Crise à NSIA Togo: le DG Constant DJEKET encore au coeur de la polémique

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Ils ont persisté et signé. Depuis mercredi 29 mai dernier, neuf employés dont des cadres de la compagnie d’assurance NSIA sont venus grossir le lot des chômeurs au Togo, licenciés purement et simplement par la direction nationale de la compagnie. Mais abusivement. Commencé depuis le 22 octobre 2018, le feuilleton dont les acteurs principaux sont le Directeur général Constant Djeket et son Adjointe Chantal Bosso a connu son épilogue le 29 mai dernier avec le licenciement pour « motif économique résultant d’une suppression de poste » d’employés. Après les stagiaires et les employés sous contrat à durée déterminée, c’est au tour des agents permanents. Mais le syndicat des banques ne l’entend pas de cette oreille et enjoint les autorités à mettre fin à la présence sur le territoire national de ce couple qui n’a que faire des lois qui régissent le Code du travail au Togo. Dans un délai de deux semaines.

Depuis le 29 mai 2019, ils sont neuf employés dont des cadres dont la présence n’est plus souhaitée dans les locaux de la compagnie d’assurance NSIA-Togo. Par une note dont seuls les noms diffèrent, Constant Djeket a mis fin à leurs fonctions. Pour « motif économique résultant d’une suppression de poste ». Seulement, les correspondances sur lesquelles nous avons mis la main révèlent que c’est envers et contre tous que ce duo a franchi le Rubicon. Comme pour défier la réglementation du Code du travail et tester la réaction des autorités togolaises. D’abord la lettre de licenciement.

« Depuis 2015, la société NSIA Assurances Togo SA a connu des pertes consécutives qui ont englouti complètement ses fonds propres. Ces pertes importantes ont eu pour conséquence d’envisager une recapitalisation de la société au risque de la voir cesser son exploitation. Ainsi, pour endiguer cette difficulté, cette recapitalisation doit s’accompagner, entre autres mesures indispensables, d’un plan de licenciement pour motif économique devant permettre à terme, un redimensionnement de la société. Il est donc apparu nécessaire de supprimer certains postes dont celui de [Ndlr, omis] que vous occupez à ce jour. En conséquence, nous sommes au regret de vous informer, par la présente, de votre licenciement pour motif économique. La présente lettre en constitue la confirmation après toutes les discussions et échanges que nous avons eus avec le personnel, les représentants du personnel, l’Inspection du travail et des lois sociales et aussi le Syndicat des Employés et Cadres des Banques, des Etablissements Financiers et Assurances du Togo. En guise de droits et de mesures d’accompagnement, la société s’engage à vous payer le montant fixé à l’annexe ci-joint, en guise de solde de tout compte. Nous vous invitons à vous rapprocher de la Direction Administrative, des Ressources Humaines et de la Qualité de la société pour les formalités, la procédure d’encaissement de vos droits, la signature du solde de tout compte. Nous vous prions par la même occasion de restituer à la société tout bien (badge, ordinateur, téléphone, etc.) qui aurait été mis à votre disposition pour les besoins de votre service. Nous vous rappelons que vous demeurez tenu à une obligation de confidentialité qui se poursuit au-delà de la rupture de votre contrat de travail. A toutes fins utiles, nous voudrions vous rappeler que, conformément aux articles 21 alinéa 6 de la Convention collective interprofessionnelle du Togo et 33 alinéa 5 de la Convention collective sectorielle, vous disposez d’un droit de priorité de réengagement à qualification professionnelle similaire pendant un délai de deux ans.Tout en vous souhaitant beaucoupde courage et de succès dans vos nouveaux défis, veuillez recevoir nos meilleures salutations ».

Tout lecteur de cette lettre croirait que sur toute la ligne, la direction de NSIA-Togo avait convaincu par ses arguments. Ce qui n’est pas vrai.Saisi du dossier, le syndicat des banques, le SYNBANK avait réagi le 23 janvier 2019 pour donner son avis sur le plan de licenciement initié par le duo Djeket-Bosso. Et sur la base de preuves, la Secrétaire générale de ce syndicat a signé un courrier dans lequel elle s’opposait à cette mesure, parce que les comptes financiers disaient le contraire des arguments brandis par le DG de NSIA. En voici la teneur.

 

« Monsieur le Directeur général, Nous avons l’honneur de faire suite à notre rencontre du 28 décembre 2018 au cours de laquelle vous aviez autorisé les délégués du personnel de votre institution de mettre à notre disposition les documents internes relatifs au licenciement économique. Après notre rencontre avec les délégués du personnel et à l’analyse de votre argumentation, les motifs utilisés pour soutenir votredécision ne nous paraissent pas justifiés pour les raisons suivantes : – La loi du travail Togo autorise le licenciement économique dans les cas suivants : difficultés économiques ou changement technologique ; – les difficultés économiques sont caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation ; – ce qui n’est pas le cas pour votre Institution car on note une augmentation du chiffre d’affaires de 3.1% à 3.2% entre 2016 et 2017 ; – une dégradation du compte d’exploitation par des charges extérieures et des charges indirectes volontairement entretenues par les Dirigeants à l’analyse des états financiers de votre institution ; – aucune mention n’a été faite sur étude comparative du secteur des Assurances et mentionne le poids du chiffre d’affaires de NSlA-ASSURANCES par rapport au marché des assurances au Togo. Ce qui peut nous convaincre sur les supposées difficultés économiques que traverse votre institution ; – aucune donnée officielle n’a été ressortie sur la santé financière des compagnies d’assurances dans votre correspondance ; – la nouvelle règlementation qui impose aux compagnies d’assurances de disposer d’un capital social de 3 milliards de francs d’ici 2020 n’est pas spécifique à votre institution ; – nous notons que plusieurs compagnies d’assurances au Togo restent bénéficiaires sur plusieurs années ; Enfin, l’article 73 du Code du Travail que vous évoquez, parle de licenciement inévitable. Or, dans le cas d’espèce de l’entreprise NSIA ASSURANCES, les conclusions des analyses que nous avons pu mener, permettent de dire que ce licenciement est évitable. Eu égard à ces analyses, nous pouvons affirmer qu’il s’agit bien d’un problème de gouvernance et non de difficultés économiques, et ce licenciement économique n’est pas acceptable par le Syndicat et comme le recommande la loi. Nous demanderons à la Direction générale du Travail et des Lois sociales de commettre une expertise indépendante pour ressortir les non valeurs que vous connaissez déjà et qui ont entrainé les déficits répétés pour votre institution. Espérant que notre requête trouvera un écho favorable, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Directeur Général, l’assurance de notre considération distinguée ». En clair, pour le SYNBANK, NSIA-Togo est victime d’une mauvaise gouvernance. Rien dautre.

Mais plutôt que de se resaisir pour imprimer une autre forme de gestion, la direction a tenté de s’en remettre aux délégués du personnel de la compagnie, comme pour dire au SYNBANK que son avis ne vaut pas plus que celui du personnel. Ainsi, dans une autre correspondance datée du 4 février 2019, le DG de NSIA-Togo a semblé mieux connaître les procédures que la Secrétaire générale du syndicat et l’a presque remise à sa place. De quelle manière ? Lisez plutôt.

« Nous accusons réception de votre courrier en date du 23 janvier 2019 par lequel vous avez émis un avis sur le licenciement pour motif économique initié par notre société. En réponse et conformément aux textes en vigueur en matière de droit du travail au Togo, nous estimons que l’intervention du SYNBANK est prématurée et nous tenons à faire les clarifications ci-après : la procédure de licenciement pour motif économique telle que décrite par les articles 74 du Code du travail, 21 de la Convention collective interprofessionnelle et 33 de la Convention collective sectorielle des banques et sociétés d’assurance a été, à ce jour, scrupuleusement respectée par notre société.A ce titre et conformément à la loi, la société NSIA Assurances Togo a eu à faire les diligences qui suivent : – 1ère réunion d’information au personnel (le 22/10/2018) ; – réunion d’information avec les délégués du personnel (le 23/10/2018) ; – réunion avec l’Inspecteur du travail (le 25/10/2018) ; – courrier d’information à l’Inspecteur du travail ( le 29/10/2018) ; – courrier envoyé aux délégués du personnel en vue de recueillir leur avis et suggestion sur le projet de licenciement envisagé ( le 16/11/2018). Le courrier leur a été notifié le 16 novembre 2018 et à ce jour, les Délégués du personnel n’ont fait aucun retour avec leurs avis et suggestions. En ce qui concerne l’implication de votre syndicat dans la procédure, nous soulignons à nouveau qu’à ce stade, elle est prématurée. En effet, la Convention collective sectorielle susvisée prévoit que l’employeur, au moment de la transmission du dossier à l’Inspecteur du travail, adresse à l’organisation syndicale, un rapport motivé. A ce stade de la procédure, nous ne vous avons pas encore transmis de rapport motivé pouvant justifier les avis émis sur les fondements des difficultés économiques de notre société. En conséquence et dans le strict respect de la loi, notre société reviendra vers vous après réception de l’avis des Délégués du personnel ».

Trois jours après avoir réagi de façon condescendante au SYNBANK, le DG de NSIA-Togo reçut la réponse des Délégués du personnel. Ceux-ci ont donné leur avis ainsi libellé.

« Nous accusons réception de votre correspondance du 04 courant et vous en remercions. Pour y faire suite, nous vous informons avoir travaillé en étroite collaboration avec notre syndicat mère qui vous a transmis sa réponse le 23 janvier 2019. Aussi, notre vision dans le cadre de la procédure de licenciement pour motif économique ne saurait être contraire à celle du SYNBANK. En conclusion, nous vous informons qu’à l’issue de nos différentes analyses et après consultation du personnel que nous représentons, le collège des Délégués n’adhère pas au licenciement pour motif économique initié par la Direction Générale. Nous restons toutefois ouverts à toutes autres sollicitations ».

Contrairement aux propos du Directeur général qui a argué avoir pris langue avecl’Inspection du travail, une chose est de prendre langue, mais une autre est de révéler la quintessence de ce qui est sorti de ces échanges. Vendredi dernier, lors de la conférence de presse tenue par le SYNBANK il est ressorti que la Direction générale du travail s’est aussi désolidarisée de cette aventure d’abord menée sur la base de « licenciement pour motif économique », mais qui s’est muée en « licenciement pour motif économique résultant d’une suppression de poste ». Dans un cas comme dans l’autre, le SYNBANK est formel : la crise, s’il doit y avoir, est liée à un problème de gouvernance et à rien d’autre.

Vendredi passé, le SYNBANK, a simplement demandé que soient versé 60 mois de salaires aux employés, car il estime que le licenciement est tout simplement abusif. Mais il est certain que les employés demanderont l’arbitrage de la justice pour connaître de l’affaire. Car Constant Djeket et Chantal Bosso ont déjà montré leur mauvaise foi dans la gestion de cette affaire.

En effet, la direction de la compagnie avait prévu de façon unilatérale des mesures d’accompagnement, en plus des droits légaux selon des critères suivants : 1 mois de salaire pour une durée d’un mois à un an d’ancienneté ; 2 à 3 mois de salaires pour un à trois ans d’ancienneté ; 3 à 4 mois de salaire pour quatre à cinq ans d’ancienneté ; 4 à 5 mois pour six à huit ans d’ancienneté ; 6 à 8 mois pour neuf à douze ans d’ancienneté ; 8 à 10 mois pour treize à quinze ans d’ancienneté. Mais au final, même ces mesures n’auraient pas été respectées, bien qu’elles soient trop minimes. C’est dire le degré de bonne volonté (sic) affichée par la direction générale de NSIA-Togo. Seule une juridiction pourra dire les dommages et intérêts qui découleraient d’une telle rupture du contrat de travail.

Malheureusement, NSIA-Togo n’est pas à son coup d’essai. C’étaient d’abord des stagiaires qui avaient été, après des années d’exploitation bien au-delà de la durée légale des stages, laissés sur le carreau sans juste contrepartie. Ensuite ce fut le tour des agents sous contrat à durée déterminée. Mais curieusement, craignant que des procès ne viennent ternir l’image de la compagnie, le couple Constant Djeket – Chantal Bosso a préféré régler cette situation à l’amiable. C’est ainsi que des agents ont eu gain de cause sans aller en procès. Par rapport à leur cas, il apparaît que les employés aujourd’hui licenciés se retrouvent dans une situation plus injuste que ceux des CDD.

Abbé Faria

Source : Liberté No.2933 du 03 juin 2019

Source : Togoweb.net