De la GESTAPO Nazie au SCRIC togolais, quelles curieuses ressemblances de méthodes!

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«Dans la nuit du 27 au 28 février 1933, un déficient mental de nationalité néerlandaise mit le feu au bâtiment du parlement allemand (le Reichstag). Hitler et son ministre de la propagande, Joseph Goebbels, présentèrent cet événement comme le prélude à un soulèvement armé communiste et parvinrent à persuader le vieux président, Paul von Hindenburg, de proclamer ce qui allait devenir un état d’urgence permanent. Ce “Décret de l’incendie du Reichstag” suspendit les dispositions de la constitution allemande protégeant les droits individuels fondamentaux, au nombre desquels la liberté de presse, la liberté d’expression et la liberté de réunion. Le décret permit également à l’Etat et la police de s’immiscer dans la vie privée des citoyens puisque la censure de la correspondance, les écoutes téléphoniques et les perquisitions à domicile sans mandat ou sans motif sérieux furent autorisées.

…les agents en civil de la Gestapo avaient recours à des méthodes impitoyables pour identifier et arrêter les opposants politiques et, en règle générale, les personnes qui refusaient de se conformer à la politique du régime nazi.»

Voilà ce que nous pouvons lire entre autres sur le site internet des archives de la ville de Dortmund en Allemagne sur les méthodes utilisées par la police secrète du régime nazi contre les opposants à la dictature de Hitler. Presqu’un siècle après, les méthodes utilisées semblent être les mêmes, point par point presque, pour anéantir toute velléité d’opposition dans notre pays le Togo, situé à plusieurs milliers de kilomètres des lieux du crime nazi. Nous n’avons pas besoin de retourner très loin dans le passé pour montrer que des faits de persécution d’opposants ou supposés tels sont malheureusement légion, et les méthodes utilisées pour les accuser, les embastiller ou les contraindre à l’exil, se ressemblent à s’y méprendre.

La Gestapo (Geheime Staatspolizei / Police secrète d’État), la police politique au service de l’Allemagne nazie et le SCRIC (Service Central de Recherches et d’Investigations Criminelles) sont deux services de deux régimes différents et situés à des époques différentes. Presqu’un siècle après la folie nazie c’est curieux que le régime togolais, au lieu d’entrer dans la modernité en adoptant la vraie démocratie et la voie du vrai développement, se replie sur lui-même, refusant toute idée d’alternance au pouvoir et en faisant voir de toutes les couleurs à ses opposants. De violations des droits de l’homme en violations des droits de l’homme, le régime Gnassingbé, faute de devoir rendre compte, a fini par acquérir une impunité qui est synonyme de porte ouverte à toutes les dérives. Sous la dictature de Gnassingbé Éyadéma, malgré le fait que les droits de l’homme et du citoyen fussent massivement violés, il y eut beaucoup plus d’espoir qu’avec un peu plus de pression des populations et de l’opposition les choses pouvaient s’améliorer sur le plan politique; la conférence nationale tenue en juillet et août 1991 pouvait être classée dans cette logique.

Mais depuis que Faure Gnassingbé a hérité du pouvoir de son géniteur comme dans un royaume, sa logique et celle de ses complices de l’intérieur comme de l’extérieur semble être la conservation du pouvoir à tout prix, pour toujours, et rien que pour eux seuls. Le peuple, le Togo, la République ne sont plus que des concepts théoriques n’existant que dans les discours officiels. Depuis l’embastillement de Kpatcha Gnassingbé et consorts par son demi-frère Faure pour supposée tentative de coup d’état en 2009 jusqu’à l’enlèvement de Djimon Oré, président du Front des Patriotes pour la Démocratie (FPD), devant femme et enfants le 29 avril 2021; les méthodes utilisées semblent se ressembler et sont très loin d’être celles qui ont cours dans les états où le droit est respecté. Et ce ne sont pas les partisans du leader du PNP (Parti National Panafricain), dont le Chef est obligé de prendre le chemin de l’exil pour ses idées politiques et dont les réunions hebdomadaires furent purement et simplement interdites, qui nous diraient le contraire à ce sujet. Plusieurs dizaines de citoyens togolais, arrêtés depuis plus d’un an, les uns dans une rocambolesque affaire sans tête ni queue, dite « Tigre-Révolution », les autres pour appartenance au PNP, comme si appartenir à un parti politique de son choix était un crime; croupissent sans aucun espoir d’être situés sur leur sort.

Si nous revenons au cas Djimon Oré, tout observateur objectif reconnaîtrait que le leader du FPD n’a fait qu’user de son droit à la liberté d’expression, et n’a fait que faire son travail d’opposant au régime en dénonçant ce qui, selon lui, ne va pas. Nulle part dans son intervention il n’a appelé, ni à la révolte, ni à la violence. Après avoir démontré comment sur le plan politico-social notre pays le Togo est en lambeaux et que l’indépendance que nous fêtons le 27 avril de chaque année serait un vain mot puisque nous ne sommes pas réellement indépendants, Monsieur Oré a terminé son intervention en proposant une porte de sortie qui serait pour lui l’ouverture d’une période de transition….«Donc nous ne sommes pas un pays indépendant, d’où l’obligation de la conquête de l’autodétermination, de la reconquête de l’indépendance, pour qu’un Togo nouveau naisse; et la voie idoine pour y parvenir, c’est l’ouverture de la période de transition et rien d’aute que ça pour sauver le Togo.» Comment et pourquoi une telle déclaration peut conduire quelqu’un, qu’il soit leader politique ou pas, derrière les barreaux pour 24 mois?

Depuis un temps la stratégie du régime togolais consiste désormais à réduire les espaces de liberté des citoyens. Le but est de faire clouer le bec à toute voix dissonante. Journalistes, responsables de partis politiques ou leaders d’opinion ne sont plus les bienvenus dans le goulag togolais. Il faut se taire et laisser les tenants de la dictature continuer à enfoncer notre pays dans les abîmes. Et c’est ce que beaucoup de nos valeureux concitoyens ne sont pas prêts à accepter.

  • Avant l’enlèvement de Djimon Oré, le chef-vodou Togbui Zeweto et 9 de ses disciples furent également arrêtés début mars 2021 et jetés en prison sans autre forme de procès, pour avoir, dit-on, brûlé la bible.
  • Le journaliste et directeur de publication du journal « Le Perroquet », Germain Ayivi est à son tour kidnappé et envoyé en prison. Officiellement il aurait eu maille à partir avec un pasteur; mais d’après nos recherches, le grand titre de sa parution N°475 du 1er avril n’aurait pas plu dans les arcanes du pouvoir de terreur. Manquant de preuves pour lui coller un délit de presse, ils se saisissent d’une histoire à dormir debout pour le faire taire.
  • Lundi, 17 mai 2021, c’est au tour du Président de la jeunesse du Mouvement Patriotique pour la Démocratie et le Développement (MPDD) et conseiller spécial d’Agbéyomé Kodjo d’être humilié devant femmes et enfants avant d’être embarqué par la Gestapo, oh pardon, par le SCRIC (Service Central de Recherches et D’investigations Criminelles). Après son départ forcé de chez lui, sa maison sera mise sens dessus-dessous, des documents et des téléphones portables emportés. Mais on est où là?!

La liste des malheureux citoyens privés de liberté et forcés de quitter leurs familles est malheureusement non exhaustive. Il y a des citoyens anonymes dont personne ne parle, et qui sont maltraités et emmenés, la plupart, pour des destinations inconnues. Notre pays est-il encore une république? Sommes-nous revenus dans un régime de parti unique où tout autre parti politique n’a plus droit de cité? La liberté d’expression et de presse est-elle réduite ou annulée par une loi? Qu’on nous le fasse savoir. Le régime incarné par Faure Gnassingbé a intérêt à mettre de l’eau dans son vin, à se rappeler que le Togo n’est pas un royaume, à libérer tous les prisonniers politiques, à faire revenir en tout sécurité tous ceux qui étaient obligés de s’exiler, et à organiser des assises nationales avec toutes les sensibilités politiques qui aboutiront à la formation d’un gouvernement de transition, comme l’ont déjà proposé beaucoup, et comme le propose aujourd’hui Djimon Oré. On ne dirige pas un pays en allant tout droit dans le mur.

Samari Tchadjobo
Allemagne

Source : 27Avril.com