communiqué de presse. « Le Président Akufo-Addo a ensuite invité les parties séparément pour des discussions bilatérales. Lors de ces réunions séparées, chaque partie a présenté ce qu’elle considérait comme étant des points essentiels qui, à leurs avis, garantirait un dialogue fructueux. A la reprise de la plénière, il a été constaté que : i. les parties avaient besoin de plus de temps pour étudier les propositions faites par chaque partie ; ii. Ces propositions feraient l’objet des discussions plus approfondies à l’occasion de la prochaine session du dialogue, sous la facilitation de son S. E. Nana Akufo-Addo. iii. Dans la période comprise entre la présente session et la prochaine session du dialogue, le Président S. E. Nana Akufo-Addo poursuivra des concertations bilatérales avec les deux parties », poursuit le communiqué qui annonce la reprise des travaux à une date ultérieure.
Ce long communiqué au parfum d’optimisme cache en réalité des positions tranchées entre le pouvoir et l’opposition. La nouvelle suspension des travaux, après quelques heures de discussions, est non seulement révélatrice de cette situation de blocage, mais aussi des difficultés que rencontre la facilitation à faire bouger les lignes. Si au sein du régime on accepte du bout des lèvres le retour de la Constitution de 1992 sous certaines conditions, on n’est pas disposé par contre à accepter un départ de la tête du pays de Faure Gnassingbé en 2020 au terme de son troisième mandat. Du côté de l’opposition, on n’est pas disposé non plus à accepter une éventuelle candidature du champion du RPT-UNIR. Nous sommes ainsi en face d’un blocage et les différentes séances de dialogue entrecoupées de suspensions s’apparentent à n’en point douter à l’art de tourner en rond. Un statu quo qui, visiblement, fait les affaires du régime qui profite non seulement pour reprendre ses forces, mais aussi préparer son référendum en toute discrétion malgré l’engagement de suspendre le processus électoral.
Comptez sur la bonne foi de l’oppresseur, voilà l’étrange naïveté qu’affiche souvent l’opposition. Et de toute évidence, elle n’a pas dérogé à la tradition en sacrifiant la seule arme dont elle dispose, c’est-à-dire les marches, contre une hypothétique promesse de suspension du processus électoral par le régime. En s’accrochant à cette bouée de sauvetage tendue par l’opposition elle-même, le régime s’en sert pour empêcher ses adversaires de retourner dans les rues, parfois avec la caution de la facilitation. Pendant ce temps, Faure Gnassingbé se prépare au référendum.
Un référendum à la manière de Sassou N’Guesso
Le régime RPT-UNIR est passé maitre dans l’art de la diversion face à une opposition qui continue de croire naïvement qu’on pourrait obtenir le départ du pouvoir d’un régime de cinquante ans en s’enfermant dans une salle de dialogue.
A peine le communiqué de la facilitation rendu public que le site de propagande du régime republicoftogo.com annonce que le processus continue : « S’appuyant sur le contenu du communiqué publié vendredi à l’issue d’une nouvelle rencontre entre le pouvoir et l’opposition, des médias togolais ont affirmé que le gouvernement avait décidé de suspendre le processus électoral afin de donner toutes les chances au dialogue. Ce n’est pas exactement ce qui a été écrit et décidé. Le pouvoir a effectivement pris un certain nombre de mesures, il y a la libération des manifestants interpellés lors des marches violentes et d’agitateurs. Autre initiative, il a été décidé, après consultations avec les responsables de la CENI (Commission Electorale), de suspendre l’étape de préparation du processus électoral. Cela signifie que le début de la phase de révision des listes électorales est repoussé. Mais nulle part, il est question de suspendre purement et simplement la tenue des élections à venir. Deux consultations sont prévues cette année, les législatives et les locales. Le mandat des députés arrivera à son terme en juillet. On peut imaginer un report de 2 ou 3 mois, mais, au-delà, se poserait un problème constitutionnel. Enfin, l’adoption en septembre dernier du projet de loi relatif à la limitation du mandat présidentiel n’a pas obtenu le quota nécessaire. Il faudra organiser un référendum. A moins que le pouvoir et l’opposition se mettent d’accord sur une autre formule ». Ainsi s’exprime la voie du maitre, un message suffisamment clair pour ceux qui continuent de croire en leur rêve. La réalité est que Faure Gnassingbé joue au dilatoire pour ne rien concéder à la fin et surprendre l’opposition par son fameux projet de referendum.
Un projet qu’il tient à réaliser au mois de juin, avant la fin de son mandat à la tête de la CEDEAO. Profitant du laxisme de la communauté internationale sur le cas togolais, surtout le fameux groupe de cinq ambassadeurs (Union européenne, Allemagne, France, USA et PNUD) qui semblent étrangement réduire la crise togolaise à une simple affaire d’élection, au point de le réitérer dans un communiqué rendu public la semaine dernière. Faure Gnassingbé veut organiser un passage en force à la manière de son mentor Sassou N’Guesso.
Il faut aller vite, c’est-à-dire claquer la porte du dialogue et lancer le processus du referendum et le tenir avant que la présidence de la CEDEAO ne tombe dans les mains de MuhammaduBuhari ou d’Adama Barrow début juillet. C’est le coup que prépare l’« homme simple » pour prendre de court ses adversaires qui, eux, se sont précipités de lui remettre la seule arme à leur disposition, c’est-à-dire les marches.
Sortir de ce piège à cons et remettre la pression sur le régime serait l’ultime arme de la Coalition contre laquelle le temps joue dangereusement.
Source : www.icilome.com