«Au Togo, alors que Faure Gnassingbé semble avoir signé un contrat à durée indéterminée avec le fauteuil présidentiel, ses concitoyens, dans leur majorité écrasante, continuent de tirer le diable par la queue. La dévolution monarchique du régime togolais enfonce le pays dans une crise sociopolitique qui ne dit pas son nom. Entre le mirage des balbutiements démocratiques et les années Faure Gnassingbé, il y a une constante: les conditions de vie de la majorité de la population n’ont guère changé. Contrairement à ce que véhicule la communication politique obsessionnelle du régime, la régression socio-économique saute aux yeux.» «Le Correcteur, N° 1181», bi-hebdomadaire togolais.
Nous avons souvent l´habitude, en discutant avec des amis sur la situation dramatique de beaucoup de pays africains et surtout du Togo, de dire que nous aurions préféré, sur le continent noir, la dictature chinoise. Oui, l´empire du milieu, comme on désigne encore la Chine, n´est pas connu pour être un parangon de démocratie et du respect des droits de l´homme. Mais qui parle encore aujourd´hui de façon insistante de la situation politique en Chine? Deuxième puissance économique au monde, derrière les USA, la Chine est régulièrement à La Une de l´actualité grâce à ses prouesses économiques. Qui dit aujourd´hui voitures électriques, pense immédiatement à la Chine qui est devenue depuis au moins 2018 la championne mondiale en la matière. Donc l´exemple chinois montre que sans la démocratie, comme on la définit du point de vue occidental, avec alternance régulière au sommet de l´état, avec respect des droits de l´homme et liberté de la presse et d´expression, le développement et la prospérité sont possibles.
Pourquoi alors dans beaucoup de pays du continent noir, et surtout chez nous au Togo une dictature tribalo-familiale, pure et dure, impitoyable, depuis un demi-siècle, s´acharne-t-elle à détruire la vie et à compromettre l´avenir des citoyens par une politique méchante et inhumaine, basée sur le népotisme, la corruption et la persécution de tous ceux qui pensent autrement? Pourquoi, pour la conservation du pouvoir à tout prix, les autres Togolais sont-ils devenus des ennemis à abattre? La litanie des persécutions d´opposants avec violations des droits de l´homme, le maintien des prisonniers politiques en détention malgré des appels incessants de toutes parts, le pillage en toute impunité des richesses du pays par une minorité, encouragé depuis le sommet de l´état, sont malheureusement là pour montrer que le régime togolais, avec à sa tête Faure Gnassingbé, est très loin d´être comparé au modèle chinois. Ici au Togo il n´y a que dictature et dénuement des populations sans aucun début de développement. Il s´agit d´un régime qui a juré la perte de son peuple et s´y emploie par tous les moyens pour maintenir les Togolais et les Togolaises dans la pauvreté, dans la misère, dans la peur par la terreur, pourvu que Faure Gnassingbé reste à la tête du pays malgré son incompétence, malgré son manque de vision et conséquemment malgré son échec patent sur tous les plans. Si ce n´est la méchanceté, qu´est-ce qui peut expliquer, par exemple, qu´on arrête une Togolaise, chagrinée par la disparition dans des circonstances floues et surtout suspectes de son mari en Afrique du Sud, qui revient au pays et qu´on maintient en prison? En effet, veuve Madame Abga Bertin est arrêtée en juillet dernier à son arrivée à l´aéroport de Lomé, en compagnie de certains membres de sa famille.
Luttant contre un cancer, elle serait privée de soins pour soulager son mal. En quoi serait-elle un danger pour le pouvoir de Faure Gnassingbé? Ou existe-t-il d´autres raisons pour sa détention que nous ignorons? Feu Bertin Agba fut un homme d´affaires qui avait du succès; et en mourant il doit avoir laissé une certaine fortune. Tenterait-on d´empêcher sa veuve et sa suite de disposer de ce qu´il leur reviendrait de droit? Voilà les quelques questions que suscitent l´arrestation et la détention arbitraires, depuis trois mois, de la veuve Agba Bertin qui, en dehors du volet financier, voudrait certainement organiser des cérémonies traditionnelles pour le repos de l´âme de son défunt mari, comme cela se passe dans presque toutes nos communautés au Togo. Jusqu´à quand Faure Gnassingbé voudrait-il continuer à abuser de son pouvoir en la maintenant en détention, au risque d´une détérioration de son état de santé? La même interrogation est également valable pour le maintien en détention des prisonniers politiques, comme ceux du PNP, de «Tigre-Révolution», de Jean-Paul Oumolou et surtout de Kpatcha Gnassingbé.
Faure Gnassingbé devrait cesser de se moquer de ses compatriotes en feignant de jouer au Monsieur-Propre qui donne des leçons de bonne conduite ailleurs, alors qu´il est celui qui en a le plus besoin pour s´occuper des nombreux problèmes qui assaillent les Togolais dans leur vie quotidienne. À côté de chez nous à l´est le président béninois, Patrice Talon, ne fait pas beaucoup de bruit, ne joue pas au faux panafricaniste avec son ministre des affaires étrangères, mais développe intelligemment et patiemment son pays, comme l´a écrit «Liberté» dans sa parution N°3960 de jeudi dernier: «Voilà un pays (le Togo) qui possède presque tout, un sous-sol riche, de la compétence, du potentiel, etc. pour évoluer positivement et briller, mais qui, depuis 60 ans, échoue lamentablement et ne cesse de se sous-développer. Le Togo est devenu un grand corps malade à cause de la corruption, de la mal gouvernance chronique, du népotisme, du pillage économique et des deniers publics…Ce n’est pas Faure Gnassingbé qui nous démentirait, lui qui affirmait en 2012, qu’une minorité a accaparé tous les biens et richesses du pays et baigne dans les délices de Capoue, pendant que la grande majorité des citoyens pataugent dans une misère indicible.»
Qu´on ne nous comprenne pas mal. En prenant l´exemple du modèle chinois, nous n´avons aucune intention de faire l´apologie de la dictature; mais nous voulons tout simplement dire qu´à défaut de la démocratie parfaite, on peut au moins aimer son pays, en être jaloux et le développer, comme le font beaucoup de dirigeants d´autres pays, en Afrique et ailleurs. Au Togo, il n´y a ni démocratie, ni aucune vision pour le pays, donc aucun début de développement. Pour Faure Gnassingbé et son entourage, ce qui compte c´est le pouvoir et les délices qui en découlent, même s´il faut pour cela continuer à marcher sur les cadavres des Togolais. L´avis des nombreux citoyens qui pensent autrement ne compte pas. Et c´est à ça qu´il faudrait mettre fin pour que notre pays redevienne un pays normal.
Samari Tchadjobo
Allemagne
Source : 27Avril.com