Décentralisation : CNSD, un nouveau « FAUREcing » du pouvoir

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Décentralisation : CNSD, un nouveau « FAUREcing » du pouvoir

C’est une exhortation des évêques du Togo, c’est une exigence de l’opposition, c’est aussi et surtout une revendication des Togolais soucieux de la démocratie à la base : la décentralisation. Plusieurs fois relancé par la communauté internationale, Faure Gnassingbé a décidé, selon ses bonnes humeurs, de créer le 19 janvier dernier le CNSD (Conseil national de suivi de la décentralisation) dont la composition fait polémique et agite la classe politique.

C’était à travers un communiqué rendu public le 1er avril que le gouvernement avait annoncé la composition du CNSD, sans que les observations de l’opposition faites en amont ne soient prises en considération; alors que dans l’esprit de l’Accord politique global (Apg), le consensus devrait prévaloir. Le CNSD est chargé de fixer les orientations et de veiller à leur cohérence avec les autres politiques sectorielles, de proposer des mesures adéquates pour améliorer le processus, de définir les mécanismes de coordination des appuis des partenaires techniques et financiers, enfin de procéder à l’évaluation de la mise en œuvre de la décentralisation ». Comme le pouvoir ne fait rien avec sincérité, la composition de ce conseil est déséquilibrée à son avantage. Il se taille la part du lion. L’opposition doit se contenter de la portion congrue. Et du coup, le processus tant souhaité est mal parti.

Si ailleurs cela s’est fait de façon consensuelle, au Togo, il démarre sur de mauvaises bases, avec le risque d’ouvrir le pays à une sorte d’instabilité ; les décisions étant prises sur des critères purement subjectifs et en fonction des intérêts partisans du pouvoir. En décidant de faire les choses de cette façon, le pouvoir vise les élections locales qui auront lieu probablement en 2018. L’année derrière, un universitaire qui met son intelligence au service de la dictature, a laissé entendre devant ses étudiants, au cours d’un colloque, que si le pouvoir tarde dans le processus de la décentralisation, c’est qu’il y voit des enjeux politiques.

Et comme l’a fait remarquer l’Alliance nationale pour le changement (Anc), « c’est dans un souci d’apaisement et de transparence dans la mise en œuvre du processus de décentralisation que le séminaire national sur la décentralisation, tenu à Lomé, les 6,7 et 8 décembre 2016, a préconisé la mise en place du Conseil National de Suivi de la Décentralisation ». Mais habitué au coup de force, le pouvoir Rpt-Unir a jeté à la figure des Togolais son CNSD, comme quoi, c’est à prendre ou à laisser, qu’importent les contestations. Plus nettement, « C’est une sorte d’usine à gaz qui risque, par sa composition, de renvoyer aux calendes grecques les locales même en 2018 », a fustigé Gerry Taama, le président du Nouvel engagement togolais (Net).

A l’Anc, on estime que la composition de cette structure devait se faire sur une base paritaire : fifty-fifty. Par conséquent, le quota de l’opposition parlementaire doit être porté de 8 à 9 au même titre que les députés de la majorité. Autre point de désaccord soulevé par le parti orange, « la quasi-totalité des membres du CNSD représente le parti au pouvoir, ce qui cause un déséquilibre excessif par rapport à la représentation de l’opposition parlementaire ». « Il conviendrait qu’en plus de ses députés, l’opposition parlementaire soit habilitée à désigner des représentants non députés et ayant, de préférence, une expertise en matière de décentralisation, ce qui contribuera à élever le débat sur la décentralisation au Togo », s’exclame l’ANC qui plaide pour une « place spécifique du Chef de file », Jean-Pierre Fabre et la « prise en compte des cinq réseaux régionaux d’ONG et Associations de développement du pays, bien imprégnés des questions de décentralisation, mieux organisés et plus représentatifs du terrain ».

Loin de décrisper l’atmosphère politique et sociale déjà tendue à cause du refus du pouvoir de faire les réformes constitutionnelles et politiques et d’assainir le cadre électoral, le forcing de Faure Gnassingbé dans ce processus de décentralisation en rajoute plutôt.

Chamaillis. Le chien aboie, la caravane passe. Qui peut arrêter le Prince de la Marina dans ses passages en force ? Arrivé au pouvoir en 2005 par le massacre des populations dénoncé par plusieurs rapports, Faure Gnassingbé ne fait que ce qui l’arrange et fait fi de ce qui peut le déranger dans ses velléités de faire un bail à vie à la tête du pays. Il refuse de se plier aux critiques de l’opinion. Mais en face, il n’y a qu’une opposition qui vacille, une société civile qui peine à parler d’une même voix même si depuis quelque temps des intiatives des Universités sociales du Togo (UST) sont à saluer. Au lieu de constituer un bloc pour contraindre le Faure Gnassingbé et son gouvernement à rapporter la composition du CNSD, les partis de l’opposition préfèrent se chamailler, oubliant le vrai mal. Le Comité d’action pour le renouveau (CAR) de Me Yawovi Agboyibo accuse l’ANC de complicité avec l’UNIR (Union pour la République) et l’UFC (Union des forces de changement).« Les vérifications faites par le CAR ont révélé que c’est l’une des cinq (5) places que l’ANC s’est attribuées sur le quota de l’opposition qui a été laissée à un parti de la majorité gouvernante par une manœuvre identique à celle qui a été appliquée lors de la composition de la CENI qui a organisé la présidentielle de 2015 », écrit le Car dans une communiqué. «Mais qu’est-ce que les partis parlementaires trouvent-ils à réclamer avec plus de véhémence? C’est des places. Par solidarité, ils auraient pu déplorer que les partis extraparlementaires, qui animent aussi la vie politique n’y siègent pas; mais non, chacun réclame plus de places pour son étendard », estime M. Taama.

Au-delà des intérêts partisans, l’opposition doit s’accorder autour d’un seul fil conducteur qui est d’abord le combat contre une dictature. Face à ce coup de force qui s’opère, il faut une opposition forte qui parle le même langage et une société civile plus dynamique et sérieuse. Les partis politiques, et la société civile doivent plutôt s’organiser pour réclamer un minimum d’ouverture et de transparence dans ce processus. Au-delà de tout, ce qui urge n’est pas de lutter pour demander au pouvoir de faire la part belle à l’opposition ou de lui garantir quelques intérêts. Il faut un processus légitime et dynamique dans lequel les Togolais se reconnaissent dans leur majorité et qui les implique.

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