En novembre 2017, le gouvernement togolais a procédé à la nomination des chefs-lieux des 116 communes que compte désormais le Togo. Depuis, les populations de certaines communes se sont levées pour protester contre la désignation de certaines localités comme chef-lieu de leur commune. Aujourd’hui, dans ces contrées, la paix sociale est clairement menacée.
Le Togo est de plein pied dans le processus de décentralisation. En effet, la décentralisation a pour objectif de mettre sur pied une administration efficace qui puisse travailler pour l’intérêt de la population, en faisant des entités locales des niveaux de gestion efficace des affaires de l’Etat. Il s’agit d’une administration de proximité qui, non seulement rapproche l’administration des administrés, mais elle réduit également la lenteur dans la fourniture des services publics. Elle permet au pouvoir central de se dessaisir de certaines tâches pour les confier aux entités locales et pour augmenter la confiance des citoyens vis-à-vis de l’Etat. Elle permet une division verticale du pouvoir entre le centre et la périphérie. Elle constitue ainsi un contre poids utile à la puissance étatique et en rampant contre les tentatives autoritaires des gouvernants. Grâce à la décentralisation, les autorités locales acquièrent un sens plus élevé de l’intérêt général et font des efforts pour prendre des initiatives locales sans attendre des injonctions du pouvoir central et pour satisfaire les besoins de la population.
Mais au Togo où le processus n’est qu’à son balbutiement, tous ces avantages pourront ne pas se concrétiser dans plusieurs localités. En effet, dans ces localités la désignation des chefs-lieux de la commune n’a été pas du goût des populations qui aussi se la revendiquent aussi. Ces populations s’estiment léser. En fait, pour désigner les chefs-lieux des communes, l’exécutif dit se baser sur des critères sociologiques, historiques, démographiques, géographiques et économiques. Mais ce qui n’est pas dit, c’est qu’il y a aussi des considérations politiques.
Ainsi, certaines localités se sont vues dépossédées de leurs titres de chefs-lieux au profit d’autres localités acquises ou favorables à la cause du pouvoir. Tout ceci dans la perspective des prochaines élections locales. A titre d’exemple, les trois communes du canton de Bé ont pour chef-lieu, Hédranawoé. Ce quartier né, il y a seulement quelques années vient ravir la vedette à un ancien quartier comme Amoutivé. Les exemples sont légions.
Du plomb dans les ailes
En décembre 2017, quelques semaines seulement après la désignation du chef lieux des communes, le canton de Timbou a été déposé du titre de chef-lieu de la Zone 2 dans la préfecture de Cinkassé à Dapaong. A la manette, un ancien ministre aurait usé de tous les moyens pour que le titre revienne à son village. Il n’en faut pas plus pour voir les populations de Timbou descendre dans la rue pour dénoncer « cette injustice ». Elles ont appelé « les autorités administratives et politiques à prendre des dispositions pour réparer cette injustice qui risque de troubler la paix sociale dans la préfecture de Cinkassé ». Puisque pour eux, certains hommes politiques jouent sur la fibre ethnique pour diviser la paisible population de Cinkassé, une localité qui selon eux, n’a jamais été un terrain conquis pour le pouvoir.
Il y a quelques jours, la tension a monté également dans la préfecture de Zio. Selon les populations de Mission Tove, à l’issue du découpage des 116 communes sur l’ensemble du territoire, la préfecture de Zio avait obtenu 4 communes subdivisées en deux groupes notamment « Zio 1 » dont le chef-lieu est Tsévié et « Zio 2 » qui avait pour chef-lieu, Kovié. Une décision qui n’est pas du tout du goût de ces populations qui se présentent comme les bénéficiaires « légitimes » de cet avantage en se fondant sur les textes votés par l’Assemblée nationale. « A l’assemblé Nationale, le texte portant création des communes a été voté avec pour chef-lieu de la commune Zio 2, Mission Tové et nous étions dans l’attente que le président de la République prenne un décret pour signifier clairement la position de notre localité l’érigeant en chef-lieu. Mais malheureusement, ce chef-lieu a été finalement confié à Kovié », a dénoncé un cadre du milieu. « Les habitants de Mission Tové sont mécontents et se sentent lésés par cette décision. Nous réclamons à ce que la justice soit faite », a-t-il ajouté au terme d’une marche de protestation. Outre, les manifestations de rue, les populations de Mission Tové annoncent d’autres actions d’envergures dans les prochaines semaines. Bien avant, un problème similaire s’est posé dans la préfecture de Wawa. Là aussi, c’est un ministre qui est à la manette pour ramener le chef-lieu de la commune de Wawa 3 dans son village. La tension est toujours vive dans cette préfecture. Aujourd’hui dans plusieurs localités, le plomb est dans l’aile et il suffit d’une étincelle pour qu’il tombe et crée des échauffourées entre les populations d’une même contrée.
Depuis que la loi «controversée» sur la décentralisation a été votée unilatéralement par la majorité présidentielle, la tension monte dans plusieurs communautés. Des cadres du parti au pouvoir, font usage de cette loi de leurs localités selon leurs desiderata, créant ainsi des frustrations au sein des populations. Partout, la tension est vive.
Elle monte et fragilise le vivre-ensemble harmonieux des populations d’une même identité culturelle. Pourtant, on ne cesse de tambouriner qu’on se préoccupe de la paix et du vivre ensemble. La question se pose de savoir si pour des visées électoralistes le tissu social qui unifiait les populations doit-il être rompues ?
Source : www.icilome.com