La chefferie traditionnelle n’est pas encore sortie de l’auberge au Togo. Devenue un simple outil au service des hommes politiques, s’il existe un pan de l’organisation sociale qui a perdu de sa valeur et son originalité, c’est bien la chefferie traditionnelle. Au Burkina-Faso voisin, le Moro-Naba est et restera encore une autorité morale nationale, un symbole du caractère inaltérable d’une tradition indomptée par les politiques. Inutile de rappeler le rôle capital joué par le Moro-Naba lors de la dernière révolution. Au Ghana, la succession Ashanti est encore une force vivante qui incline, le cas échéant, un chef de l’Etat, quel qu’il soit. Malgré son ancrage dans la démocratie, le Dahomey n’a pas encore divorcé avec sa légendaire tradition royale. Où en est-on au Togo ? D’abords, de la lignée Nambiema Bonsafo de Mango au chef Kpelenga de Lama-Kara pour aboutir aux Agokoli dans le Sud en passant par les chef supérieurs Ouro-ESSO dans la région centrale, les chefferies centrales ont purement et simplement disparu. A quelques exceptions près, pour des motifs politiques, la gestion traditionnelle des affaires publiques, si elle existe, est émiettée entre les mains de petits valets, d’abord en mal de popularité parce qu’ils n’arrivent pas souvent à se démarquer des accointances politiques et ensuite sans charisme parce que leur mourante autorité est monnayée entre les mains de parrains. Des parrains, eux aussi politiques, à qui ils doivent leur ‘’trône’’ souvent usurpés.
Ils sont parfois désignés sur des motifs politiques et occupent leurs postes souvent au détriment de la tradition. Du coup, la plupart de ces messieurs ne valent plus que par leurs couronnes, si ce n’est leurs cannes. Mais devant certaines circonstances, ils savent se mettre debout pour défendre le reliquat des US et coutumes. Les chefs traditionnels démontrent présentement à Sokodé qu’on ne peut pas tout leur retirer, ils ont un honneur à conserver.
Au-delà de ce triste tableau, les soucis ethnico-communautaristes portent un coup à la tradition. Au Togo, la tradition ne fait pas seulement pitié mais elle fait peur puisqu’elle devient, au gré des problèmes, un danger public. Depuis longtemps, dans nos écrits, nous vous avions démontré comment la Région centrale est victime de ses terres, présentement elle meure de sa coutume.
La Plaine de MÔ d’abord
Contrairement aux habitudes, les populations de la plaine de Mô, principalement celles de la zone de Tindjassi, font parler d’elles. Le constat qui se dégage à la première analyse est que, très souvent, nos populations, dans leurs différences communautaires, ont souvent appris à vivre en harmonie et à se respecter réciproquement chacune dans ses limites. Mais quand leurs fils, bombardés du ronflant titre de ‘’cadre’’, souvent basés à la capitale, fourrent le nez dans leur quotidien, les sujets qui faisaient rire deviennent des soucis communautaires. La plaine de Mô, notamment Tidjassi ou Tindjasi selon qu’on soit du Togo ou du Ghana, est une tragi-comédie dont le metteur en scène est le commissaire Tchodiè du service matériel de l’OTR, Office Togolais des Recettes. Les populations sont venues du Ghana pour s’installer à Tindjassi. Ceci suite à une guerre fratricide entre les communautés Kpamkpama et Dagomba. Au gré des deux phases de la guerre, l’installation se fera en deux étapes. D’abord celle de 1968-1969 et ensuite celle de 1983.
Les réfugiés s’installaient progressivement vers le Togo car les Ghanéens occupaient le territoire en avançant, ce qui les obligeait à se déplacer au fur et à mesure de la conquête territoriale. Les Ghanéens visaient la montagne de Boulow, situé du côté ouest au niveau de Fazao. Mais, grâce à la vaillante armée togolaise sous Eyadema et aux combattants civiles levés ici et là, les conquérants se sont arrêtés à Tindjassi désormais divisés en deux zones, ‘’Tindjassi’’ côté togolais et ‘’Tindjasi’’ côté Ghanéen. Cette guerre est un passé encore récent. Elle a tellement mobilisé des sacrifices en milieux tem que, jusqu’ici, des chansons épiques circulent dans les danses traditionnelles en mémoire des braves citoyens tombés pendant cette mauvaise passe de l’histoire commune des Togolais. Mais avant cette guerre ethnique qui a permis au pays voisin d’empiéter sur le territoire togolais, tout Tindjassi était togolais. C’est pendant ces mouvements que les communautés togolaises, tem, kabyè, Losso et autres, venant du Ghana se sont installées sur le territoire Djarikpaga dont les tem sont les propriétaires.
Pour s’installer, ils sont venus naturellement solliciter la terre aux populations de Djarikpanga. Ces populations togolaises, déplacées par la guerre et en quête de nouveaux territoires étaient, dans leurs démarches, représentées auprès des autochtones par Adam Sibabi Akpo, résident à Kparatao présentement, au nom de la communauté tem et les doyens Kabissa, Mabafeyi, Kadjido, au nom de la communauté Kabyè. C’est une affaire des années 70-80. Ainsi, quand ils s’y rendaient, ils ont été accompagnés par des témoins encore en activité : le cas du jeune GNOZI-TCHAOU Salissou, présentement technicien des TP. Affligés, ils ont été accueillis et installés par les frères tem de Djarikpaga. Depuis, ces communautés Tem, Losso et Kabyè, vivent côte à côte et chacune connaît les limites de l’autre dans le respect du droit des autochtones.
Indépendamment des autochtones, chaque communauté avait son responsable communautaire. Les Tem ont toujours eu pour chef un fils de Djarikpaga qui représentait aussi bien les Tem installés que les autochtones de Djarikpaga. Tout récemment, à ce titre, Monsieur Daoud ADOLE est désigné chef. Daoud ADOLE est non seulement l’actuel chef de la communauté tem allogène mais il est aussi originaire de Djarikpaga et donc dépositaire des us et coutumes du milieu. Les chefs spirituels de la tradition Djarikpaga s’apprêtent à lui faire les cérémonies d’installation, comme ça se fait souvent. Mais les communautés voisines commençant à avoir une cohabitation difficile, la cérémonie prend du plomb dans l’aile, parce que des cadres le veulent ainsi. Tchodiè s’oppose à toute cérémonie de la part des autochtones. Il estime que chacun est autochtone là où il occupe, pas question d’un quelconque autochtone qui ferait des cérémonies au nom des différentes communautés allogènes. Il faut relever que si l’islam a pris du terrain en milieu tem, il reste encore qui sont attachés à la tradition ancestrale surtout quand il est question des problèmes fonciers et communautaires. Au nom du nouveau principe qui veut que chacun soit autochtone sur sa portion, il est arrivé un moment où, les différentes communautés qui se partagent cette plaine ont senti le besoin de faire des cérémonies aux mânes de la localité. Le fétiche qui reçoit cette offrande s’appelle‘’TCHAA DIDJORE’’, c’est-à-dire, ancêtre des rochers, en tem. Il est installé par le peuple Djarikpaga, propriétaires des terres et dépositaires de la coutume.
Les communautés se réunissent autour de ce fétiche et s’apprêtent à procéder au cérémonial. Le représentant de la communauté Losso de soulever quelques inquiétudes. Il a voulu qu’on lui rappel « le nom du fétiche qui va recevoir le sacrifice ». On lui fait savoir que c’est TCHAA DIDJORE. Il continue, « cette appellation que porte l’idole est dans quelle langue » ? On lui répond que « c’est en langue tem ». « Est-ce qu’il y a le représentant des Tem avec nous présentement » ? On lui répond« non ». « Comment comptons-nous faire des cérémonies à un fétiche en excluant ses propriétaires ?». Il s’est lever pour partir et la cérémonie est ainsi avortée. Ce n’est qu’un exemple des incongruités que les autochtones endurent sans comprendre le fond. Mais les masques vont vite tomber.
A l’occasion des vœux de fin d’année, ce 02 janvier 2017, à son domicile à Lomé, l’actuel commissaire général du service matériel recevant les communautés de la localité, plante le décor. Le commissaire est en effet le chef des ressortissants de la plaine de Mô à Lomé.
C’est à ce titre qu’il a reçu les ressortissants du Mô, toutes ethnies confondues. A la fin de la fête, il dit avoir « un discours qui ne va pas plaire mais, c’est ça la réalité ». Il dit alors être au courant du fait que suite à la nomination du chef Daoud ADOLE, les originaires de Djarikpaga s’apprêtent à faire le déplacement de Tindjassi pour l’intronisation de celui-ci. S’ils sont garçons, poursuit-il, qu’ils aillent. C’était des propos publics qu’il a tenu en réunion devant des témoins tels que Messieurs BAWINAYI, chargé de mission à la Présidence de la République, GNOZITCHAOU Salissou technicien des TP, BAYI, traducteur de profession, MAGNITIME A., ancien agent d’administration pénitentiaire et présentement professeur à l’université de Kara, ASSABO, diplomate de profession, pour se limiter à quelques-uns. Suite à ces propos, personne n’a eu le temps de lui répondre, il est en même temps intervenu des altercations entre lui et le Sieur GNOZITCHAOU. Il a fallu l’intervention d’une dame pour calmer la tension. Après cette réunion, une autre s’est tenue au CEG Agoe-Centre. Là aussi, n’eut été la présence du commandant SOUFOULOUM, l’atmosphère n’allait pas être gérable. Entre ces deux communautés sœurs, depuis que ceux qui se font passer pour des cadres ont commencé par défiler leurs demi-vestes, les litiges fonciers aux élans communautaire ont commencé par faire jour. C’est sur la base du foncier qu’ils se disent autochtone, si quelqu’un veut traiter du foncier, il va le croiser sur son passage. Depuis que ces velléités se sont affichées, la tension est perceptible, le légendaire tissus social dont la cohésion permettait l’exploitation des riches terres de la plaine pour nourri la région, brûle. On n’a pas besoins d’être un centenaire pour connaître l’histoire de cette région, les témoins sont encore en service et ils peuvent être interrogés. Le commissaire menace ceux qui détiennent la toute récente histoire de leur installation pour les réduire au silence.
La controverse de KPARIYO, dit Lama-Tessi ensuite
Aujourd’hui, si dans la zone de Tindjassi ce sont les soucis fonciers sur fond de non reconnaissance aux autochtones qui restent une préoccupation, c’est la représentation traditionnelle qui fait parler d’elle dans la zone sud de Tchaoudjo. A cheval entre abus de pouvoir, non-respect des textes de lois, de la tradition et soucis de masturber la tradition à des fins politico-communautaristes, il est difficile à certains hommes politiques de faire une frontière entre la politique et la tradition. Peu importe si la paix sociale doit prendre un coup. Le Ministre Boukpessi Bayadowa de l’administration territoriale est bien cité dans une ingérence biaisée par rapport à la succession dans le canton de Lama-Tessi originellement appelé Kpariyo. La tension est perceptible en territoire tem à Lama-Tessi. La tradition est classée au placard d’un côté, le bon sens au tiroir de l’autre côté, le ministre veut bien tordre le coup à l’histoire. Pour y parvenir, il a transmis un message clair au préfet de Tchaoudjo à l’endroit des chefs traditionnels.
Après la rencontre avec les chefs, l’un des chefs présents, notamment celui d’Agouloudè, faisait le compte rendu audio dont voici la transcription à un de ses leaders d’opinion : « Chef Sibabi bonjour. On vient de finir une rencontre avec le préfet, c’est grave. C’est pourquoi il faut vous en informer. Au niveau de la désignation du chef canton de Lama-Tessi le ministre vient de nous faire informer par le préfet que nous les chefs, nous devons sortir de cette affaire. Que c’est la population, elle-même, qui cherche son chef. Alors que, jamais jamais jamais de l’histoire du pays tem, ça ne s’est produit. Ils veulent faire la magouille sous prétexte qu’il faut être présentement résident dans le canton pour être candidat. Alors que de nous les 12 chefs réunis, il n’a qu’un seul qui a été désigné chef pendant qu’il était résident dans la localité. Il suffit normalement qu’il soit autochtone. Moi qui te parle je vivais à Sokodé quand je suis appelé à la chefferie d’Agouloudè, le chef de Kparataou vivait aussi à Sokodé, celui de Kadambara était à Lomé, celui de Kpassouwadè vivait à Anié, celui de Kpangalam à Dapaong où il vivait avec l’actuel chef de KOLINA, celui de Tchalou vivait à Kadambara, celui d’Aléhéridè est aussi venu d’ailleurs pour gérer présentement les affaires de sa communauté. C’est quoi on veut donc de nos populations? C’est ce que le ministre de l’administration territoriale prépare ici. On nous a fait croire que les cadres mêmes lui ont adressé une lettre acceptant que la chefferie soit remise aux frères kabyè. Nous ne voulons même pas savoir lequel des cadres a adressé une lettre. Nous n’avons même pas répondu, nous sommes sorties et nous tiendrons une réunion pour savoir la conduite à tenir ». Ce problème, les populations le voyaient venir, il a aussi ses racines même dans le découpage géopolitique en cours dans la région, le moment opportun nous en parlerons.
Le ministre a donc demandé au préfet d’informer les 12 chefs concernés par cette succession de se désengager de leur traditionnel rôle et de laisser les populations de Lama-Tessi se choisir un chef par consultation populaire alors que dans ce milieu le choix d’un chef est dévolu au conseil des chefs traditionnels. Interpellé par cette confusion, sur un blog intéressé aux questions juridiques, politiques et à l’actualité, le frère Shalom Abel, à la lumière des textes encore en vigueur dans notre pays, publiait une tribune dont nous vous citerons une partie.
A s’en tenir donc à nos dispositions, la chefferie traditionnelle est constitutionnellement reconnue telle que le véhicule l’article 143 de la constitution de la IVe République.
C’est alors que, au Togo « six (06) conditions cumulatives sont requises pour être désigné chef traditionnel : être de nationalité togolaise, être majeur, être de bonne moralité, jouir de ses droits civils et politiques, remplir les conditions d’aptitude exigées par la coutume puis savoir lire et écrire en langue officielle ». Une fois ces conditions remplies, la désignation et l’intronisation du Chef traditionnel obéissent aux us et coutumes de la localité. C’est ainsi que d’une localité à l’autre, la désignation des chefs se fait, ou par voie de succession héréditaire, ou par voie de consultation populaire. « La désignation du Chef traditionnel est dévolue au Conseil coutumier. En cas de désaccord, le conseil coutumier recourt, entre les candidats réunissant les conditions exigées par la coutume, à une séance de tirage au sort en présence d’un représentant de l’administration territoriale », dispositions de l’article 11 alinéa 2 de la loi N°2007-002 relative à la chefferie traditionnelle et au statut des chefs traditionnels au Togo.
Quant à la désignation par voie de consultation populaire, elle se fait par alignement des populations ayant atteint la majorité derrière le candidat de leur choix. Ainsi est-il choisi le candidat ayant obtenu le plus grand nombre de voix. La législation dispose qu’en cas d’égalité de voix, le candidat le plus âgé soit choisi. Disposition de l’article 12 alinéa 3 de la même loi. Qu’il soit désigné par voie de succession héréditaire ou par voie de consultation populaire, le Chef traditionnel doit être reconnu par l’autorité compétente. Cette reconnaissance se fait par gradation. C’est alors que, «
– Le chef de canton est reconnu par décret en conseil des ministres sur rapport du ministre chargé de l’administration territoriale.
-Le chef du village est reconnu par arrêté du ministre chargé de l’administration territoriale sur rapport du préfet.
-Le chef de quartier est reconnu par arrêté du maire.
Les incompatibilités liées au statut du chef traditionnel
L’article 9 alinéa 1 de la loi N°2007-002 précitée dispose que «les fonctions de chef traditionnel sont incompatibles avec tout emploi public». Par conséquent, un chef traditionnel ne peut être ni un fonctionnaire, ni un agent public. Toutefois, il peut être chargé d’une mission publique ponctuelle dont la durée n’excède pas un an (art 9 al 2 de la loi précitée).
Les fonctions de chef traditionnel sont également incompatibles avec tout mandat électif national (député, sénateur, président de la République) et tout mandat territorial (conseiller municipal, conseiller préfectoral, conseiller régional). En cas de mauvaise conduite ou manquement grave à ses obligations (voir, à cet effet, les articles 24 et 25 de la loi N° 2007-002 précitée), le chef traditionnel peut recevoir un avertissement de la part du préfet de son ressort territorial ou une suspension, laquelle est prononcée par le ministère chargé de l’administration, sur rapport du préfet. En aucun cas, la suspension ne peut excéder six (06) mois.
Les attributions des chefs traditionnels
Réduit à la portion congrue, le chef traditionnel dispose, néanmoins d’un domaine réservé (A) et d’une fonction consultative (B). A- Le domaine réservé des chefs traditionnels. Le chef traditionnel est le gardien des us et coutumes (art 143 de la constitution ; art 20 de la loi relative à la chefferie traditionnelle précitée).
À ce titre, il veille à l’harmonie et à la cohésion sociale. Il dispose, également, d’un pouvoir d’arbitrage et de conciliation des parties en matière coutumière. Le chef traditionnel est le représentant des populations de son ressort territorial dans leurs rapports avec l’État, les collectivités territoriales et les autres acteurs institutionnels ou sociaux, en matière des us et coutumes.
Une solidarité plus forte que les récupérations
Malgré ces dispositions, les gens veulent faire le forcing. Devant la tension née de cette situation, le ministre Agadazi était à Sokodé le dernier week-end. Il était question d’obliger le chef, dont nous vous avions transcrit l’audio, à démentir ses propos sous les caméras de la TVT, ce que le chef a refusé. Mais Agadazi continue son forcing. Il nous revient que parmi les chefs concernés par ce sujet, s’il est vrai que personne n’est saint, il est aussi vrai qu’il existe un d’entre eux dont nous gardons le nom, qui est particulièrement accablé par des problèmes. Avec un comportement qui laisse à désirer, il est tantôt contesté par ses propres populations, tantôt impuissant devant des problèmes de son ressort. Assis sur une pente glissante pour des motifs aussi communautaires que d’épineux problèmes fonciers, ceux qui veulent semer la graine de la haine communautaire à Tchaoudjo veulent se servir de lui pour faire le forcing à Lama-Tessi. C’est alors qu’on lui fait passer des messages du genre, soit, il accepte se faire complice du coup de force à Lama-Tessi, soit il s’aligne derrière la position des 11 autres chefs et il perd sa couronne déjà menacée par sa propre population. Les jours à venir nous édifierons. La seule certitude est que la solidarité dans ce dossier n’est pas seulement territoriale, elle est aussi ethnique et donc très forte. Nous ne le dirons jamais assez, d’une génération à l’autre, il a existé et il existera des kabyè qui ne se sentiront à l’aise qu’en territoire tem tout comme il existe et il existera encore des générations tem qui ne se sentiront à l’aise qu’en territoire kabyè. C’est alors qu’il sera, par exemple, un scandale de demander aux populations tem de Kétao de retourner au bercail. On se demande aussi si les populations tem de Djamdè seront rentrer au bercail le jour où les autochtones kabyè leur diront de quitter. Mais le grand paradoxe est que, contrairement à ce qu’on vit souvent en milieu tem et voire ailleurs, nous n’avons jamais eu connaissance d’une communauté tem, ewé ou Tchokossi, soient-elles nombreuses, influentes, ou anciennement installées qui disputent une chefferie traditionnelle aux frères kabyè en territoire kabyè. De grâce, notre pays a des priorités ailleurs.
Nous sommes liés par un sort commun aux mains d’un territoire en retard avec un décollage difficile, le pouvoir en place s‘y déploie difficilement. Sortir de la pauvreté, des conditions de vies précaires, de l’incertitude du lendemain, voici notre défi collectif. Du coup, toute dispute communautaire sur une portion de terre ou de pouvoir sera un débat déplacé. Si certaines autorités du haut de leur ethnocentrisme ne le comprennent pas, nous avons espoir que les populations, de quelque ethnie qu’elles soient, le comprendront. Certaines individualités s’agitent. Le cas de l’assistant médical Takemah Takinaky T. Tchao, ancien député, dans une lettre en date du 20 février 2017, dont nous faisons économie à nos lecteurs pour ne pas réveiller les vieux démons. Peut-être, sous informées, certains peuvent soutenir que la région Centrale est un ‘’nomansland’’ qu’ils ont occupé par la volonté du colon. L’occupation par la volonté du colon est une vérité historique. Mais s’il est vrai que le colon était venu trouver un ‘’nomansland’’ en région centrale, nous estimons que, avant cette installation coloniale, le très réputé roi Béhanzin du Dahomey avait nourri des velléités d’annexion de cette même région. Si ce territoire était une terre qui ne répondait de personne, le colon ne serait même pas venu le trouver. Avant cette occupation coloniale, certainement que Tchaoudjo et ses territoires annexes seront une partie du Dahomey. Ce n’est pas parce que l’on est venu trouver un territoire inexploité ou inhabité sur quelques kilomètres que ce territoire ne répond de personne. Dans aucun pays au monde, les populations n’ont rempli toute la superficie du territoire comme un œuf. Il existe toujours des espaces vides çà et là.
Le colon connaît bien les propriétaires de la région centrale et les cartes géographiques qu’il a léguées le témoignent, même si des gens ont tenté de réécrire l’histoire. Dans un précédent dossier, nous vous disions que dans ses ambitions territoriales, le Roi Béhanzin avait envoyé des éclaireurs pour évaluer la possibilité d’annexion des riches terres du centre du Togo. Ils y ont trouvé un puissant chef supérieur tem. Ce dernier n’avait pas seulement une organisation politique poussée, mais il était gardé par 400 cavaliers organisés et armés de sabres chacun avec son cheval de guerre. A l’époque en milieux tem, des individus influents avaient deux à trois chevaux chacun, l’un pour le champ, l’autre pour la guerre et le troisième pour les grands jours puis les sorties.
Le chef supérieur était au centre de petites chefferies organisées de BAFILO à SOKODE. Apeurés et découragés par cette organisation centrale, les éclaireurs retourneront rendre compte à Béhanzin du fait que cette terre convoitée était déjà occupée par un chef tellement puissant qui, de surcroît, a apprivoisé des animaux sauvages, les chevaux, pour des fins politiques. En bon stratège, Béhanzin s’est alors dit que, s’il existe un voisin trop puissant pour être envahi, il faut faire de lui un allié. Des cadeaux ont été envoyés en alliance au Chef Supérieur Tem. En contrepartie, au moins une femme est donnée en mariage aux Dahoméens. Toutefois, si les autres cadeaux ont été démolis par le temps, au moins un tabouret traditionnel en bois massif existe intacte présentement à Kparataou et les touristes le visitent contre un franc symbolique.
La roue de l’histoire tourne, hier et aujourd’hui peuvent ne pas se ressembler. Mais, un adage dit qu’ « un roi, même détrôné, garde sa démarche». Ce que nous avancions peut se vérifier de sources béninoises. Plus encore, l’histoire renseigne qu’avant l’arrivée du blanc, l’un des plus grands combats de conquête territoriale que Tchaoudjo a eu à livrer à été fait avec les vaillantes populations Agnanga. Et ce n’est pas un hasard s’il continue d’exister des frontières naturelles entres ces deux peuples. A un moment de leur histoire, des peuples africains sur tout le continent ont été faits esclaves et transportés vers les Amérique. Pieds et mains liées, ils étaient considérés par leurs maîtres comme une marchandise, mais il existe un grain de fierté qu’ils ont jalousement gardé. Ni la maladie et la mort, ni le soleil et la faim, moins encore le fouet et les yeux rouges des maîtres ne les ont fait perdre cette fierté. C’est dire que la force peut à tout moment humilier un peuple, mais celui-ci n’acceptera pas tout perdre.
L’irrévocable brassage ethnique
Souvent né des mariages et de l’assimilation communautaire, il est tellement fort au Togo que, normalement, certains problèmes devaient se résoudre d’eux-mêmes avec le nouveau contexte. Feu Eyadema n’était pas sot quand il encourageait ses frères d’ethnie à épouser les femmes des autres groupes ethniques et ses filles de se choisir des maris de l’autre côté quand les conditions sont possibles. Combien de cadres dans le dernier cercle de ce monsieur n’ont pas épousé de femmes des autres communautés? On en dénombre peu. Dans la Kara et le centrale du pays, existe-t-il une famille qui n’a pas un fils ou une fille marié à un tem ou époux d’une femme kabyè ?
N’existe-t-il pas des citoyens tem qui peuvent dire avec fierté « aujourd’hui grâce à cette femme kabyè j’ai une progéniture heureuse ou vice versa ? N’existe-il pas des Kabyè qui peuvent dire aujourd’hui, c’est grâce à tel ou tel ami ou famille tem que j’ai pu réussir ma scolarité à un moment de mon parcourt ? Les populations majoritairement analphabètes peuvent, sous l’effet de masse, se décider de certaines contorsions communautaires, elles peuvent tenter de créer de vilaines jurisprudences, on peut le leur concéder. Mais une autorité politique, censée être avisée, doit garder la tête au déçus de la mêlée pour faire de la diversité communautaire une différence positive. Quand les noms de certains hommes politiques attisent des grognes communautaires partout dans le pays, on peut valablement s’inquiéter. Monsieur Agadazi doit savoir que, si le trahi et les galons résolvaient t les problèmes à Tchaoudjo, lui-même ne serait même pas venu trouver un problème à résoudre. De Sokodé à Sotouboua en passant par Fazao, ce n’est pas la première fois que nous dénoncions les écarts de comportement du ministre Boukpessi. Il a un alliée de poids dans les nombreux conseillers à la présidence, ils ne sont pourtant pas les seuls cadres de ces milieux, leur cercle s’agrandit aux Tchodiè et compagnie. Ils soufflent le chaud, quand ça fume, ils viennent faire semblant de souffler le froid comme ils le font présentement par des ministres interposés à Sokodé. Espérons que l’autorité supérieure veillera à ce que ça n’aille pas loin. Bon à suivre.
ABI-ALFA (Le Rendez-vous N°301 du jeudi 30 mars 2017)
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