Coronavirus au Togo : Des zones d’ombre et des appréhensions légitimes

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L’information était bée comme un coup de
tonnerre dans un ciel serein et a eu l’effet d’une bombe. Le coronavirus est
bien présent au Togo, l’annonce a été faite le vendredi 6 mars par le
gouvernement himself. Toutes les assurances ont été données et la population
appelée à ne pas céder à la panique. Mais il subsiste des zones d’ombre et des
questions légitimes se posent.

L’annonce
du gouvernement

La rumeur circulait depuis plusieurs
heures ce vendredi 6 mars sur la présence du nouveau coronavirus au Togo. Le
sujet étant sensible, il fallait recouper l’information avant de la balancer.
Les sources médicales contactées n’ont malheureusement pas confirmé, beaucoup
se retenant de le faire, de peur d’être accusées plus tard de tous les maux par
l’autorité. C’est dans la foulée qu’il est annoncé autour de midi sur les
réseaux sociaux, la tenue d’une conférence de presse du gouvernement à 13
heures à la Primature. Et c’est à l’occasion que  l’information a été officialisée.

« Une
dame, reçue en consultation, présentait des signes évoquant une grippe au
coronavirus, à savoir une fièvre, un mal de gorge et des maux de tête. Les
prélèvements effectués et analysés au laboratoire national de référence le 5
mars 2020 ont révélé un résultat positif au coronavirus (…) La patiente
est actuellement mise en isolement au centre de traitement des maladies
infectieuses pour une prise en charge adéquate. A ce jour, son état de santé ne
suscite aucune inquiétude majeure»
, relève le communiqué de presse du
gouvernement.

L’Exécutif indiquait également que la
patiente est une dame de 42 ans, résidant à Lomé avec sa famille, et que du 22
février au 2 mars, elle a séjourné respectivement au Bénin, en Allemagne, en
France, en Turquie puis a regagné le Togo via la frontière terrestre avec le
Bénin.

Suspicion
et polémique

L’officialisation de la présence de la
maladie n’a pas pour autant rassuré l’opinion. Les gouvernants n’ayant pas des
rapports de fidélité avec la vérité, beaucoup de gens ont émis des doutes sur
cette exception du gouvernement qui n’a pas tergiversé une seule seconde pour
annoncer publiquement la présence de la 
maladie. D’aucuns arguent que c’est pour éviter de laisser place aux
spéculations et à la panique générale.

Qu’à cela ne tienne, la polémique a été
entretenue sur les réseaux sociaux. A tort ou à raison, beaucoup ont suspecté
le timing de l’annonce qui coïncidait, curieusement, avec la décision de l’Organisation
mondiale de la santé (OMS) de décaisser la bagatelle de 12 milliards de dollars
pour venir en aide aux pays touchés par le coronavirus. Surtout que le Togo
sortait d’une élection présidentielle coûteuse et financée sur fonds propres, l’opinion
a suspecté une façon de renflouer un tant soit peu les caisses de l’Etat vidées
pour ce scrutin. Faut-il le rappeler, dans la foulée de cette élection, le
gouvernement a lancé un emprunt obligataire d’une valeur de 50 milliards FCFA.
D’autres ont également suspecté que la patiente n’ait pas été diagnostiquée
dans tous les pays visités, notamment ceux européens où les moyens médicaux
techniques sont plus développés, et c’est au Togo où il manque de tout dans les
hôpitaux qu’elle l’a été. Dans certains milieux, on entrevoit aussi un coup du
pouvoir pour créer la peur au sein de la population et la pousser à éviter des
contacts, et ainsi décourager la mobilisation pour la contestation de la
victoire proclamée de Faure Gnassingbé au scrutin du 22 février dernier. 

Dr
Kampatibe confirme

Au-delà de cette polémique, tout porte à
croire que la présence du coronavirus est bien réelle. C’est en tout cas ce
qu’il y a lieu de dire, à en croire une réaction de Dr Nagbandja Kampatibe, conseiller
du Président national de l’Alliance des démocrates pour le développement
intégral (ADDI) Prof Aimé Gogué.

« Chers
tous. Je suis médecin et de l’opposition. Je vous prie de ne pas blaguer avec
un sujet aussi grave. J’ai pris la peine de vérifier le plus sérieusement
l’information tout au long de la journée jusqu’au bureau de l’OMS et je puis
vous assurer que le cas est avéré. Bien sûr, il ne faut pas paniquer outre
mesure, mais il ne faut pas banaliser la situation et surtout entraîner la
population dans un état de négation. C’est cet état d’esprit qui avait rendu
l’épidémie d’Ebola si dramatique en Guinée et en Sierra Leone. Libre à vous
individuellement de ne pas croire, mais ne diffusez pas des informations dont
vous êtes incapables de démontrer la véracité. La position la plus sage
consiste à appliquer les mesures simples de prévention préconisées par
l’OMS »,
a-t-il
publié sur les réseaux sociaux.

Ces moyens de
prévention sont justement les suivantes :

Bien
se laver les mains, le premier geste-barrière (le gel hydroalcoolique est un
allié face aux épidémies) ; le masque, dans certains cas seulement ;
ne pas se toucher le visage ; nettoyer régulièrement les surfaces et les
objets courants ; éviter les contacts proches ; éviter les lieux très
fréquentés, en particulier les hôpitaux ; éviter de consommer des produits
d’origine animale crus ou mal cuits ; respecter les règles d’hygiène en
cas de toux.

Zones
d’ombre et questionnements

Le gouvernement s’est employé, au cours de
sa sortie vendredi, à rassurer l’opinion et l’appeler à ne pas céder à la
panique. Mais ses mots n’y parviennent pas et beaucoup continuent de se poser
des questions.

Tout n’est pas dit aux populations. Le pouvoir
a fait de la rétention d’information dans son annonce,  et on est en droit de se demander à quelle
fin. Par exemple sur la nationalité de la patiente. S’agit-il d’une Togolaise
ou d’une expatriée ? A certains qui parlent d’une compatriote, s’opposent
d’autres qui évoquent le contraire. Dans le communiqué de presse, la précision
n’a pas été donnée. Par ailleurs, il y a un black-out sur le lieu
d’hospitalisation. Là aussi, ce sont les indiscrétions qui ont permis de savoir
qu’il s’agit du CHU Campus.

Quel est le sort réservé aux autres
patients qui sont dans ce centre hospitalier ? Même si on parle
d’isolement de la patiente du coronavirus, il y a des appréhensions à nourrir
quant à l’efficacité de ce moyen et la protection des autres malades du centre.

Autre question pertinente, le CHU Campus
dispose-t-il de matériel et de l’expertise adéquats pour protéger les patients
et le personnel soignant ? On sait que le Togo est réputé pour la pauvreté
de son plateau technique et les centres de santé, même ceux dits de référence
manquent de tout, même le minimum pour prendre en charge les patients qui
meurent de maladies bénignes. Le coronavirus justement requiert des précautions
et soins appropriés. L’un dans l’autre, on a toutes les raisons de nourrir des
appréhensions…

Tino Kossi

source : Liberté

Source : TogoActu24.com