Le Togo a accueilli samedi 14 avril dernier, un sommet extraordinaire de la CEDEAO consacré à la crise politique en Guinée Bissau. Au total dix chefs d’Etat, deux Vice-Présidents et deux ministres étaient présents à Lomé.
Il s’agit des présidents Patrice Talon du Bénin, José Mario Vaz de la Guinée-Bissau, Roch Marc Kaboré du Burkina-Faso, Alpha Condé de la Guinée, Alassane Ouattara de la Côte d’Ivoire, Georges Weah du Libéria, Ibrahim Boubacar Kéita du Mali, Mahmadou Issoufou du Niger, Macky Sall du Sénégal en plus de Faure Gnassingbé du Togo ont pris part aux travaux. De même que le viceprésident du Nigéria, Dr Yémi Osibanjo, la vice-présidente de la Gambie, le ministre de l’intégration du Cap Vert et du ministre ghanéen de la sécurité, Albert Kan-Dapaah. La session a été présidée par le président togolais, Faure Gnassingbé, président en exercice de l’organisation.
Pour les dirigeants ouest-africains réunis à Lomé principalement au sujet de la crise en Guinée-Bissau, la mission de la CEDEAO restera dans ce pays jusqu’au 30 juin 2018. Elle aura la responsabilité de rapprocher les positions des protagonistes de la crise afin de parvenir à un consensus. La conférence des Chefs d’Etat encourage le PAIGC et PSR, le deux partis politiques majeurs du pays à poursuivre le dialogue de sortie de crise.
Par ailleurs, il a été recommandé la tenue des élections législatives le 18 novembre. Un Premier Ministre de consensus a été nommé et un décret présidentiel sera pris dans ce sens mardi 17 avril prochain. Le 19 avril, le Parlement sera aussi ouvert pour statuer sur la nomination des membres de la commission électorale et de la prorogation de la législature.
Mais dans le communiqué final lu par le ministre togolais des Affaires Etrangères, le président du Conseil des Ministres de la CEDEAO, Prof Robert Dussey, la crise togolaise n’est pas en reste. Les Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEDEAO ont d’une part «salué les efforts et les initiatives déployés en vue de la résolution des tensions politiques» en terre togolaise ces derniers mois.
Il est également indiqué dans le communiqué que la conférence des chefs d’Etat et de gouvernements de la CEDEAO a décidé de renouveler sa confiance aux Présidents Nana Akufo-Addo du Ghana et Alpha Condé de Guinée pour la poursuite de leurs efforts de facilitation au Togo.
« La Conférence des Chefs d’Etat les encourage à intensifier les efforts pour aider le gouvernement et les acteurs politiques dans la réalisation de réformes constitutionnelles dans le respect des délais légaux, des normes et des principes de la démocratie et de l’Etat de droit », indique la note.
De même, la CEDEAO demande aux deux chefs d’Etat « de proposer des recommandations pour une sortie de crise » lors du prochain sommet de l’organisation en juin 2018.
Au final, les Chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO présents à Lomé samedi ont invité toutes les parties prenantes dans la crise togolaise à s’abstenir de tout acte de violences afin de préserver la paix régionale.
Faure séquestre les leaders de l’opposition et se fait chantre de la paix en Guinée Bissau
Le Togo a connu une semaine particulière avec les violences policières et militaires qui ont fait au moins un mort à Sokodé. Au fond, c’est pour organiser un sommet extraordinaire consacré à la Guinée Bissau à Lomé.
A l’ouverture des travaux, Faure Gnassingbé a, tout d’abord, salué les « évolutions heureuses » enregistrées par la CEDEAO au cours du premier trimestre de cette année. Le Chef de l’Etat togolais fait ainsi allusion aux alternances intervenues au Libéria avec « la brillante élection de Georges Weah », en Sierra Léone avec l’élection de Julius Maada Bio permettant ainsi à ce pays de franchir « une étape importante dans la consolidation de la démocratie».
Pour M. Gnassingbé, la CEDEAO restera reconnaissante « au Président sortant Ernest Bai Koroma » pour sa précieuse contribution aux idéaux de l’institution.
Abordant la situation qui prévaut en Guinée-Bissau, le président en exercice de la CEDEAO a salué l’engagement collectif de l’organisation et spécialement le leadership du Président guinée, Alpha Condé dans ses offices de médiation pour l’application de l’accord de Conakry.
Faure Gnassingbé estime qu’il importe que le fil du dialogue soit maintenu en Guinée Bissau et avec la Guinée-Bissau.
« Eu égard au statu quo observé depuis le mois de janvier, et avec la perspective des élections attendues en 2018 et 2019, nous devons reconnaître que cet effort doit être poursuivi », a-t-il, déclaré.
Le Chef de l’Etat togolais a également appelé à la culture de la paix qui n’a que des avantages. Pour lui, seule la paix permet aux hommes de grandir et de prospérer, et aux communautés de s’établir durablement et de rayonner.
« Notre ambition est de réussir le pari de la paix au sein de la CEDEAO car le développement est à ce prix. Nous voulons également faire de la stabilité de nos États une réalité car la croissance et la prospérité en sont tributaires », affirme Faure Gnassingbé qui ajoute qu’il aspire garantir aux populations la sécurité à laquelle elles aspirent pour leur épanouissement économique et social.
Le président en exercice de la CEDEAO annonce l’engagement de l’institution à rester solidaire de la Guinée-Bissau, de son peuple et de ses institutions.
« Je suis persuadé de leur capacité à choisir la voie de la paix et de la concorde nationale dans l’intérêt de tous. J’ai bon espoir que toutes les pistes de dialogue continueront d’être explorées et que bientôt notre communauté pourra se réjouir du retour de la sérénité et de la cohésion en Guinée-Bissau. », a insisté Faure Gnassingbé.
Au moment où le Président du Togo faisait ce discours lénifiant, toute la capitale togolaise était ébullition. Les forces de défense et de sécurité togolaises (Policiers, gendarmes et militaires) ont empêché samedi la manifestation de la Coalition des 14 partis politiques de l’opposition togolaise. Dans les quartiers Bè- Kpota, Baguida, Atikoumé, Totsi, Agoè et Adidogome, toute tentative de rassemblement a été systématiquement dispersée.
Des jeunes de l’opposition ont tenté de résister en brûlant des pneus et en bloquant la voie notamment à Bè- Kpota et Totsi.
Alors que ce face-à- face continuait dans la ville, les leaders de la Coalition annoncent avoir été séquestrés par un détachement militaire au Siège de la CDPA à Hanoukopé, qui sert également de siège de la coordination dudit regroupement de l’opposition.
Les militaires ont bloqué toutes les voies menant à cet endroit qui sert de Quartier Général pour les réunions de la coalition. Ceci alors que tous les responsables des 14 partis composant le regroupement y tenaient une réunion sur la conduite à tenir suite à l’interdiction des manifestations de rue.
« Tous les leaders de la Coalition sont encerclés au siège de la CDPA. Les forces de l’ordre lancent des gaz lacrymogènes partout autour du siège de la CDPA. La voiture du Chef de file de l’opposition est encore poursuivie depuis ce lieu et la course-poursuite continue dans les rues, alors que le Chef de file est dans les locaux avec ses collègues », a alerté M. Eric Dupuy.
Des jeunes militants de l’opposition ont dressé des barricades dans le quartier. Les forces de l’ordre et les militaires répondent avec des gaz lacrymogènes. La circulation est perturbée sur le Boulevard circulaire. Il a fallu plus de mobilisation des jeunes pour aider les leaders à quitter les lieux.
Par ailleurs, Eric Dupuy, Secrétaire à la Communication de l’ANC a déclaré le décès d’un militant de l’opposition à Sokodé (337 km au nord de Lomé). Abdouraim Adam, un jeune qui a arrêté et bastonné mercredi dernier par les militaires dans la ville de Sokodé n’a pas survécu. Le jeune qui est le secrétaire d’une sous-section Tchaoudjo de l’ANC a succombé à ses blessures samedi.
Quelle crédibilité peut-on accorder au Président de Union pour la République (UNIR) lorsque ses propos sont aux antipodes de ses actes ? Saluer les alternances au Libéria et en Sierra Leone pendant qu’il entend mourir au pouvoir au Togo. Blablater la paix et la cohésion pendant que les militaires, gendarmes et policiers tuent impunément leurs propres concitoyens. Faure Gnassingbé qui est en même temps ministre de la Défense, encourage ces exactions d’une autre époque.
Les dessous du sommet de Lomé
Pour certains, le fait pour les chefs d’Etat de la CEDEAO d’accepter tenir ce sommet à Lomé en pleine crise peut porter un coup à l’image de l’institution zonale. « De quelle crise parle-t-on en Guinée Bissau ? Aujourd’hui, le seul pays en crise politique véritable au sein de la CEDEAO, c’est bien le Togo », a glissé un observateur.
Pour d’autres, c’est un moyen d’accompagner Faure Gnassingbé à la sortie de la présidence de la CEDEAO. Depuis qu’il a été porté à la tête de la Communauté régionale, son pays n’a pu accueillir de session en raison de la crise politique.
N’importe comment, c’est totalement ridicule de séquestrer les leaders de l’opposition juste pour faire semblant qu’il n’y a pas de crise dans son pays. On ne cache pas le soleil avec la main mais visiblement, Faure Gnassingbé continue de démontrer à la face du monde qu’il ne mérite aucunement de diriger le Togo.
Kokou AGBEMEBIO
Source : www.icilome.com