Le 30 décembre 2019, le parlement a adopté le projet de loi fixant les conditions de déclaration des biens et avoirs des hautes personnalités, des hauts fonctionnaires et autres agents publics professionnellement exposés à des risques de corruption et d’infractions assimilées. Cette législation vise principalement à : Promouvoir la transparence, garantir l’intégrité, l’honnêteté et la probité des serviteurs de l’Etat. Une loi qui semble être tout sauf persuasive. Analyse !
Du petit employé de bureau aux hauts fonctionnaires, depuis quelques années, les agents de l’Etat togolais font de la corruption, leurs sports favoris. La justice, l’administration et la police sont souvent pointées du doigt dans les rapports internationaux. Mises sous pression par les partenaires en développement, les autorités togolaises se sont lancées dans un vaste chantier de réformes et de législations. Et le dernier texte législatif qui fixe les conditions de déclaration des biens et avoirs des hautes personnalités, des hauts fonctionnaires et autres agents publics professionnellement exposés à des risques de corruption et d’infractions assimilées fait partie de cet arsenal juridique dont on veut se doter dans la lutte contre le phénomène. Mais certaines dispositions et omissions de la nouvelle législation posent question.
Un glissement vers les règlements de compte…
Par rapport à la mouture initiale, la loi adoptée par le Parlement le lundi 30 décembre dernier élargit considérablement le champ d’application. Les 22 articles répartis en 7 chapitres définissent ou précisent les périmètres pratiques, la périodicité, le délai de prescription des infractions liées ou inhérentes à la déclaration et aux biens déclarés, les organes dépositaires, l’assiette de la déclaration, les délais et la procédure, le droit à l’information et les sanctions. Ainsi, outre les personnes déjà indiquées, sont également concernés par l’obligation de déclaration, les membres des bureaux des partis politiques ou encore les responsables d’organes de presse. C’est là le premier couac !
En effet, les responsables d’organes qui ne bénéficient que des miettes comme aide publique (Aide de l’Etat à la presse) doivent se soumettre à l’obligation de déclarations de patrimoine. Ces organes qui constituent des entreprises privées doivent donc suivre la même procédure que les services publics. La question se pose alors de savoir pourquoi, la législation n’a pas été élargie à tous les acteurs du secteur privé et surtout, aux grandes entreprises privées dont les noms reviennent avec insistances dans les dossiers de corruption. N’est-ce pas là, un moyen pour mettre sous éteignoir ces organes de presse qui dénoncent les dérives autocratiques du régime ?
Si lutte contre la corruption est un passage obligé pour les pays en développement comme le Togo, la chasse aux sorcières avec des visées politiques est un glissement à éviter. D’autant plus que, le contexte togolais conforte les incertitudes liées aux véritables motivations derrière les initiatives visant à lutter contre la corruption.
Aujourd’hui, la cooptation et la sélection d’un nouveau personnel politique serait une option pour le régime cinquantenaire. A cet effet, le spectre des règlements de compte doit pouvoir hanter le sommeil des voix discordantes et les contraindre à se taire. Au risque de se retrouver derrière les barreaux comme se fût le cas dans certains pays.
Les pilleurs doivent-ils avoir peur pour autant ?
En plus des organes tels que l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp) et particulièrement La Haute autorité de prévention et de lutte contre la corruption et les infractions assimilées (Hapulcia) qui se sont révélées des coquilles vides dépourvues de tout pouvoir de dissuasion, la nouvelle législation s’est privée d’un certain nombre d’outils qui lui auraient permis de mettre en œuvre une procédure de déclaration des biens plus adaptée aux finalités d’intégrité et de transparence de la vie politique. En effet, l’absence « d’outils de contrôle de l’exactitude des déclarations au moment des dépôts », « d’outils de contrôle continu sur les fonctionnaires, spécialement les hauts fonctionnaires », et de « procédures de répression spécifiques » donne une portée limitée aux effets escomptés de ce texte législatif. Par conséquent, cette loi présente plutôt un aspect préventif, indique une source judiciaire. « Qu’adviendra-t-il des déclarations ? », se demande-t-on.
« Par rapport à l’ampleur de la corruption dans notre pays, cette loi est quasi non-coercitive », explique une source. Et d’ajouter que les autorités togolaises ne peuvent pas se « cacher » derrière l’existence d’un dispositif légal suffisamment incarné par la Cour des comptes et des textes pénaux pour justifier cela. Selon elle, les informations détenues par les services fiscaux peuvent suffire à atteindre l’objectif de la prévention de l’enrichissement illicite. En plus la déclaration de patrimoine comme prévue dans la nouvelle législation ne permet aucun croisement de données ni contrôle. Ainsi, à la question de savoir si les pilleurs doivent-ils avoir peur pour autant ? La réponse est sans équivoque : NON.
En effet, dans certains pays africains, en cas de confirmation de ces soupçons de fausse déclarations, la personne risque d’écoper de 6 ans de prison et de payer une amende égale à la valeur des avoirs qui seront, par la suite, confisqués. La personne condamnée sera interdite d’exercer dans la fonction publique ou se présenter à un mandat électif pendant 10 ans. Cette procédure n’exclut pas les personnes bénéficiant d’une immunité. Dans ce cas, une démarche de sa levée sera entreprise selon la législation en vigueur.
Au Togo, la personne fautive risque une peine allant de 1 à 3 ans de prison, assortie ou non d’une amende comprise entre 500 000 et 05 millions FCFA, pour tout contrevenant en cas d’omission ou de dissimulation. Tout est dit !
Source: Journal Fraternité
Source : Togoweb.net