Dans l’enfer de Mango 29 septembre 2017

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Dans l’enfer de Mango                                                                             29 septembre 2017
L’une des victimes de la répression que la délégation de la coalition a visité à l’hôpital américain de Mango

Par Marcelle Apévi, Mango, togo-online.co.uk
De Mango à Bafilo, des témoignages poignants et des choses ignobles encore lisibles et visibles, illustrent la gravité de la situation qui prévaut dans les deux localités surtout, suite aux dernières manifestations organisées par la coalition des 14 partis politiques de l’opposition notamment CAP 2015, PNP, GROUPE DES SIX, SANTE DU PEUPLE et CAR, pour réclamer le retour à la constitution du 14 octobre 1992 entre autre.

Parti de Lomé tôt dans la matinée du 27 septembre, la délégation de la coalition était arrivée à Mango après environ 9 heures de trajet périlleux dû à l’état de la route nationale numéro 1 qui n’est à des niveaux précis qu’un assemblage de nids de poule et de terre rouge.

Composée de Jean Pierre Fabre, chef de file de l’opposition, président national de l’ANC, membre de CAP 2015, Madame Brigitte Kafui Adjamagbo Johnson, secrétaire général de la CDPA, Présidente de CAP 2015, Maitre Mohamed Tchassona Traoré, président du parti MCD, membre du groupe des six, Docteur Kompatibe, conseiller du président national du parti ADDI, membre du groupe des six, Monsieur Traoré des FDR, membre du groupe des six, Docteur William Kuessan, président national du parti SANTE DU PEUPLE, Kondo Komlanvi, président de la jeunesse du CAR, son vice président et des proche collaborateurs des différents partis engagés dans cette unicité d’action politique, s’est rendue à l’hôpital de l’Espérance de Mango, cet hôpital américain qui a été très sollicité en matière de prise en charge médicale des blessés, et qui a constitué un site de refuge pour d’autres qui ont vu leur habitation détruite et incendiée, craignant donc pour leur vie.

La pression qui règne dans la localité met tout le monde sur ses gardes pour éviter de subir la méchanceté de ces militaires qui opèrent comme des rebelles, voyous et bandits sans foi ni loi.

Seuls quatre responsables politiques ont été autorisés à visiter les victimes. Là, on a dénombré 39 blessés dont 14 par balles, 7 cas graves, le décès de l’enfant de 9 ans, Yacoubou, 9 cas de morsure de serpent parmi les populations qui ont fui les exactions militaires pour se refugier dans la brousse. Sur place, amené sur fauteuil roulant, un monsieur de la quarantaine atteint par balles mais n’ayant rien perdu de sa détermination et son engagement malgré son état critique.

« Même si je meurs, je verrai le changement pour lequel je souffre », a-t-il indiqué à plusieurs reprises. Chose émouvante qui a suscité de vives émotions chez plusieurs personnes. Selon nos informations, non seulement celui-ci est blessé par balles, mais son habitation et son lieu de commerce ont été incendiés par les militaires dit-on.

Selon Alain, Directeur de l’hôpital, tous les blessés qui ont pu arriver à l’hôpital ont été soignés.
La délégation s’est ensuite rendue au domicile de la famille Yacoubou qui a perdu Abdoulaye de 9 ans par balles, alors qu’il jouait avec ses amis. Là, l’émotion est grande mais ne faiblit nullement la détermination des parents. Monsieur Yacoubou, père de Abdoulaye indique qu’il n’a eu la chance de voire que le corps sans vie de son enfant qui jouait derrière la maison avec ses amis. La balle qui a atteint le petit Yacoubou, a traversé les fesses d’un autre garçon un peu plus âgé que le défunt. Les plaies restent encore ouvertes et font craindre des contagions.

La délégation a aussi rendu visite aux familles des deux autres citoyens morts par noyade, alors qu’ils étaient poursuivis par les militaires. N’ayant d’autres issues, le fleuve Oti a été leur secours mais un secours fatal. Ils n’en ressortiront que sans vie.

Cette situation ne faiblit nullement la détermination des populations de Mango. « Nous ne voulons plus de UNIR », soutiennent-ils.

« Une minorité ne peut pas s’accaparer les militaires pour chasser les populations qu’ils sont censés protéger et défendre » nous lance un autre jeune. « Nous ne pouvons même plus dormir dans nos maisons. La brousse qui nous accueille aussi n’est pas sécurisant. Neuf d’entre nous sont mordus pas des serpents », affirme t-il avant de se fondre en pleurs. « Trop c’est trop » a lâché un jeune visiblement très remonté. Ce dernier indique ne pas comprendre l’agissement de ces hommes habillés qui en réalité avaient pour devoir de défendre le peuple contre des agressions extérieures.

Le 28 septembre, la délégation a pris la direction de Bafilo pour la même opération. Une foule immense était au rendez-vous. On pleure la mort du jeune AGRIGNA Rachad fauché par les balles assassines des militaires qui ont pris d’assaut la ville le 20 septembre, premier jour des dernières manifestations.

Le frère du défunt Rachad indique que les militaires ont criblé la victime de balles. Ce qui signifie qu’il ne s’agirait pas de balles perdues, mais d’un assassinat pur et simple de la victime. Des témoins indiquent que les militaires mitraillaient la foule, au moment où d’autres bastonnaient, violentaient et blessaient les populations qui ne marchaient que pour soutenir la lutte pour l’alternance et le changement qui ne fait que perdurer.

En dehors de Rachad qui vit aujourd’hui dans l’au-delà, un vieux se plaint de l’enlèvement de son fils AFFO Ramdane, âgé de 16 ans retrouvé plus tard à la prison civile de Kara, loin de son père, avec un état de santé défaillant, à qui malheureusement on refuserait des soins.

Tout comme AFFO Ramdane, ISSA Mohamed âgé de 19 ans est également emprisonné à Kara. Lui, il a été condamné dans le cadre des manifestations du 7 septembre 2017. Selon son père qui n’a pas souhaité joindre sa voix, les militaires lui demanderaient une caution de 700 000 francs cfa pour libérer le petit.

Une tournée dans les villages a permis de recueillir des témoignages de cinq autres victimes, dont un enfant de 16 ans et un autre gars à qui les militaires ont extorqué 10000 francs avant de le jeter sur la route, en pleine circulation, après l’avoir copieusement bastonné.

Mango vit l’enfer et la terreur. Si après le passage des membres de la coalition, la tension semble baissée, les arrestations se poursuivent.

Dans la journée du 29 septembre, des militaires ont encore opéré des arrestations dans certaines maisons. Les recoupements ont permis de se rendre compte de l’existence d’une équipe d’individus avides d’argent qui doigtent leurs frères supposés auteur des incendies des habitations de certaines personnes indiquées proches du pouvoir.

Selon nos informations, cette affaire d’incendies de maisons qui suscitent l’enfer que les militaires font vivre aux populations de Mango serait une histoire de règlement de compte entre des personnes qui se connaissent. Ce qui n’aurait rien à avoir avec les manifestations.

Un jeune rencontré à Mango explique que ceux dont les maisons ont été brûlées la dernière fois, avaient dans un passé récent, dans le cadre de l’affaire d’implantation de la Faune, eux aussi incendié des maisons d’autres personnes qui s’opposaient à l’implantation de la faune.

Poursuites, enlèvement, pillage, destructions de biens, bastonnade… c’est bien à cela que se résume la situation qui prévaut à Mango. Plusieurs dizaines ont pu franchir les frontières du Bénin et du Ghana où ils se refugient.

Togo-Online.co.uk