Crise au Togo: ce qui fait plus peur à Fabre et Atchadam

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Depuis le 06 novembre dernier, une offre de dialogue est sur la table. Elle émane du gouvernement qui a annoncé dans un communiqué, avoir décidé de prendre des dispositions nécessaires pour son ouverture avec l’ensemble de la classe politique. Elle intervient presque trois mois, jour pour jour, après le déclenchement de la crise et est accompagnée de plusieurs signaux d’apaisement.

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Soutenue par la communauté internationale, cette offre ne semble pas avoir suscité un enthousiasme débordant auprès de l’opposition qui, même si elle ne parle pas à l’exact unisson sur le sujet, semble souffler le chaud et le froid. Les raisons de cette hésitation sont multiples. Décryptage !

 

Officiellement, l’opposition évoque la crise de confiance entre elle et le pouvoir pour expliquer sa réserve relativement à l’offre de dialogue. « Ils n’ont jamais respecté aucun accord, pas plus qu’ils ne respecteront des décisions pouvant sortir d’un éventuel dialogue de plus » tranche le chargé à la Communication de l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC), Eric DUPUY. C’est une méfiance légitime si l’on dresse la liste des discussions entre la classe politique qui n’ont pas pour autant permis de résorber définitivement les points de crispation et de tensions du débat public dans notre pays.

 

Mais à l’heure de l’inventaire, il y a lieu de relever les occasions manquées et les surenchères dont fait montre à certaines échéances décisives l’opposition, pour ne pas considérer qu’elle a en partage avec le pouvoir, la responsabilité de la crise de confiance et donc de la situation actuelle du statu quo. Mais ce que redoutent les leaders de l’opposition face à cette offre, c’est la réaction de la rue. Il y a encore quatre (4) mois, elle était appelée à porter la revendication des réformes, sur la limitation du mandat présidentiel et le mode de scrutin à deux tours, exigences emblématiques et séculaires des opposants, depuis les modifications intervenues en 2002.

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Depuis, emportés et sans doute enivrés par les succès des manifestations récurrentes déclenchées par l’essai réussi de Tikpi ATCHADAM le 19 août, ceux-ci sont passés à des mots d’ordre plus maximalistes, incontestablement populaires mais politiquement très discutables : le retour à la Constitution de 1992 et surtout, la démission du président de la République.

 

Douze semaines, plusieurs morts et blessés, d’importants dégâts matériels causés aussi bien à des édifices publics que privés après ce revirement revendicatif à maxima, aucun résultat probant n’est à mettre au crédit du mouvement. Dans ces conditions, difficile de vendre à la rue et aux réseaux sociaux un nouveau virage, consistant à accepter un dialogue qui serait alors considéré comme une trahison. « Ils se sont enfermés eux –mêmes dans un piège » commente un diplomate qui « n’aimerait pas être à leur place » et leur « souhaite bien de chances pour trouver la clé ».

 

En effet, en prétendant de façon démagogique que c’est la rue qui dicte désormais leurs positions, les leaders se sont réduits les marges de manœuvre et toutes les solutions se présentant devant eux aujourd’hui sont mauvaises : le jusqu’au-boutisme pour ne pas se dédire avec des résultats aléatoires et le risque d’essoufflement de la mobilisation ; le renoncement avec la saisie de la main tendue, et la probabilité de se faire lyncher, au propre comme au figuré par tous ceux à qui a été vendue l’ imminence de l’ « assaut final » et du « grand soir ».

 

L’âge des capitaines

Un autre paramètre qui complique la situation au sein de l’opposition et explique en partie la radicalisation actuelle et l’hésitation à répondre favorablement à l’offre de dialogue, tient à l’âge d’une bonne partie des têtes de proue du mouvement actuel, du groupe des 14. Pour la plupart, elles étaient déjà au-devant de la scène au début des années 90, aux premières heures des contestations contre le régime, et tout au long du processus démocratique et ses soubresauts. Aujourd’hui, à leur âge, ces mouvements constituent pour eux une sorte de dernier baroud d’honneur, l’ultime bataille avant que la nature ne les épuise ou ne les lâche.

 

C’est aussi pour eux, le combat de la dernière chance, pour espérer conquérir le pouvoir et l’exercer, avec tous ses avantages et privilèges, ce qui serait tout de même, à leur sens, une belle consécration après plus d’un quart de siècle d’engagements et de luttes ; eux qui pour la très grande majorité, n’ont jamais connu les ors de la République. C’est le cas de Aimé Tchabouré GOGUE 70 ans, de Jean-Pierre FABRE 65 ans, de Brigitte ADJAMAGBO-JOHNSON 59 ans, de Me Yawovi AGBOYIBO 74 ans, de Patric LAWSON ou même de Paul APEVON.

 

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Les seuls qui ont le temps de voir venir, de prendre date et de s’inscrire dans la durée, y compris en discutant autour de l’idée d’une nouvelle république sont les plus jeunes : Tikpi ATCHADAM, Nathaniel OLYMPIO ou encore Fulbert ATTISSO, dont on peut relever les nuances par rapport à la position des « papys » sur l’offre de dialogue. Mais leur relative jeunesse, ne leur prête pas la témérité nécessaire pour s’imposer à leurs aînés finissant, encore mois à la rue.

 

L’argent de la diaspora

Depuis le début de la crise et en son cœur, se trouve la diaspora. Très engagée, elle alimente les mouvements actuels en investissant et en inondant les réseaux sociaux d’informations, de sons et de vidéos dont la fiabilité pose souvent problème et plus grave, menace la paix civile et la cohésion sociale. « Dans une lutte comme celle-ci, tous les coups sont permis » justifie un ancien journaliste, aujourd’hui établi en Belgique.

Mais ces Togolais établis à l’étranger ne se contentent de participer à ce qu’ils considèrent comme l’ »harmattan togolais », en référence au « printemps arabe » ou encore le « scénario burkinabé » qu’ils appellent de leur vœu. Ils financent les mouvements. Presque chaque semaine, de sources bien informées, plusieurs millions FCFA en provenance surtout de l’Europe et des Etats-Unis, arrivent dans les mains de l’opposition, via des Western Union, des Money Gram, des enveloppes convoyées par des volontaires sur des vols à l’arrivée de Lomé ou par la route, à partir de frontières terrestres. Ce trésor de guerre grossit avec la persistance des manifestations.

 

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De ce point de vue d’ailleurs et parce qu’elle a toujours eu du mal à financer ses activités en dépit de la loi sur le financement des partis politiques, l’opposition n’a pas grand intérêt à mettre fin de tôt aux manifestations. De fait, elle risque de perdre son bras financier si elle acceptait l’offre de dialogue ; les animateurs et autres activistes de cette diaspora, généralement radicalisés et coupés des réalités et du réel rapport de force sur le terrain, ayant rejeté par avance le dialogue, y compris en promettant l’échafaud à ceux qui choisiraient cette voie.

 

Les élections législatives et locales

Elles sont prévues l’année prochaine et le gouvernement s’y attelle malgré la crise. Et paradoxalement, tout en tenant sur la place publique les discours les plus surréalistes, les leaders de l’opposition songent aussi sérieusement aux élections législatives et locales et s’y préparent. Ils se surveillent et ne veulent en aucun cas se laisser déborder par des alliances actuelles dont tout le monde sait qu’elles sont circonstancielles et voleront en éclats dès l’ouverture des scrutins.

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Pour l’heure, ils se tiennent et tous ont besoin de « prouver » aux yeux de leur opinion leur « radicalisme » face au pouvoir en place, pour engranger à peu de frais, de la popularité en vue des élections à venir. Cette course au radicalisme en prévision des prochaines échéances explique aussi les hésitations de plusieurs leaders à accepter la main tendue par le gouvernement, pour ne pas paraître « faible » ou « modéré », presque une insulte et un obstacle rédhibitoire à des succès électoraux.

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