Crise politique : La chute inévitable du prince ou le naufragé insauvable

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« Entre nos ennemis, les plus à craindre sont souvent les plus petits. Aux grands périls, tel a pu se soustraire, qui périt pour la moindre affaire ». Cette paraphrase de quelques vers tirés de la Fable de Jean de La Fontaine  »Le Lion et le Moucheron » illustre bien la situation que traverse le prince héritier du pouvoir cinquantenaire de Lomé.

Dans son obsession aveuglée et sa conviction sans faille de conserver encore le pouvoir aussi longtemps que possible, l’homme du 05 février togolais ne s’est jamais fait la petite idée de croiser un petit obstacle sur son chemin en face duquel ses adjuvants irréductibles ne voient que du vent.

Le sommeil des adeptes du pouvoir à vie commencera par être troublé véritablement le 19 août 2017. Tout comme le lion qui, comprenant mal comment un moucheron pourrait lui déclarer la guerre, la forteresse du vieux royaume dynastique togolais, à la veille des hostilités, martèle: «PNP, c’est qui?». Il ne restait qu’à ajouter explicitement : «Va-t-en, chétif parti, excrément du système cinquantenaire RPT-UNIR ! ». Le parti au pouvoir comptant sur ses muscles et sa machine répressive habituelle n’a pas hésité à venir avec de gros sabots pour tenter d’étouffer le poussin dans l’œuf de la manière la plus gauche. Le PNP fera écumer son adversaire qu’il fait exposer aux yeux de la planète comme le pouvoir le plus barbare de la sous-région. Le PNP fait appel à ses frères aînés de l’opposition qui, non seulement lui apportent leur soutien, mais aussi composent désormais ensemble avec lui dans le combat pour la libération du peuple.

Les manifestations de rue dans une unicité d’action de l’opposition composée de 14 partis troublent la quiétude de l’entourage du prince. Toutes les caméras du monde entier sont braquées sur le Togo, un pays dont le président est contesté sur toute l’étendue du territoire et à l’extérieur. Les tentatives de contre-manifestations pour soutenir le président contesté n’ont duré que le temps d’un feu de paille.

Présentement, après l’échec des marches de soutien au président en difficulté, on continue de se faire payer des ovations flatteuses à toute occasion pour donner de l’illusion au prince et lui remonter le moral. On se plaît par ailleurs à payer à coût de millions de nos francs les pages des journaux internationaux pour livrer une guerre de communication sans succès. Même dans les couloirs des présidences des pays de la sous-région, l’argent continue de circuler pour s’assurer un soutien d’un pouvoir à vie.

Que c’est idiot de vouloir s’opposer par des incantations au lever du soleil au petit matin, c’est-à-dire, à la fin d’une nuit aussi longue soit-elle. Comme l’a su bien dire l’autre, seul ce qui n’a pas de début ne connaîtra pas une fin. Les signes du temps ne trompent pas. L’heure a vraiment sonné quoiqu’on cherche à nous prouver le contraire. Mais pour combien de temps encore?

Comment un si petit parti sorti de nulle part peut-il venir bouleverser l’ordre des choses dans un règne aussi rassuré ? Se demande-t-on. Ne trouvant plus de solutions, le système RPT-UNIR ressort ses vieilles méthodes; la violence sous toutes ses formes: la sortie des milices assistées d’hommes en treillis et armées de machettes, d’armes à feu, de gourdins cloutés et autres, causant de nombreux blessés, des morts, des réfugiés et des dégâts matériels. Le tollé général fut assourdissant. Le pouvoir de Lomé, par sa force brute rééditée, fait la nique au temps et choque le monde entier. La communauté internationale pointe du doigt le régime de Faure Gnassingbé et le considère comme étant un régime de répression barbare d’un autre siècle où la coupure de la connexion Internet, les massacres des populations et les arrestations arbitraires restent les seules réponses à un peuple qui manifestent les mains nues.

Que reste-t-il à espérer au sein du système RPT-UNIR ?

« Ce qui arrive au Togo présentement est comme un vent, ça va bientôt passer», telle est la petite phrase qui sort du bout des lèvres des tenants du pouvoir au Togo, oubliant qu’un vent qui passe peut aussi nous emporter sur son passage. Des ministres jusqu’au sommet de l’État, c’est le seul espoir qui fait vivre: ça va bientôt passer. Pour ces derniers, l’opposition unie ne tardera pas à se mordre le nez avant d’exploser. Les jours passent, mais la mobilisation ne faiblit pas. L’entourage de la forteresse dynastique continue de se réfugier dans une consolation artificielle rêveuse comme s’il oubliait la loi de la nature et l’histoire des peuples opprimés qui ont toujours eu raison de leurs bourreaux.

Les réalités sont aujourd’hui bien différentes de celles vécues par le passé et les conservateurs du pouvoir refusent de s’en rendre compte. Ni les manifestations de 2005, ni celles de 2010 ne ressemblent en rien à ce qui se passe présentement au Togo. Les Togolais sont désormais engagés sur une voie de non retour vers leur libération du joug d’un long règne qui a montré ses limites.

Plus rien ne sera comme avant

D’abord, en 2005, Faure venait pour sauver l’entourage de son père et la famille  »royale » après le décès inattendu du général Eyadema. En dehors du fait qu’il soit le fils du président décédé, signe d’une routine insupportable, personne ne connaissait les autres défauts et limites du prince. Par contre, Faure a aujourd’hui montré toutes ses limites. Il a fait toutes ses preuves. Pire, il devient le symbole d’un règne trop long, répugnant et dégoûtant, ce qui n’était pas le cas en 2005.

Ensuite, en 2005, le discours tribaliste «Nord contre Sud» utilisé par les manipulateurs du système RPT trouvait encore des partisans. En 2017, ce discours devient caduc à cause de l’émergence du PNP, un grand parti de l’opposition dont le fief se trouve bien implanté au nord du pays.

Enfin, la contestation du pouvoir de Faure aujourd’hui couvre non seulement la capitale, mais toute l’étendue du territoire jusqu’à la diaspora. La contagion de la contestation s’est répandue sur tout le territoire même si on tente encore de l’étouffer par endroit. Ce n’est plus une contestation en faveur d’un leader de l’opposition, mais c’est un peuple déchaîné qui aspire à un renouvellement de personne à la tête de la République. Et une telle situation à la veille des échéances électorales ne joue pas en faveur du pouvoir en place qui reste une étrange curiosité dans la sous-région. Tout ceci ajouté au rôle des réseaux sociaux et de l’Internet joue également contre Faure Gnassingbé qui doit pouvoir anticiper intelligemment sur les événements au risque de tout regretter plus tard.

C’est ici qu’il faut bien comprendre le discours d’Emmanuel Macron qui, dans son message à l’endroit du Togo, il y a quelques semaines, a évoqué la question du long règne et des élections transparentes dans la liberté des peuples à choisir leurs dirigeants. Et dans le cas du Togo, il est évident que ni la question du long règne, ni celle des élections transparentes n’est à l’avantage de Faure Gnassingbé. C’est ici qu’il faut alors comprendre ce qui fait courir Faure Gnassingbé dans tous les sens depuis ces derniers temps.

Au demeurant, le régime de Faure qui s’apparente au grand lion, se croyant tout puissant, se voit se dépouiller irrésistiblement de ses forces par un adversaire qu’il a banalisé et minimisé.

Aujourd’hui, c’est le système cinquantenaire qui semble battre l’air dans sa fureur extrême. Nous dirons qu’il est sur les dents, car abattu par la fatigue et le poids de son âge semi-séculaire.

Le peuple dans sa soif du changement demeure impatient, mais une chose est sûre et certaine: nul ne connaît ni l’heure ni le jour du grand événement tant attendu, mais ce nouveau jour se lèvera maintenant ou un peu plus tard pour ne pas dire «Tout empire périra à tout moment».
Décidément, le naufragé reste insauvable. Tout vient à temps à qui sait attendre.

Joachin S./Freelance

Source : www.icilome.com