C’est fini comme ça ? Cette interrogation d’un compatriote, au détour d’une discussion sur le rapport de l’audit de la Cour des comptes et le branle-bas sur fond de négationnisme des gouvernants qui balaient du revers de la main tout détournement, est fort légitime. Le pouvoir semble avoir réussi à imposer sa vérité (sic) aux Togolais et étouffer ce scandale (détournement des fonds Covid) qui continue de faire des vagues dans d’autres pays, à l’instar du Sénégal. Mais que disent les partenaires financiers du Togo qui ont mis la main à la poche ? Acceptent-ils aussi la version du régime ? Vont-ils se laisser berner et fermer les yeux sur ce nième scandale ?
Des scandales financiers et cas de détournements de deniers publics, le Togo sous la gouvernance de l’expert financier (sic) en a connu à foison. Mais celui-ci aura marqué les esprits de par son ampleur et l’implication des membres du gouvernement et le négationnisme ostentatoire de l’exécutif.
Pas de détournement, circulez !
Affaire classée, c’est ainsi qu’il convient de qualifier ce scandale, du moins la conclusion à laquelle le pouvoir en place semble pousser l’opinion. Le gouvernement nie l’existence de détournement et même tout soupçon de tentative de détournement des fonds Covid-19. La situation d’urgence sanitaire autorise la violation des dispositions règlementaires, la Cour des comptes n’a nulle part parlé de détournement, donc il n’y a pas eu détournement de fonds, telle est la logique.
Si le négationnisme a débuté depuis que la presse s’est fait l’écho du rapport d’audit publié par la Cour des comptes sur son site, avec un communiqué du gouvernement niant tout détournement de fonds, le must (sic) aura été l’interpellation au Parlement du gouvernement sur ce dossier. Mais l’éléphant annoncé est arrivé avec un pied cassé. Cette séance à l’Assemblée nationale « UNIRcolore » n’aura été qu’une mise en scène animée par des copains, avec des explications qui frisent parfois le ridicule. Elle aura convaincu plus d’un que le Togo est unique en son genre.
Point n’est besoin de revenir sur les irrégularités monstres qualifiées, par euphémisme, d’observations par la Cour des comptes qui, d’après les personnes avisées, n’était pas autorisée par sa lettre de mission à qualifier les anomalies constatées et aller jusqu’à parler de détournement. Mais toute lecture entre les lignes permet de se rendre au fait de la réelle connotation de ces fameuses observations. Certaines explications des ministres sonnent encore dans les têtes, de par leur caractère fragile.
Il n’est pas superfétatoire de rappeler qu’au terme de son audit, la Cour des comptes a pris soin d’adresser un premier jet du rapport à tous les ministres concernés pour leurs observations et la plupart l’ont méprisée en optant pour le silence. C’est après cette étape que l’institution a peaufiné son rapport et transmis à qui de droit. Les ministres qui se sont illustrés au Parlement à travers cette comédie avaient-ils ces explications et ils ne les ont pas transmises à la Cour des comptes pour qu’elle revoie sa copie ?
Le ministre des droits de l’Homme chargé des relations avec les institutions de la République Christian Trimua, avec sa menace indirecte de poursuite et de condamnation des medias et journalistes ayant parlé de détournement, aura fini de clouer pour de bon le bec aux derniers téméraires. Même si des organisations de la société civile annoncent des plaintes contre X dans cette affaire de crimes économiques, Dieu seul sait si elles auront une suite si elles ont le courage de les déposer réellement. Affaire classée donc et au prochain scandale.
Que disent les bailleurs de fonds du Togo ?
Le Fonds de riposte et de solidarité contre la Covid-19 (FRSC), en rappel, est mis en place par le gouvernement par ordonnance n°2020-002 du 11 mai 2020 et doté d’un montant de 400 milliards de francs CFA. Mobilisable sur plusieurs années, il est réparti comme suit : riposte sanitaire (110 milliards), résilience (110 milliards) et relance économique (180 milliards) et les ressources sont constituées des fonds alloués par l’Etat, du financement des partenaires techniques et financiers (PTF), des apports du secteur privé national et international, des dons et legs de toute nature.
La quasi-totalité des fonds utilisés, du moins la plus grande partie, au registre de la gestion 2020, provient des partenaires techniques et financiers du Togo. Parmi eux, la Banque africaine de développement (BAD+FAD), l’Agence française de développement (AFD), la Banque mondiale (BM – IDA), la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest (BCEAO), l’Union européenne (UE), le Fonds monétaire international (FMI) et l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA). Et les fonds sont constitués de dons, de prêts à rembourser ; il y avait également des dons en nature.
Au registre des dons, le FRSC a reçu un montant de 36,8 milliards de FCFA de ces partenaires techniques et financiers. Les emprunts à rembourser par le Togo se chiffrent à 141,4 milliards FCFA. Sur l’année 2020, c’est un montant total de 178 milliards de FCFA qui a été reçu des partenaires et la bagatelle de 108 milliards de FCFA qui a été dépensée. Pour les années 2021 et 2022, d’autres décaissements ont été faits. En résumé, c’est donc l’argent des partenaires qui a été l’objet de ces manipulations.
Bien loin des allégations du pouvoir faisant croire que l’audit de la gestion des fonds serait son initiative, l’audit est une exigence de la BAD et du Fonds africain de développement (FAD) bien inscrite dans le protocole d’accord. On n’en voudrait pour preuve que la lettre de mission n°001/2021/CC/PC/LM du 28 janvier 2021 du Président de la première chambre de la Cour des comptes désignant M. Pilouzoue Tchalouw Bouwessodjolo comme rapporteur et chef de mission.
« Par lettre N°0396/MEF/SP-PRPF/BM & BAD du 08 octobre 2020, le Secrétariat permanent pour le suivi des politiques de reformes et des programmes financiers a saisi la Cour en vue de lui permettre de prendre les dispositions pour préparer les audits prévus dans le cadre du Protocole d’accord de don et des deux accords de prêt signés en date du 6 août 2020 entre la République Togolaise d’une part, le Fonds africain de développement d’autre part, et la Banque africaine de développement d’une autre part », y lit-on.
Le FAD et la BAD se laisseront-ils berner ? Le commun des Togolais serait curieux de voir la réaction de tous les partenaires en développement qui ont contribué à ce fonds, après ce branle bas du régime en place pour étouffer ce scandale à cause de la proportion de gens impliqués. C’est aussi leur crédibilité aux yeux des Togolais qui est en jeu…
Avec L’Alternative
Source : Togoweb.net