« N’espère rien de l’homme s’il travaille pour sa propre survie et non pour l’humanité ». Dans Citadelle, Antoine de SAINT-EXUPERY conçoit notre passage sur la terre des hommes dans la pure tradition de l’ « écosophie », c’est-à-dire, dans un dévouement et un respect pour soi, pour les autres et l’environnement en œuvrant scrupuleusement pour la promotion de l’humain-patron et des valeurs aux fins de soulager le fardeau de notre existence, d’impulser la dynamique sociale et la protection de l’environnement.
Ceux que la nature a particulièrement pourvu de grâce, de talent, de génie et qui, dans la générosité de l’effort, cultivent les dons doivent avoir le souffle humain de les partager, de répandre de petits bonheurs pour remercier la Providence de leur avoir fait compagnie d’un monde, d’une société dans lesquels ils ne seront rien du tout, malgré leurs qualités intrinsèques. C’est dans la reconnaissance des autres que nous nous élevons. La marche du monde s’inscrit dans une solidarité apodictique, diachronique et synchronique.
Les grandes âmes qui servent leur nation, leur république et qui diffusent des éclats de bonheur et d’harmonie ou qui instruisent leur peuple sont en elles-mêmes des monuments de leur temps. Il faut les conserver, les protéger pour la mémoire historique. Les générations ont besoin de principes d’identité, de modèles d’inspiration, de légendes et des mythes pour tricoter leur propre destin. Les repères sont les fondements des orientations sur les valeurs, le sacré que les populations sentent comme un parfum de fierté et d’incitation à la grandeur. C’est le culte du sacré qui donne un fouet à l’existence et un sens de précaution à toute aventure humaine.
Or, dans notre République en rebut, les hommes et les lieux de mémoire qui construisent l’âme de la nation sont ignorés, détruits ou tout simplement falsifiés dans le grotesque du superflu où les avaries de mérites sont exhumées, cirées, badigeonnées pour restituer des cohérences rebutantes dont un vernis d’incongruités qui célèbre la bassesse d’une mémoire tronquée qui ne sert d’aucune référence à la lucidité populaire.
Le règne de la dynastie qui se donne des ailes de fourberies à faire croire à des gueux qu’il est le centre d’intérêt de l’histoire du Togo peut-il s’incliner par décence et célébrer les fils méritants de la République ?
Les génies et des monuments de notre culture intègrent-ils des lieux de mémoire de notre République ?
1) Nos vraies richesses
Les grandes fortunes des peuples restent des hommes, ceux qui ont du génie et qui répandent des valeurs ou qui de leurs talents et de leur puissance entraînante permettent à la société de s’ouvrir à une dynamique, à une mobilité qualitative.
Les pieuvres et les vampires qui grossissent de leurs rapines et de leurs razzias ne sont d’aucune valeur pour diffuser des valeurs. Ils peuvent simplement se flatter d’orgueil d’être des dieux par leurs cruautés impunies, par leurs avoirs éphémères. Tous, ils ne pèsent rien du tout sur le tableau du mérite et de l’histoire.
Les génies sont ceux qui sont d’un cran de mérite et qui donnent des secousses innovantes à leur temps, à leur époque, à leur société. Ceux qui de leurs qualités spécifiques se mettent au firmament de l’histoire de l’humanité sont toujours célébrés pour leur classe, leur rang par la lucidité des gens dignes et d’esprit fécond.
Par contre, ceux qui sont mentalement stérile et qui n’ont d’exhibition que la brutalité crue n’ont rien à comprendre sur l’échelle des valeurs humaines. Le culte de la mémoire que les vraies intelligences vouent aux grandes âmes est une incitation à délecter le goût du mérite.
Malheureusement, dans notre République en vrac où des médiocres supérieurs sont pervertis à la falsification, à l’usurpation de titres et au vol crapuleux, le superflu demeure ce à quoi ils s’évertuent pour s’octroyer des airs de notabilité sur lesquels crachent de dégoût nos populations si clairvoyantes sur et si engagées dans le combat des valeurs.
Les traficotages infâmes démolissent les princes et leurs suite en ce qu’ils se noient dans les avaries de célébrités. Leurs tours et fourberies éhontés ne les libèrent non plus pour s’occuper sainement des hommes d’exception et leur offrir les commodités de leur classe dans le sacré de la reconnaissance. A force de vouloir faire croire que la mémoire historique du Togo est réductible à une famille, à un clan, toutes les autres œuvres des génies de notre terre sont frappées d’un mépris autoritaire et d’un déclassement systématique.
Or, le devoir de conservation des œuvres de l’esprit et la solidarité avec leurs auteurs gonflent indubitablement l’inspiration de leurs admirateurs qui peuvent faire leur propre chemin dans le répertoire des valeurs et de la création.
Kwami N’KRUMAH, Winston CHURCHIILL, Georges BRASSENS et tant d’hommes de classe exceptionnelle sont conservés dans le Panthéon politique, culturelle de leur pays pour une réanimation perpétuelle de la légende qu’ils représentent dans l’identité de leur nation. Leurs images servent à proscrire le culte des médiocres, des falots et des prétentieux. Les intelligences aux éclats d’honnêteté, d’éthique qui rehaussent la vie des républiques nous appellent à la ferveur du respect et à la solidarité.
Au Togo, nos têtes sont courbées de honte lorsque nous voyons la place que nos gouvernants accordent à nos cerveaux, à nos artistes, à nos héros. De Sylvanus OLYMPIO à Benjamin BOUKPETI en passant par Pâ De SOUZA, Bella Bellow, Docteur KAOLO, Paul AHYI, le tourbillon de la déception nous étreint la gorge. L’amnésie volontaire pour gommer l’image de ceux qui servent bien la nation togolaise est une triste réalité. Les faux-champions n’ont que la compétence des faillites et souffrent cruellement de leurs salves d’échecs qu’ils ne peuvent édifier les autres dans leurs réussites ou réserver des lieux de mémoire pour eux.
La République s’anéantit dans le culte du traficotage et du faux. L’héroïsme n’est pas à la portée de n’importe quel individu et la générosité de l’inspiration ne surgit jamais de pauvres esprits. Notre pays s’affaisse pour devenir la lanterne rouge de l’espérance promise à l’humanité, parce que nous n’avons plus de principes d’identité à cultiver, d’étalons à vénérer, de véritables lieux de mémoire. Toute République qui se pervertit dans ses valeurs devient affreuse. Anthelme BRILLAT-SAVARIN en dégage la logique dans la Physiologie du goût: « La destinée des nations dépend de la manière dont elles se nourrissent ».
2) Des espaces de mémoire pour les illustres citoyens
La pauvreté de l’esprit est la pire stérilité des hommes. Ceux qui, par ambition, renversent par la force tous les ordres et osent mettre la main sur un peuple pour le gouverner n’ont jamais de relents d’inclination pour les plus méritants et les illustres citoyens. Dans leur nombrilisme, ils se prennent pour des dieux. Ils ont si soif d’honneur et de vénération que personne dans les grades de célébrité.
Leur avidité de titres et de gains immérités les rend aveugles et leur mauvaise conscience les achève. C’est à eux que s’adresse André GIDE, dans Les Nourritures terrestres en ces termes : « Ne peut rien pour le bonheur d’autrui celui qui ne sait pas être heureux lui-même ».
Le bonheur est toujours à la mesure de la noblesse des causes défendues pour servir, en tirer profit autant que les autres dans une espérance collective. La couronne de dignité est une célébration de mérite qui vient de la reconnaissance intégrale des autres. La gloire vient après la vertu. C’est elle qui nous ouvre les portes du royaume de l’immortalité. Comment refuser aux grandes âmes de lieux et des temples de célébration de la mémoire au Togo ?
Les crimes de mémoire dans notre pays sont aussi au chapelet du désastre que nous traversons. Les faux-monnayeurs de la paix et leur triste colombe n’ont de visibilité que dans la falsification. Cette galère de l’esprit ne leur libère jamais l’horizon des mérites pour s’inscrire au chapitre de l’histoire. Idi Amin DADA, BOKASSA, HABRE, MOBUTU, EYADEMA… sont-ils des monuments de l’histoire ? Nous n’avons pas la prétention de nous substituer aux historiens. Mais, il y a des vérités qui se forment d’elles-mêmes. On a beau vouloir les cacher, elles reprennent leur ciel sur les évènements.
Devant le saccage ordurier de la mémoire des grandes gloires au Togo, nous avons l’obligation morale et l’éthique citoyenne de répandre un levain de révolte pour refuser la connivence muette. Comme nous l’enseigne Jean-Paul SARTRE, dans Situation I : « Serions-nous muets et cois comme des cailloux, notre passivité même serait une action ».
Dans l’ordre des urgences, nous réclamons un lieu de mémoire pour Sylvanus OLYMPIO, un espace de célébration éternelle pour Bella BELLOW, un musée pour Paul AHYI, un espace édifié pour Jimi HOPE et un comité de réflexion sur la mémoire au Togo pour une incitation à la culture du mérite. Apprenons à célébrer les valeurs nationales et à les conserver ! Dans plusieurs pays, les valeurs nationales sont des sources inépuisables de devises. Une bonne collection des photos de Bella BELLOW pour illustrer sa vie, son évolution artistique et une salle de projection des tranches de ses concerts et interviews au cœur de Lomé, comme Georges BRASSENS à Sète au Sud-Est de la France, serait un très bon départ de reconnaissance.
Nous sommes dans une civilisation du spectacle et du tourisme. Le bon sens aurait voulu que nous nous mettions à rentabiliser nos gloires, nos célébrités pour réinventer la gamme des lieux du culte pour les héros nationaux et laisser aux générations futures des étalons pour leur projection dans la création. Jean ROSTAND a tout à fait raison d’écrire dans Pensée d’un biologiste : « La grandeur, pour se faire reconnaître, doit consentir à initier la grandeur ».
Source : www.icilome.com