Quel compromis encore avec le pouvoir de Faure Gnassingbé ? C’est en fait la question qui mérite d’être posée, vu que le régime Rpt/Unir refuse de mettre en œuvre les plusieurs accords signés pour une sortie pacifique de crise. Même dans les pires moments où les Togolais assoiffés d’alternance et du changement démocratique ont été réprimés et massacrés, l’opposition fait des concessions et accepte un dialogue avec le régime cinquantenaire qui a toujours fait montre de mauvaise foi.
Au pouvoir depuis 2005 dans la continuité de son père, Faure Gnassingbé qui gouverne le pays avec une légitimité contestée reste sourd aux sempiternelles revendications formulées par l’opposition et la société civile. De l’avis de certains analystes, Faure qui tient à son énième mandat n’est pas prêt à faire des compris qui risqueraient de refroidir son désir ardent de conserver à vie le pouvoir. On comprend pourquoi il refuse de respecter la feuille de route de la CEDEAO rendue publique à Lomé, le 31 juillet dernier, lors du sommet des Chefs d’Etat et de gouvernement de l’espace communautaire.
Avec le soutien de certains de ses homologues de la sous-région, « l’homme simple » tient toujours à la tenue des prochaines législatives du 20 décembre, même s’il faut marcher sur les corps de ses concitoyens pour y arriver. Après une vingtaine de morts enregistrées depuis 2017 dans le cadre des manifestations de l’opposition, l’année 2018 a son tableau noir. Après les exhortations sans suite des évêques catholiques et des pasteurs des églises presbytérienne et méthodiste, le Front citoyen « Togo Debout » a adressé une lettre ouverte à Faure Gnassingbé, lui demandant d’arrêter le massacre et de se plier à la feuille de route de la CEDEAO.
D’abord un devoir de mémoire au Prince. « Cela fait maintenant 13 ans que vous êtes à la tête de l’Etat togolais et 12 ans que les Togolais, après une année 2005 sanglante et difficile, ont accepté d’opérer un sursaut patriotique par l’initiation d’un dialogue qui a abouti à la signature de l’Accord politique global (APG). Ce document a prescrit la poursuite des réformes constitutionnelles, institutionnelles et électorales nécessaires à la consolidation de la démocratie, de l’Etat de droit et de la bonne gouvernance au Togo », y lit-on. Il lui a été rappelé les recommandations de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR) relatives au retour à la Constitution du 14 octobre 1992 dans sa « forme originelle » et aux bonnes conditions d’organisation des scrutins. Malgré la bonne foi affichée par l’homme fort de la Marina à la réception, à l’époque, du rapport de la CVJR et son Livre Blanc, « rien n’a changé ». « Pire, vous semblez opérer un retour en arrière autant sur le plan politique que sécuritaire et les Togolais se sentent bafoués, trahis et méprisés », constate Togo Debout qui lui rappelle ces mots : « C’est avec courage et lucidité qu’il nous faudra lire, avant de les tourner, toutes les pages de cette mémoire controversée pour éviter le retour des vieux démons ». Avec la crise sociopolitique qui a connu un tournant décisif depuis le 19 août 2017, 2018 apparaît aux yeux de Togo Debout comme une année « sombre ». Et pourtant.
« Vous qui avez affirmé à la face du monde et de la nation togolaise que vous compreniez la nécessité d’opérer ces réformes. Pourquoi ce revirement ? Pourquoi ce manque d’honnêteté politique ? Les mêmes causes produisant les mêmes effets, la crainte de la réédition des violences électorales de 2005 est réelle et légitime, et tous les yeux sont rivés vers vous, seul capable, en dernier ressort, de faire arrêter de manière ultime et in extremis le processus en cours. Vous êtes le chef de l’Etat, vous avez le pouvoir de dire « Non, arrêter ce processus », dites-le ! », écrit ouvertement Togo Debout à Faure.
Lui rappelant également la folie meurtrière qui a causé la mort à Anselme Sinandare, Douti Sinanlengue, Rachid Mama Agrignan, Bastou Ouro-Kéita, Kokou Joseph Zoumékey, Moufidou Idrissou Issifou et d’autres enfants encore fauchés dans la fleur de l’âge, Togo Debout s’indigne et s’interroge.
Ainsi demande-t-il au Prince de limiter la casse. « En votre triple qualité de Chef de l’Etat, de Chef suprême des Armées et de Ministre de la Défense, faites arrêter cette effusion de sang pour ne pas allonger la liste des Martyrs, victimes de l’oppression et de la répression aveugle d’un pouvoir qui refuse de les écouter. Vous êtes le chef de l’Etat, vous avez le pouvoir de dire « STOP », dites-le ! Et c’est toute la Nation togolaise qui vous le revaudra. Le peuple vous prie de faire arrêter ce chaos, de respecter la feuille de route de la CEDEAO et d’opérer les réformes avant toute élection. La Nation togolaise vaut plus que nos intérêts particuliers ».
Reste à savoir si Faure Gnassingbé qui joue seul contre tous va considérer ce cri de détresse. Lui qui reste fixé sur son rêve de faire un bail à vie sur le « Trône héritier » de Lomé II.
Source : www.icilome.com