Contractualisation des hôpitaux publics : Le gouvernement persiste et signe 23 février 2019

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Contractualisation des hôpitaux publics : Le gouvernement persiste et signe                                                                             23 février 2019
Moustapha Mijiyawa

Le débat a été actualisé, dans le cadre de la pose de la première pierre de la construction, vendredi dernier, du fameux hôpital Saint Pérégrin présenté comme moderne et de référence. Le pouvoir ne voit décidément pas en la réhabilitation des hôpitaux publics et le relèvement du plateau technique, la solution à la problématique de la santé au Togo. Une seule solution à ses yeux, la contractualisation de leur gestion. Et il persiste et signe. Visiblement, l’on tend vers une généralisation ou extension.

Contractualisation ou rien

C’est le moins que l’on puisse dire, au regard des activités du conseil des ministres de mercredi 20 février dernier, cette fois-ci pas délocalisé dans une autre localité. La question de la contractualisation des hôpitaux publics a fait l’objet d’un séminaire gouvernemental au cours duquel un bilan a été présenté par le ministre de la Santé.

« Le Conseil des ministres a suivi la présentation par le ministre chargé de la Santé du bilan, à court terme, du processus de contractualisation des formations sanitaires publiques. Il est important de souligner que dans le cadre de la mise en œuvre de la politique de renforcement du secteur de la santé et de l’hygiène publique, le Gouvernement a opté pour une gestion par approche contractuelle des formations sanitaires publiques avec pour objectifs entre autres : améliorer la gestion des ressources humaines, matérielles et financières; renforcer la gestion pharmaceutique; améliorer la prise en charge des indigents et améliorer la satisfaction des patients. La gestion par approche contractuelle a été expérimentée au CHR d’Atakpamé et au CHP de Blitta en juin 2017 avant d’être étendue, en 2018, aux CHU-Sylvanus Olympio (SO) et CHU-Kara, aux CHR de Dapaong et de Sokodé et au CMS de Siou. A ce jour, des résultats satisfaisants ont été enregistrés. Au CMS Siou, par exemple, le taux de fréquentation a augmenté de 20%, le taux des consultations externes de 31%, le taux d’hospitalisation de 7% et le taux d’imagerie de 18%. Les recettes des prestations ont augmenté de 21% et celles de la pharmacie de 64%, entraînant une hausse totale de recettes de 44%. Les mêmes tendances ont été observées dans les autres formations sous contractualisation que sont le CHU Kara, les CHR de Dapaong, de Sokodé et d’Atakpamé et le CHP de Blitta. Par ailleurs, d’autres résultats ont été enregistrés notamment, la disponibilité en médicament est supérieure à 95%, la motivation et la valorisation des agents désormais impliqués dans la gestion à travers le comité de trésorerie, la réhabilitation et l’équipement de certaines structures», rapporte le communiqué final.

Des lauriers tissés à Faure

Ce bilan est une occasion de jeter des fleurs au gouvernement, mais surtout tisser des lauriers à Faure Gnassingbé dont il a été salué la « perspicacité », dans le cadre de son mandat social, avec de bonnes orientations données.

« Le bilan de la mise en œuvre de cette première phase de contractualisation permet au Gouvernement d’en évaluer l’impact en termes de fourniture de soins de qualité et de gestion rationnelle des moyens mis à la disposition des hôpitaux et aux autres structures de santé. Au vu donc de ces résultats, les membres du Gouvernement ont salué la perspicacité du Président de la République, qui dans le cadre de son mandat social, a su donner les orientations nécessaires et garantir l’expérimentation de ce processus de gestion axée sur les résultats dans le secteur de la santé, malgré les réticences et résistances de tous ordres. En effet, le constat établi en 2015 en ce qui concerne le CHU SO mettait en exergue les difficultés de cet hôpital à assurer une prise en charge minimale des patients et à offrir des soins de qualité, d’où une défiance éprouvée par les concitoyens à son égard. L’amélioration de la gestion des ressources pour des soins de santé de qualité a permis de recréer la confiance avec les populations et de relever le taux de fréquentation des structures publiques de santé. Il a été également relevé la réduction de la déperdition des ressources ainsi que l’assiduité au travail des cadres et agents dans ces structures sous contractualisation », lit-on.

L’on tend vers une généralisation de ce concept de contractualisation qui permettrait, à en croire Mustafa Mijiyawa, de « trouver des solutions à l’insatisfaction des patients, à la baisse du taux de fréquentations des structures sanitaires publiques, d’offrir un service de qualité aux patients. Bref l’Etat assurera tous ses engagements financiers et les sous-traitants se contenteront d’assurer la gestion ». Devant ce bilan positif, il a été demandé au ministre de la Santé « d’assurer une extension de la contractualisation à d’autres hôpitaux et formations sanitaires ».

Au-delà des chiffres avancés…

Il est permis de douter de ce bilan et de ces chiffres clinquants. Cette contractualisation est une recette du gouvernement imposée aux acteurs du secteur de la Santé alors même que la vraie solution à la problématique se trouve ailleurs. Et l’on se demande s’il pourrait donc se faire hara-kiri en établissant un bilan autre que positif, avec ce principe sacro-saint que le pouvoir n’a jamais tort. D’autant plus que cette contractualisation a de nombreuses limites relevées par les acteurs mêmes de la Santé et rapportées à maintes reprises dans nos colonnes.

Au-delà de ce bilan et des chiffres avancés, une réalité persiste et que le pouvoir feint d’occulter ou plutôt relègue au second plan; il s’agit du problème de la vétusté des équipements et/ou de leur insuffisance. Une question soulevée depuis de longues dates par les praticiens eux-mêmes. Le Groupe de Travail sur la crise dans le secteur de la Santé composé du gouvernement, de l’administration et des syndicats, et présidé par le leader du Syndicat national des praticiens hospitaliers du Togo (SYNPHOT) Dr Gilbert Tsolenyanu, a remis son rapport ce mercredi au Premier ministre, et parmi les propositions, figure la modernisation du système national de l’offre de santé avec accent sur les programmes d’urgence (formation, construction, équipement et gouvernance).

Est-ce un début de prise de conscience du gouvernement de cette problématique et des limites de sa recette ? Toujours est-il qu’il a été demandé au ministre de la Santé à l’issue du Conseil des ministres « une revue du processus de contractualisation pour s’assurer des mesures devant permettre la pérennité des résultats obtenus et du renforcement du système de santé », mais surtout « d’assurer l’équipement des centres contractualisés en imagerie et en laboratoire, et doter les CHU et CHR en scanners ». On espère simplement que cette annonce ne va pas réveiller des appétits gloutons et qu’on ne tend pas vers un scandale BIDC bis…

Tino Kossi

Source : Journal Liberté du Vendredi 22 Février 2019

Togo-Online.co.uk