S’il s’était agi des conclusions d’une institution lambda, on en douterait. Mais lorsque c’est Transparency International (TI) qui publie les résultats de sondages sur le phénomène de la corruption, les partisans du régime cherchent à noyer les constats établis sur le Togo dans un ensemble, histoire de faire croire qu’ailleurs, c’est pareil. Mais l’homme doit-il chercher à s’identifier aux autres dans la médiocrité, ou doit-il viser l’excellence ? On peut se demander les critères qui ont faire dire au Millenium challenge corporation (MCC) que le Togo faisait des progrès en matière de lutte contre la corruption
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En se basant sur des utilisateurs des services publics les 12 derniers mois avant la publication du rapport sur la corruption concernant le Togo, les résultats des sondages d’opinion sont comme suit : 57% (presque 6 Togolais sur 10) des sondés estiment que la corruption a augmenté ces 12 derniers mois ; 32% (soit presque 1 Togolais sur 3) des utilisateurs disent avoir versé des pots-de-vin contre des services ; 68% (sensiblement 7 Togolais sur 10) pensent que le gouvernement fait un mauvais travail en matière de lutte contre la corruption ; et 6 Togolais sur 10 affirment que les citoyens ordinaires peuvent faire la différence dans cette lutte.
Entre 2015 et 2019, la corruption, selon les institutions, a ainsi évolué : 55% de la population pense que la police et les magistrats sont corrompus en 2019, contre 44% pour la police et 48% pour les juges ; presque le même taux (54%) estiment que les officiels du gouvernement sont corrompus contre 39% il y a 4 ans ; s’agissant de la présidence et la primature, ils sont 51% en 2019 à penser que ces deux institutions sont corrompus contre 37% il y a 4 ans ; les membres de l’Assemblée nationale ne sont pas en reste, puisque 49% des sondés (pratiquement la moitié) estiment que les députés sont corrompus alors qu’ils étaient 35% en 2015.
Le niveau de la corruption a-t-il augmenté durant ces 12 derniers mois ? L’enquête révèle qu’ils sont 57% à répondre par l’affirmative contre 35% il y a 4 ans ; mais 17% pensent que le niveau de la corruption a baissé alors qu’en 2015, ce taux était de 35% ; le taux de ceux qui disent que le phénomène est resté stationnaire est presque le même : 15% en 2015 et 17% en 2019.
Les citoyens ordinaires peuvent-ils faire la différence dans la lutte contre la corruption ? A cette question, ils sont 6 Togolais sur 10 à répondre par oui, et moins d’un tiers à répondre par non. Alors qu’en 2015, ils étaient respectivement 53% et 42%.
Et quand on demande la perception sur l’action gouvernementale à endiguer le phénomène, un Togolais sur 5 en pense du bien, contre presque 7 Togolais sur 10 qui pensent le contraire.
Que dire de ces chiffres ?
C’est d’abord un média en ligne du gouvernement qui cherche des circonstances atténuantes pour justifier ces chiffres. Plutôt que de reconnaître le problème et de proposer des voies pour l’endiguer, ce site tente de fondre la médiocrité dans un tout plus vaste. « Au Togo, comme ailleurs en Afrique, les citoyens ont une perception de la corruption qui s’est aggravée depuis 2015. Un sentiment plus que des éléments concrets pour étayer leur point de vue…Le Togo n’est pas un cas à part. Les données de l’étude sont très similaires pour l’ensemble des pays africains étudiés », peut-on lire sur republicoftogo.com. Si ce n’est pas de l’absolution pour ceux qui sont censés lutter contre ce fléau, ça y ressemble fort. Seulement, le pays a d’énormes besoins de reconnaissance à l’international, et vouloir se cacher derrière des résultats médiocres pourrait jouer un sale tour aux autorités.
Millenium challenge corporation (MCA). Le Togo a été admis au programme seuil et rêve d’être éligible au Compact qui donne droit à des financements américains plus conséquents. Et l’un des critères ayant longtemps réduit les chances du pays est le phénomène de la corruption. Or, il se trouve que les évaluations du MCC sont dynamiques, ce qui veut dire que les voyants de ce fléau pourraient virer très vite au rouge à la prochaine évaluation. En ce moment, ce ne sera plus « l’ensemble des pays africains » qui seront pénalisés, mais bien seulement le Togo.
Pour en venir aux institutions épinglées par les sondages de Transparency International, d’abord la présidence. Lorsque des marchés sont attribués via la procédure du gré à gré, quand des projets sont jetés à la figure du peuple pour réalisation sans que les citoyens ne soient associés aux contours, lorsque des cas de corruption avérés parviennent aux oreilles de la présidence, mais que celle-ci brille par son silence, il n’est pas surprenant que la perception de la gestion des affaires par la présidence soit négative au sein de la population.
La corruption au sein de la magistrature est un fait. L’épisode ayant impliqué la hiérarchie de la Cour suprême depuis mars 2018 et qui a contraint le président de cette institution à faire produire un document d’origine douteux qui n’est en réalité que la preuve des soupçons qui pèsent sur lui dans un dossier foncier, est l’arbre qui cache la forêt. Si sanction il y avait eu, on parlerait de lutte efficace contre la corruption au sein des magistrats au Togo. Malheureusement, ce sont les menus fretins qui sont brandis comme des trophées de guerre.
S’agissant de la police, le dossier est encore chaud et impliquerait de hauts gradés. Combien étaient-ils à siphonner les recettes destinées au Trésor public ? Plus vite les coupables seront identifiés, mieux la police se portera.
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Des membres du gouvernement corrompus, le Togo en regorge. Infrastructures, sport, agriculture, marchés publics sont quelques-uns des domaines qui privent le Trésor public de deniers véritables pouvant être affectés à des secteurs sociaux. Des ministres ont géré des fonds, non pas en se léchant les doigts, mais en avalant tout le bras, laissant la portion congrue pour réaliser les projets. Après, c’est pour entendre certaines prétendues autorités contractantes dire devant des « députés endormis » que « l’entreprise a utilisé les fonds pour acquérir du matériel ». Et avec ça, aucun compte ne leur a jamais été demandé. Aucune enquête parlementaire n’a été commise pour situer les responsabilités. Comment la population peut-elle oublier ?
La Haute autorité de prévention et de lutte contre la corruption et les infractions assimilées (HAPLUCIA) est un « make-up », un maquillage destiné à faire croire qu’au Togo, il existe des instruments de répression de ce fléau. Puisqu’elle était en place au moment de la commission de ces délits. La Haute Cour de justice qui, si elle avait été mise en place conformément à la Constitution togolaise, aurait pour vocation de poursuivre les dirigeants haut placés, tarde à voir le jour. Sciemment peut-être. On peut tromper une partie du peuple tout le temps; on peut encore tromper tout un peuple un moment ; mais on ne peut tromper tout un peuple tout le temps.
Abbé Faria
Source : Liberté No.2960 Du Lundi 15 Juillet 2019
Source : Togoweb.net