Les articles 7, 9,10, 19 et 22 de la loi organique n° 2020-003 du 24 janvier 2020 fixant les conditions de déclaration de biens et avoirs des hautes personnalités, des hauts fonctionnaires et autres agents publics ont été modifiés. Le seuil des biens et avoirs à déclarer a été supprimé alors que le gouvernement a introduit une déclaration par internet et la possibilité pour le conseil des ministres d’orienter l’application de cette loi. Le gouvernement montre encore sa réticence à promouvoir la lutte contre la corruption.
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Le gouvernement a procédé la semaine écoulée à la modification de la loi organique fixant les conditions de déclaration de biens et avoirs des hautes personnalités, des hauts fonctionnaires et autres agents publics. Les modifications portent sur les articles 7, 9, 10, 19 et 22 de ladite loi. Parmi les changements de taille enregistrés, la suppression du seuil de la valeur des biens à déclarer, l’introduction de la forme numérique de la déclaration ou encore la possibilité de prise de décrets en conseil des ministres pour préciser et compléter les modalités d’organisation de la déclaration de biens et avoirs.
Pour être plus précis, l’article 9 nouveau porte la suppression du seuil des biens et avoirs à déclarer alors que dans l’ancienne mouture de la loi, les biens et avoirs valant 200.000 FCFA ou plus doivent être déclarés. « Sont obligatoirement déclarés les biens et avoirs d’une valeur supérieure à deux cent mille (200 000) francs CFA », précise l’ancien article. En plus de cette suppression, le gouvernement a ajouté à la dite loi organique la possibilité de déclaration des biens par internet comme le précise l’article 10 nouveau : « La déclaration de biens et avoirs est faite sous forme physique ou numérique ». Enfin, l’ancien article 22 qui dispose : « La présente loi organique sera exécutée comme loi de l’Etat », est remplacé par un autre dans lequel il est dit que « des décrets en conseil des ministres précisent et complètent, au besoin, les modalités d’organisation de la déclaration de biens et avoirs ».
Etait-ce encore nécessaire de procéder à une relecture de cette loi dont le processus est lancé il y a bientôt deux ans ? D’aucuns diront oui, mais en réalité, la plupart des modifications apportées ne contribuent pas forcément à la consolidation du processus de déclaration des biens et avoirs. Déjà, la suppression du seuil de la valeur des biens et avoirs à déclarer crée une situation de confusion, puisque les personnes assujetties à cette déclaration ne sauront plus sur quel pied danser. Certes, une brèche a été ouverte par la possibilité de compléter ladite loi par la prise de décrets en conseil des ministres, mais cela montre en réalité que Faure Gnassingbé et comparses n’ont pas encore décidé. Que cacher ? Que déclarer ? Telle est sans doute l’équation à laquelle ils sont confrontés. Et pour couper court, ils ont décidé de laisser cette partie en suspend, quitte à la compléter quand ils auront les idées plus claires.
Mais il y a un réel danger, c’est que le conseil des ministres ne décide jamais d’une assiette des biens et avoirs et laisse les personnes concernées décider elles-mêmes. Cela permettrait de cacher une grande partie des biens et avoirs acquis par les détournements des deniers publics. L’hypothèse d’un seuil trop élevé est également envisageable. Le conseil des ministres aura tout le loisir pour décider en faisant attention au patrimoine de qui on sait.
Que dire de la déclaration en ligne ? C’est tout simplement hallucinant. Selon la loi, « le déclarant établit une déclaration initiale de patrimoine dans les quatre-vingt-dix (90) jours de sa prise de fonction. Une nouvelle déclaration initiale est établie, dans les mêmes conditions, à chaque nouveau mandat ou fonction intervenant en cours d’année. La déclaration finale doit intervenir dans les quatre-vingt-dix (90) jours suivant la cessation du mandat ou des fonctions », renseigne l’article 11. Pourquoi introduire une déclaration en ligne si le déclarant dispose de trois mois pour se plier à cette obligation, d’autant plus qu’il a la possibilité de mandater une tierce personne pour le faire ? Les députés et le gouvernement font preuve d’une légèreté légendaire. La déclaration des biens et avoirs est trop sérieuse pour être traitée de la sorte.
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En réalité, cette manie de faire une loi et de la modifier à volonté révèle que Faure Gnassingbé et ses collaborateurs veulent trainer les pas. Etant de la minorité qui accapare les richesses du pays, ils n’ont décidemment pas intérêt à aller vite. Pourtant, ils ne cessent de chanter leur prétendue volonté de lutter contre la corruption. Et puis, dans d’autres pays, les plus hautes autorités rendent public leur patrimoine. Au Togo, il est soigneusement dissimulé, sans doute parce que mal acquis. Pour que cette loi entre en vigueur et que les biens et avoirs soient déclarés, il faut encore franchir plusieurs étapes que les autorités ont transformées en obstacles.
G.A.
Source : Liberté / libertetogo.info
Source : Togoweb.net