L’ambassadeur Youssoufou Joseph Bamba a organisé une conférence de presse le 15 octobre 2020 à Washington DC (USA). Pour lui, « le peuple ivoirien souhaite que la Constitution nationale soit respectée ». L’Ambassadeur Youssoufou Joseph Bamba, membre du secrétariat exécutif du Pdci-Rda est actuellement en mission aux Etats-Unis.
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Le jeudi 15 octobre 2020, il a animé une conférence de presse à Washington Dc. Devant un parterre de personnalités, hommes d’Etat, administrateurs, juristes, parlementaires, il a exposé sur la situation en Côte d’Ivoire en cette période électorale. Ci-dessous la déclaration faite par l’Ambassadeur Youssoufou Joseph Bamba.
Tout d’abord, je commencerais à dire que, ce à quoi nous assistons actuellement en Côte d’Ivoire, incarne le pire des scénarios que tout pays africain devrait craindre. En effet, c’est un pays qui a connu une crise post-électorale il y a 10 ans, qui a abouti à une guerre civile avec 3.000 morts, et ce pays se dirige à nouveau de front vers un autre conflit lié aux élections probablement plus meurtrier, à cause d’un président sortant. Qui, après avoir été élu deux fois, a obstinément décidé d’obtenir à tout prix un troisième mandat, en violation flagrante de la constitution de son pays.
M. Ouattara a, en effet, engagé son régime dans une voie dictatoriale, et en réalité, est déterminé à faire un passage en force le 31 octobre 2020, lors d’une élection présidentielle truquée à l’avance, dans laquelle, il sera déclaré vainqueur par la Commission électorale qu’il contrôle, et puis, faire confirmer sa pseudo victoire par le Conseil constitutionnel sous ses ordres.
Bien sûr, pour s’opposer à ce brutal hold-up électoral planifié, toutes les composantes de la population ivoirienne, dans une démonstration sans précédent d’unité de vision et d’action, ont élevé la voix depuis la validation scandaleuse et infâme de la candidature de M. Ouattara par le Conseil constitutionnel.
Le tollé général et l’indignation de la population que cette décision ont suscités, ont été éloquemment démontrés lors de l’immense rassemblement du samedi 10 octobre 2020 qui s’est tenu au stade Félix Houphouët Boigny à Abidjan, où, parmi de nombreux orateurs, un très proche et collaborateur de longue date de M. Ouattara est allé jusqu’à dire « Nous sommes prêts à mourir pour retrouver notre liberté ».
Il est donc clair que le peuple ivoirien souhaite que la Constitution nationale soit respectée. M. Ouattara n’est pas éligible. Sa candidature doit donc être retirée. Deuxièmement, il faut savoir que le peuple de Côte d’Ivoire veut avant tout des élections libres, justes, inclusives et pacifiques. Pour rendre cela possible, l’organe électoral, à savoir la Commission électorale indépendante (CEI), devrait être réformée dans le sens des décisions de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP).
En effet du fait de la configuration largement déséquilibrée de la CEI au détriment des partis d’opposition et du caractère non consensuel de la CEI, le PDCI, après avoir épuisé tous les recours du droit internes, avait intenté une action en justice contre l’Etat de Côte d’Ivoire devant la CADHP en Arusha, Tanzanie.
En conséquence, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) a jugé, le 15 juillet 2020, que la Côte d’Ivoire n’a pas pleinement rempli son obligation de créer une commission électorale « indépendante et impartiale », et ordonne à la Côte d’Ivoire
« De prendre les mesures nécessaires avant toute élection pour que le processus de nomination des membres du corps électoral par les partis politiques, en particulier les partis d’opposition, ainsi que les organisations de la société civile, soit dirigé par ces entités, sur la base de critères déterminés, avec le pouvoir d’organiser, de consulter, de tenir des élections si nécessaire et de présenter les candidats requis; »
Cette prescription de la Cour dans l’arrêt du 15 juillet 2020 fait clairement peser sur le Gouvernement de la République de Côte d’Ivoire la charge de prendre les mesures nécessaires ordonnées avant la tenue de toute élection. Par ailleurs, le président Laurent Gbagbo et le président Guillaume Soro, tous deux candidats à la présidentielle pour les prochaines élections, ont été injustement radiés de la liste des électeurs par la CEI.
Ils ont également intenté une action en justice contre l’État de Côte et ont finalement été couronnés de succès car la CADHP a statué pour leur réintégration sur la liste électorale avant toute élection. Mais le président Ouattara a clairement indiqué qu’il n’avait aucune intention de se conformer aux décisions de la Cour africaine. En conséquence, l’opposition, pleinement unie, a clairement fait connaître son rejet de la configuration actuelle de la CEI qui n’a ni légitimité ni capacité à mener des élections présidentielles inclusives, transparentes, libres, justes, crédibles et pacifiques en Côte d’Ivoire.
Troisièmement, en ce qui concerne le processus électoral actuel, une analyse minutieuse de la liste électorale provisoire effectuée par les partis politiques et les groupes d’opposition, a révélé de nombreuses lacunes et anomalies. Je pourrais citer quelques exemples tels que:
• un nombre impressionnant de ressortissants des pays de la sous-région ont été inscrits sur les listes
• 7 526 personnes qui n’ont ni père ni mère;
• un nombre impressionnant de personnes décédées non rayées de la liste électorale;
• 23 511 cas de doublons avec des personnes ayant au moins 10 cartes d’électeur
• des bureaux de vote annulés sans justification,
L’élément le plus important encore, c’est le délit d’initié dont s’est rendu coupable l’actuel Président de la CEI, qui utilise une compagnie-écran appelée NDB, appartenant à Voodoo Communication, l’agence de communication du parti et qui possède le code de nom de domaine du site Web de la Commission électorale indépendante (CEI). Une telle situation de complaisance permet ainsi à Voodoo communication de pirater en toute liberté le système informatique de la Commission électorale indépendante et ainsi de manipuler les résultats du vote.
Par conséquent, sur la base des conclusions ci-dessus, il est clairement évident que l’intégrité du processus électoral actuel pour la conduite d’une élection présidentielle inclusive, transparente, libre, juste, crédible et pacifique en Côte d’Ivoire en octobre 2020 est définitivement compromise, et un audit international de la liste électorale s’impose comme une nécessité impérieuse.
Quatrièmement, s’agissant de la question de la violence et des risques de guerre civile, il convient de noter qu’en réponse à la volonté dictatoriale de M. Ouattara au cours des deux dernières années, le peuple de Côte d’Ivoire, dans sa grande majorité a exprimé une forte indignation qui se s’est traduite par des manifestations pacifiques, comme le permet la Constitution, notamment dans son article 20.
Malheureusement, ces manifestations pacifiques sont réprimées avec une brutalité injustifiée et le bilan humain de la violence augmente chaque jour, notamment en raison de l’instrumentalisation criminelle par le parti au pouvoir de jeunes voyous, communément appelés « microbes », qui sont transportés sur les lieux des manifestations pour attaquer, à coups de machettes et couteaux, les manifestants opposés au 3e mandat inconstitutionnel du président Ouattara, comme l’atteste le rapport d’Amnesty International du 18 août 2020.
A ce jour, il y a une trentaine de morts, plus de 250 personnes arrêtées et plus de 400 blessées. Ces pratiques violentes barbares ont, de nouveau, été largement observées et documentées sur divers médias sociaux, le samedi 10 octobre 2020, où plusieurs bus transportant des participants à un rassemblement de l’opposition ont été attaqués par les bandes criminelles du RHDP dans leur tentative de perturber le déroulement du Giga-meeting de l’opposition, et ceci sous le regard passif des forces de sécurité.
En outre, il convient de dénoncer l’existence de nombreuses caches d’armes sur plusieurs sites du territoire national, assignées à des miliciens sous les ordres du parti au pouvoir, prêts à réprimer dans le sang toute protestation du peuple contre le hold-up électoral en cours. À cette fin, le parti au pouvoir RHDP, dans son obsession de s’accrocher au pouvoir à tout prix, a prévu de commettre des assassinats et des atrocités de masse contre des personnes ciblées en fonction de leur appartenance politique, ouvrant ainsi la voie à un génocide planifié.
De plus, et compte tenu de l’existence en Côte d’Ivoire de nombreuses communautés originaires de plusieurs pays voisins, et qui sont intrumentalisées par le RHDP en tant que ”Bétail electoral” selon les propres termes d’un responsable du RHDP, il est à craindre que de graves conflits inter-communautaires pourraient émerger dans le contexte de cette élection, et atteindront une dimension sous-régionale incontrôlable, source de graves menaces pour la stabilité de la région de la CEDEAO.
En conclusion, nous devrions nous demander ce que fait la communauté internationale pour empêcher que la crise électorale ivoirienne en cours ne dégénère en guerre civile, et ce, d’autant plus que tous les indicateurs indiquent indubitablement une crise majeure avec un potentiel de guerre civile. En effet, il y a quelques jours, le Représentant spécial des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS), le Ministre Chambas, ainsi que des délégations de la CEDEAO, de l’Union africaine et de l’Union européenne, ont eu des consultations approfondies avec toutes les parties prenantes ivoiriennes, mais à la suite de cette tournée, aucune évaluation politique traitant des causes profondes de la crise ivoirienne n’a été jusqu’à présent rendue publique, ni aucune feuille de route pour prévenir les risques de conflit violent n’a été évoquée.
À cet égard, la Résolution 1150 de la Chambre des Représentants des États-Unis du 24 septembre 2020 exhortant le gouvernement de Côte d’Ivoire, les dirigeants de l’opposition et tous les citoyens à respecter les principes démocratiques, à s’abstenir de toute violence et à organiser des élections libres, équitables, transparentes et pacifiques en octobre 2020, apparaît hautement louable et marque l’engagement sans équivoque de la communauté internationale à soutenir les principes de la démocratie, en particulier la limite des mandats présidentiels, comme le meilleur moyen de prévenir la violence et la crise liées aux élections.
C’est pourquoi, le président du principal parti d’opposition, le PDCI, M. Henri Konan Bedie, a formellement adressé, le 13 octobre 2020, une demande au secrétaire général de l’ONU d’inscrire la question de la situation explosive en Côte d’Ivoire à l’ordre du jour du Conseil de sécurité et en particulier de nommer un envoyé spécial pour faciliter la gestion de la crise en cours en vue de prévenir l’escalade de la violence et de sauver des vies. J’espère vivement que l’ONU répondra positivement et agira de manière responsable.
Ambassadeur Youssoufou J Bamba
Secrétaire Exécutif chargé des Relations Extérieures du PDCI-RDA
Source : Togoweb.net