Le parti Organisation pour bâtir dans l’union un Togo solidaire (OBUTS), la formation politique de Mensah Agbéyomé Kodjo a tenu sa convention, le week-end dernier. Au terme des travaux, le parti a changé de nom pour devenir le Mouvement patriotique pour la démocratie et le développement (MDPP) avec des changements importants annoncés. Mais à l’analyse du passé de M. Kodjo, la question se pose de savoir si c’est enfin la reconversion de l’ancien Premier du Feu Gnassingbé Eyadéma.
lacée sous le thème : « les patriotes en marche pour la victoire», cette convention comme l’a annoncé son président Agbéyomé Kodjo a été l’occasion de faire le point sur la vie du parti, et de concevoir de nouvelles orientations pour revitaliser le parti face aux enjeux multiples. Et comme souhaité par les militants, OBUTS a laissé la place au MDPP. « Ce mouvement sera désormais notre étendard, et demeurera fidèle aux lignes de force de son ancêtre et placera toujours l’Homme et l’éthique au cœur de l’action politique. Ce mouvement poursuivra une orientation politique d’essence socio-libérale, ouverte à la concertation politique, ouverte à la société civile et encline au compromis politique qui circonstanciellement transcende les clivages partisans », a déclaré Agbéyomé Kodjo. Et de poursuivre : « Ledit mouvement porte une vision déclinée dans son programme et dans ses valeurs qui, comme une boussole, orientent ses choix et ses actions au quotidien. Il dispose de solides actifs, et est capable de rassembler sous une direction clairement définie, à même de dessiner la trajectoire de paix et de prospérité, qui répond aux aspirations et aux attentes du peuple togolais ».
En somme, des déclarations qui peuvent amener à croire à un changement de politique et de méthode de la part du natif de Tokpli mais son passé d’ancien militant du redouté parti RPT (Rassemblement du peuple togolais) dont il était l’un des barons et surtout ces prises de positions récentes depuis son retour d’exil ne militent pas en sa faveur. En voici quelques grandes lignes.
Les incohérences d’Agbéyomé Kodjo
Dans les années 90 et jusqu’au au début du 21ème siècle, Agbéyomé Kodjo a connu une ascension politique fulgurante qui le conduira jusqu’à la Primature. Mais comme ce fut souvent le cas sous la dictature, il s’est retrouvé du jour au lendemain en disgrâce pour avoir soutenu son ami, Dahuku Péré porteur d’une suggestion de rénovation de l’ex-parti Etat. Il est limogé de la primature par Gnassingbé Eyadéma en 2002 et contraint à l’exil. Après la mort de ce dernier, il a regagné le Togo en 2005, après trois ans d’exil en France. Trois ans après son retour au bercail, il crée le 02 août 2008, son propre parti, Obuts. A l’époque, Agbeyomé se proposait comme une alternative entre une opposition intransigeante et un régime cinquantenaire dont le fils du Président vient de prendre la succession du père. Alors qu’il était en conciliabule avec les autres leaders de l’opposition pour la désignation d’un candidat unique pour l’opposition sous la bannière du Front républicain pour l’alternance et le changement (FRAC), contre toute attente, l’ex Président de l’Assemblée nationale sous Eyadema a déposé sa candidature pour les élections présidentielles de 2010 pointant du doigt « les guerres de camp au sein de l’opposition ». A cette élection, Agbéyomé Kodjo et son parti l’Organisation pour bâtir dans l’union un Togo solidaire ont obtenu 17 397 voix soit 0,9%. Une première tentative ratée pour M. Kodjo qui semble trainer son passé d’ancien membre du Rassemblement du peuple Togolais (Rpt). Au sortir de cette élection, Agbéyomé Kodjo a déclaré que Jean Pierre Fabre en est le vainqueur. Ainsi, il se rapproche encore des autres leaders de l’opposition.
C’est ainsi que l’ancien Premier ministre d’Eyadéma va participer aux marches de rotestations hebdomadaires à la plage de Lomé. Il est même l’un des « chouchou » des partisans de l’opposition avec des anecdotes sur les méthodes employées par le régime pour contrecarrer les plans de l’opposition. Il finira par « abandonner » la démarche commune entreprise avec les autres leaders du FRAC pour un autre regroupement le « Front sage » qui n’a pas fait long feu.
En 2013, son parti Obuts s’engage aux côtés de certains partis réunis au sein du Collectif Sauvons le Togo (CST). Après la proclamation des résultats des élections législatives tenues la même année, certains partis de l’opposition et des organisations de la société civile ont dénoncé les résultats de cette élection qu’ils ont jugée « frauduleuse ». Encore, une fois, Agbeyome va quitter ce regroupement sur fond de critiques envers les autres leaders. La « Force de la manipulation et la campagne de désinformation orchestrée par ceux qui ont choisi l’hégémonisme, et une vision courtermiste de la lutte ont eu raison de la vérité », a écrit Obuts dans un communiqué au lendemain de son départ du CST.
Dans la foulée, Agbéyomé Kodjo va créer le CVU-TOGO-DIASPORA. Un mouvement pour mobiliser, conjuguer les forces de l’opposition et se positionner comme une alternative crédible aux yeux de la communauté internationale. Un mouvement mis sur la touche quelques mois après. Le reste sera une longue liste de déclaration et de prises de position les unes aussi controversées que les autres.
Au début de la nouvelle crise, politique née 19 août 2017, après un long moment de silence, OBUTS s’est contenté des déclarations laconiques, portant en elles des propositions de solution pour une sortie de crise. « La formation politique OBUTS adjure le Chef de l’État de prendre en responsabilité, toutes mesures adéquates aux fins de décrispation du climat sociopolitique. La formation politique OBUTS demande en conséquence à la majorité parlementaire animée du seul souci de l’intérêt général, de concéder à l’opposition parlementaire l’exercice des prérogatives parlementaires qui lui sont ouvertes, conformément aux dispositions prévues par le Règlement Intérieur de l’Assemblée nationale, en accueillant favorablement l’incorporation au projet de loi originel, de tous les amendements adéquats à portée réaliste », écrivait Agbéyomé Kodjo dans un communiqué du 09 octobre 2017.
Toutefois, ceci n’a pas empêché, ce parti d’envoyer quelques mois plus tard, un représentant à la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) au nom des partis extraparlementaires alors que la Coalition de l’opposition continuait de réclamer une recomposition de l’institution.
En somme, en dix ans d’existence, le parti d’Agbéyomé Kodjo a multiplié des initiatives et a cherché à se faire une place sur l’échiquier politique sans pour autant y parvenir. Mais en changeant de nom et en revoyant ses objectifs, le natif de Tokpli compte réaliser son rêve, celui de gouverner le Togo en tant que Président de la République. En tout cas, c’est qu’il a déclaré au sortir de la convention des 19 et 20 Octobre dernier.
La reconversion ?
« Sous une dictature, les gens peuvent prendre des décisions ou faire des choses dont ils ne sont pas forcément les initiateurs », explique un analyste. C’est justement pour cela que très souvent les personnes ayant travaillé sous une dictature peuvent être pardonné. La seule condition est la sincérité. Sur le continent, les exemples sont légions.
Agbéyomé Kodjo peut rejoindre ce cercle en effectuant une reconversion. Ceci signifie être aux côtés du peuple, comprendre ses aspirations et mettre tout en œuvre pour sortir les Togolais des sentiers battus. Et peut-être, un jour les Togolais pourront « oublier» le massacre de Fréau Jardin dont Agbéyomé Kodjo est le coupable désigné jusqu’à ce jour malgré tous les démentis qu’il a ben argumentés. Seulement ce métabolisme ne sera point aisé pour l’ex dauphin d’Eyadema.
FRATERNITE
Source : www.icilome.com