Ira-t-on vers un recouvrement de créance consenti ou forcé ? Dans un arrêt rendu par la Troisième Chambre de la CCJA d’Abidjan suite à l’audience publique du 18 octobre 2018 consécutive au pourvoi en cassation n°261/2016/PC du 25 novembre 2016 formulé par Me Bataka Wle-Mbanewar, les sociétés GETMA-TOGO et MANUPORT SA ont été déboutées et condamnées à payer à M. Cosmas Kpokpoya, représentant des Ets C.I.C, la cause de leur condamnation en principal plus les intérêts, conformément aux arrêts n°356/14/2014 et 242/2016 rendus par la Cour d’Appel de Lomé. Après vingt ans d’un feuilleton judiciaire dramatique qui aurait pu se terminer plus tôt, n’eût été la mauvaise foi d’un avocat, se dirige-t-on enfin aujourd’hui vers un solde de compte, lequel a été depuis grevé de dommages-et-intérêts, de débours et de dépens qui tournent autour de 3 milliards de dettes à payer par les appelants aux défendeurs ?
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Il est des litiges commerciaux qui se terminent sans trop de charges lorsque les conseils d’une partie reconnaissent assez vite l’évidence. Il en est d’autres qui prennent l’allure d’un feuilleton judiciaire avec pour objectif de « fatiguer » l’autre partie au point de la faire abandonner la bataille en cours de chemin. Mais Me Bataka et les sociétés GETMA-Togo et MANUPORT SA, au bout du tunnel qui a débouché sur un arrêt de la Cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA) basée à Abidjan, ont vu les condamnations précédemment prononcées par deux arrêts de la Cour d’Appel de Lomé, confirmés par l’instance supranationale sise en Côte d’Ivoire.
Ainsi, par l’arrêt N°159/2018 du 18 octobre 2018, la CCJA, se basant sur la correspondance du 30 mars 2016 de l’Office togolais des recettes (OTR) confirmant la régularité de l’enregistrement de l’arrêt n°356/14 du 24 décembre 2014 de la Cour d’Appel de Lomé, a dit : « Par ces motifs, Statuant publiquement, après en avoir délibéré; Casse l’arrêt n°242/2016 rendu le 27 juillet 2016 par la Cour d’Appel de Lomé; Evoquant et statuant au fond : Confirme partiellement l’ordonnance n°0003/16 rendue le 15 janvier 2016 par le Président du Tribunal de première instance de première classe de Lomé, en ce qu’il a retenu sa compétence en application de l’article 49 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution; L’infirme sur la contestation des saisies; Statuant à nouveau: Dit et juge que l’arrêt n°356/14 du 24 décembre 2014 de la Cour d’Appel de Lomé constitue un titre exécutoire régulier; Par conséquent, déclare bonnes et valides les saisies-attributions de créances pratiquées les 17 et 18 décembre 2015 ; Déboute les sociétés GETMA TOGO SA et MANUPORT TOGO SA de leurs demandes, fins et conclusions ; Les condamne aux dépens ; Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé: Le Président, le Greffier. Pour copie exécutoire établie en six (06) pages par Nous, Maître Paul LENDONGO, Greffier en chef de ladite Cour, fait à Abidjan le 17 janvier 2019 ».
L’avocat des sociétés GETMA-Togo et MANUPORT SA aurait pu éviter que les conclusions de cette affaire n’atterrissent devant la CCJA s’il avait fait profil bas et reconnu que les précédentes décisions de la justice togolaise étaient ce qu’il y avait de plus évident, à quelques exceptions près. Parce que bien avant que la CCJA ne soit saisie en dernier ressort par Me Bataka, ce dossier a effectué trois allers-retours depuis la première instance, à la Cour suprême, passant à chaque fois par la Cour d’Appel. Tout ceci par le seul objectif de faire du dilatoire au profit des sociétés ayant fait mains basses sur les 5000 tonnes de riz vietnamien, une situation qui a coulé la petite entreprise individuelle, les Ets CIC.
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Dans l’ordre, voici dans un condensé les différentes décisions rendues, mais qu’a toujours contesté le conseil ayant pris depuis le 13 décembre 2000 la relève de Me Aquereburu Alexis. Parce qu’au commencement, c’était ce dernier qui était sur l’affaire.
D’abord le 28 juillet 2000, il y eut un premier jugement n°994/2000, au moment où c’était la société GETMA. Le tribunal de première instance de Lomé avait reçu « le sieur Joseph Comlanvi DOSSOUVI représentant des établissements Comptoir Interafricain de Commerce (C.I.C) en son action, joint les exceptions au fond, écarté l’exception d’incompétence et déclaré le Tribunal de céans compétent, déclaré bonne et valable la saisie-revendication pratiquée par les Etablissements C.I.C sur la cargaison de marchandise litigieuse entreposée dans les magasins de GETMA-TOGO, ordonné la libération au profit des Etablissements C.I.C. de ladite marchandise par GETMA-TOGO ainsi que tout tiers qui la détiendrait de son chef, et ordonné l’exécution provisoire du présent jugement nonobstant toutes voies de recours et sans caution ; et condamne GETMA-TOGO aux dépens ». C’était avec Me Aquereburu comme conseil de ladite société.
Le 9 octobre 2000, l’arrêt n°220/00 en audience exceptionnelle suite au pourvoi de Me Alexis Aquereburu a été rendu, disant : « En la forme : Reçoit l’appel ; Rejette les fins de non-recevoir soulevée par la Société GETMA-TOGO comme mal fondées ; Déclare régulièrement et partant recevable la procédure d’assignation à bref délai initiée par les Etablissements Comptoir International pour le Commerce (C.I.C.). Au fond :Déclare mal fondél’appel de la Société GETMA-TOGO contenu dans le dossier N°505/2000 du Rôle Général ; En conséquence, confirme le jugement N°994 du 28 juillet 2000 entrepris en toutes ses dispositions ;Condamne l’appelante aux dépens dont distraction au profit des avocats Mes KAVEGE et MOUKE aux offres de droit ; Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour d’Appel, Chambre Civile en son audience exceptionnelle, les jour, mois et an que dessus ». C’est alors qu’arriva Me Bataka, le « zorro » qui fit prendre par la cour suprême une funeste ordonnance qui sursoit à l’exécution de l’arrêt de la cour d’appel. C’était le 29 décembre 2000.
Mais cinq années plus tard, la cour suprême, par une autre ordonnance sur requête n°36 du 30 mai 2005, rétracta la précédente. « Par ces motifs, Rétractons notre ordonnance N°104 rendue le 28 Décembre 2000 ; Ordonne la libération du riz aux établissements C.I.C., Disons que la présence ordonnance sera notifiée en expéditions aux parties, à la diligence de Monsieur le Greffier en Chef de la Cour Suprême et sera classée au rang des minutes du Greffe, pour en être délivrée à qui de droit toutes expéditions nécessaires ».
En 2009, deuxième ballet. Le tribunal de première instance de Lomé, par décision n°3583/2009, estime que contre une cargaison de 5000 tonnes de riz, C.I.C ne devrait recevoir en contrepartie qu’un franc symbolique ! C’est alors qu’intervint l’arrêt n°356/14 du 24 décembre 2014 de la cour d’appel et auquel la CCJA renvoie l’action des sociétés GETMA-Togo et MANUPORT SA à travers leur conseil Bataka. Que dit cet arrêt ?
« Par ces motifs, Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en appel;
En la forme : Déclare recevables les héritiers de feu DOSSOUVI Comlanvi, promoteur des Ets CIC représentés par le sieur KPOKPOYA Cosmas Akouété en leur appel; Déclare également recevable l’intervention forcée des sociétés NECOTRANS et MANUPORT ; Déclare irrecevables dame DAKE Akossiwa Monique, veuve AGBELEY Beauty, EHO Koffi Félix, dame KPESSE Mawounyo Jeanne, AKELE TCHAMOUIZA, Biva et dame ADJAKPA Enyovi, en leur intervention volontaire pour défaut d’intérêt;
Au fond : Déclare l’appel partiellement fondé; Constate que l’intimée, la société GETMA TOGO SA a décliné à l’invitation de la Cour lui enjoignant de conclure au fond; Annule le Jugement N°3583/2009 rendu le 20 Novembre 2009 par le Tribunal de Première Instance de Première Classe de Lomé;
Evoquant : Constate que la Société GETMA TOGO SA reste débitrice envers les Ets C.l.C d’une obligation de restituer aux termes du jugement n° 994/2000 du 28 Juillet 2000 du Tribunal de Première Instance de Lomé confirmé par l’arrêt N° 220/2000 de la Cour d’appel de céans en date du 09 Octobre 2000 ;
Constate que la société GETMA SA a violé cette obligation, contrevenant ainsi aux dispositions de l’article 38 de l’Acte uniforme portant organisation des Procédures Simplifiées de recouvrement et des voies d’Exécution;
Constate qu’il existe entre la Société GETMA TOGO SA et les intervenantes forcées: la Société MANUPORT TOGO SA et le groupe NECOTRANS un lien suffisant justifiant cette intervention;
En conséquence, condamne la Société GETMA TOGO SA ensemble avec les intervenantes forcées: la Société MANUPORT TOGO SA et NECOTRANS TOGO SA au paiement des causes de cette saisie, ainsi qu’aux dommages-intérêts en découlant et évalués comme suit: 723.483.000 frs représentant les causes de la saisie; 611.647.335 frs représentant les intérêts au taux légal depuis 2000 ; 350.000.000 frs représentant les dommages et intérêts comprenant les pertes financières et le manque à gagner; Constate que la demande au titre de trouble commercial et toutes les autres sont portées pour la première fois en cause d’appel; Les déclare irrecevables ; Les Condamne aux entiers dépens dont distraction au profit de Maîtres LARE Tokou et LATEVI Abram, Avocats à la Cour, aux offres de droit; Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour d’Appel de Lomé, les jour, mois et an que dessus; Et ont signé le Président et le Greffier ». C’est à cet arrêt que la CCJA fait référence en premier lieu.
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Mais contre cet arrêt, les sociétés GETMA-Togo, MANUPORT Togo SA et NECOTRANS Togo SA formulent un pourvoi en cassation à la Cour Suprême. Malheureusement pour elles, ladite Cour prit une ordonnance en date du 10 avril 2015 dans laquelle elle se déclare « incompétent pour statuer sur la requête fin de sursis à l’exécution de l’arrêt N°356/14 rendu le 24 décembre 2014 par la Cour d’Appel de Lomé ». Et dit que « la présente ordonnance sera notifiée en expéditions aux parties, à la diligence de monsieur le Greffier en Chef de la Cour Suprême, et sera classée au rang des minutes au Greffe pour en être délivrées à qui de droit, toutes expéditions nécessaires ». On s’acheminait vers l’épilogue puisqu’il y eut des saisies attributions de créances sur les comptes bancaires des débiteurs à savoir : les Sociétés Getma, Manuport et Necotrans quand, comme sortie de nulle part, une ordonnance « commandée » du tribunal de première instance d’un certain Nayo Awoulmère vint tenter de tout remettre en cause.
Nayo Awoulmère, dans le temps, Président du tribunal de Lomé, en dépit de toutes les attestations de l’O.T.R qui lui sont présentées par M Kpokpoya Cosmas justifiant ainsi du paiement des droits d’enregistrement apposé sur l’arrêt 356/14/2014, osa un jugement accédant à la demande de Me Bataka. Un acte qui valut une plainte auprès de sa hiérarchie reprochant à ce magistrat de s’être curieusement transformé en collecteur ou vérificateur d’impôts et ce, malgré toutes les certifications de valeur et de droit présentées à ce fameux juge par les hautes sommités de la fiscalité togolaise. Ecœuré, le représentant des héritiers de feu Dossouvi Comlanvi fait appel de cette décision et eut gain de cause. En voici la teneur :
Arrêt N°242 du 27 juillet 2016 dans l’affaire Sieur Cosmas Kpokpoya Akoété représentant les héritiers de feu Dossouvi Comlanvi, promoteur décédé des Etablissements Comptoir International pour le Commerce (C.I.C) contre société GETMA Togo SA, société TCL (ex-MANUPORT Togo SA. « Par ces motifs :Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en appel ; En la forme, reçoit l’appel ;Au fond, le déclare fondé ; Dit et juge que c’est en violation des dispositions des articles 49 de l’AURVE et 301 du code de procédure civile que le premier juge a retenu sa compétence ; annule en conséquence l’ordonnance entreprise pour violation de la loi ;
Evoquant : déboute les intimées de toutes leurs demandes, fins et conclusions ; Dit et juge que l’arrêt n°356/14 du 24 décembre 2014 de la cour de céans a été régulièrement enregistré et revêtu de la formule exécutoire et constitue un titre exécutoire qui a valablement fondé les saisies attributions querellées qui doivent être déclarées bonnes et valides ; Condamne les intimées aux dépens dont distraction au profit des maîtres Lare Tokou et Latevi Abram ; Ainsi fait, jugé et prononcé par la chambre civile de la Cour d’Appel de Lomé, les jour, mois et an que dessus ; Et ont signé le Président et le Greffier ». C’est à ce deuxième arrêt que la CCJA fait allusion dans son arrêt.
Mais malgré cet arrêt de la Cour d’Appel, l’avocat des sociétés condamnées introduit à nouveau un pourvoi en cassation auprès de la Cour Suprême du Togo, espérant une main invisible pour les sortir d’affaire. Ils en eurent pour leur frais. Ainsi, par ordonnance n°132/16 du 19 août 2016, la Cour Suprême dit : « Par ces motifs : Nous déclarons compétent pour statuer sur la présente requête à fin de sursis ;Ordonnons le rejet de la requête à fin de sursis à l’exécution de l’arrêt n°242/16 rendu le 27 juillet 2016 par la Cour d’Appel de Lomé ;Disons que la présente ordonnance sera notifiée en expédition aux parties, à la diligence de monsieur le Greffier en chef de la Cour Suprême, et sera classée au rang des minutes au Greffe pour en être délivrées à qui de droit, toutes expéditions nécessaires ». Toujours désireux de faire trainer l’évidence, GETMA Togo, NECOTRANS et MANUPORT Togo se tournèrent vers la CCJA. La suite a été la confirmation de l’évidence. Désormais, il ne reste qu’à voir les procédures de recouvrement qui peuvent être volontaire ou forcée.
Lorsque nous avons rencontré l’actuel Directeur Général de TCL et PDG du Groupe Bolloré au Togo, en présence de deux de ses collaborateurs, Monsieur Charles Gafan estimait qu’il n’était en rien lié par cette affaire. Il ne peut quand même pas prétendre ignorer que c’est sur procuration en date du 22 novembre 2016 que Me Bataka, conseil de sa société, a représenté et défendu à Abidjan la société dénommée « Terminaux conventionnels de Lomé » (TCL) et ex-MANUPORT-TOGO. Parce que depuis le 1er janvier 2016, MANUPORT Togo est devenue « Terminaux Conventionnels de Lomé », société dont l’actuel Directeur Général est Charles Gafan.
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Mais en même temps qu’on veut nous faire avaler l’assertion selon laquelle TCL de Charles Gafan ne serait pas concerné, un de ses collaborateurs regrettait lors de l’entretien, le fait qu’au cours d’une rencontre le 09 août 2019 avec Monsieur Kpokpoya et ses avocats, c’était un certain montant qui leur serait réclamé ; et que par la suite, cette valeur aurait été augmentée ; une situation qui aurait tiédi la volonté de discussion du Directeur Général. Pour M. Gafan, « ceux qui ont traité ce dossier sont à Air Logistics ; BOLLORE avait racheté une société en liquidation ; notre groupe BOLLORE ne connait rien de ce dossier de dette… ». « Il est fort regrettable que de tels arguments viennent de la part de M. Gafan Charles que nous pouvons avec respect considérer comme l’un des grands capitaines d’industrie et grand dirigeant d’entreprise au Togo. Point besoin de sortir de Sorbonne ni de H.E.C ou que sais-je encore, pour connaitre que lorsque l’on veut s’acheter une société même au franc symbolique, le législateur a prévu des démarches obligatoires au préalable à savoir : Passer par la comptabilité aux fins de connaitre les créances et les dettes en cours. Celles déclarée ou non ou bien par la société à acheter ou aussi, passer par le commissaire aux comptes de ladite société qui a pour obligation de les déclarer, mieux de les provisionner y compris les litiges faisant objet de condamnations en instance. A défaut, s’adresser au liquidateur en charge de la société qui est en voie de disparaitre. Tout commissaire aux comptes d’une entité économique digne de ce nom est tenu à ces obligations en cas de dépôt de bilan voire de liquidation judiciaire d’une société. Aussi, l’acheteur de par ses propres canaux et son commissaire aux comptes maison, doit passer au peigne fin la situation financière de la société pour laquelle l’achat est envisagé. Aussi, pour transparence, il a pour obligation d’éplucher et de connaitre les litiges et condamnations éventuels en instance aux fins d’éviter des surprises. Que M. Gafan arrête de me distraire par trop de paroles en l’air sans fondement », a réagi M. Kpokpoya Cosmas.
Necotrans qui aussi a été condamnée solidairement par la Cour d’Appel du Togo tout comme dans l’arrêt indiqué de la Cour supranationale, a bel et bien provisionné sur son compte l’état de la dette principale ainsi que de la décision attendue en instance auprès de la CCJA d’Abidjan.
Aujourd’hui, l’heure n’est plus aux débats, mais à la procédure de règlement des frais qui, nous le disons encore, ont été grevés d’intérêts bancaires, de débours et autres dépens. Mais chaque jour qui passe ne fait qu’augmenter la créance. Bon à suivre.
Source : Togoweb.net