Le 22 février 2020, le peuple togolais s’est rendu aux urnes pour élire son prochain président. Un exercice qui semble devenir une formalité quinquennale dans un vernis de démocratie où c’est toujours le président sortant qui est proclamé vainqueur à l’issue du scrutin et ce, depuis les prémices du multipartisme au Togo. Le 23 février dernier, «bis repetita», le chef de l’Etat sortant Faure Gnassingbé est donné victorieux du scrutin. L’opposition conteste. Mais la conservation du pouvoir est quasiment actée. Plusieurs paramètres peuvent l’expliquer.
C’est une vérité indéniable que sur le continent africain, surtout dans la plupart des pays qui ont le français en partage, les élections sont presque devenues une sorte d’institution sans grands enjeux politiques ou intérêts démocratiques, c’est-à-dire un rituel qu’il faut juste observer et qui n’a peu ou point d’incidences sur le cours de la vie politique dans les pays concernés.
C’est le cas du Togo, où les six rendez-vous électoraux des présidentielles de 1993 1998, 2003, 2005, 2010, 2015, et le tout dernier, celui du 22 février 2020, n’ont véritablement pas changé le paysage politique togolais en dépit du fait que, manifestement, beaucoup de citoyens optent pour le changement, votent pour l’alternance et pour la redéfinition de la carte politique au Togo.
Les élections législatives, et récemment les locales avec le régime togolais qui garde à lui seul tous les leviers de décision pour maitriser sa gouvernance. « Il n’y aura pas élection présidentielle mais mascarade présidentielle le 22 février 2020. Le RPT s’en fout de ce que les Togolais diront dans les urnes», prédisait un Togolais de la diaspora avant le rendez-vous électoral du 22 février comme pour résumer le rituel des élections, cette formalité quinquennale instituée en Afrique francophone.
Le Togo, c’est vrai que Faure (Gnassingbé, ndlr) c’est quelqu’un qui parait doux, mais le Togo, c’est un régime fort, c’est un régime militaire avec des ministres qui sont souvent des anciens Généraux, c’est un pays qui, malgré une impression de débats, est tenu de main de fer », analysait dans un débat télé Antoine Glaser, écrivain et journaliste français.
« Le portrait du Togo peint par ce spécialiste de l’Afrique, présente des caractéristiques semblables à celles de la Gambie de Yahya Jammeh, chassé du pouvoir quelques années plus tôt sous l’impulsion de la communauté internationale. Mais pourquoi le Togo de Faure Gnassingbé ne peut pas connaitre une telle épreuve dans la géopolitique de la sous-région ouest-africaine ? Deux raisons fondamentales peuvent l’expliquer
La stabilité politique…
Outre les évènements d’août 2017 à novembre 2018, qui ont failli plonger à nouveau le Togo dans le chaos, l’on doit avoir l’honnêteté intellectuelle de soutenir que le pays garde (pour l’instant) le cap de la paix et de la stabilité politique. Des faits qui, non seulement éviteraient l’ouverture d’un autre front de tension politique en Afrique de l’ouest, mais limiteraient aussi l’intervention et l’énergie de la communauté internationale pour juguler la crise. Or, le Mali, le Burkina Faso, la Guinée et la Côte d’Ivoire sont déjà des nations à risque, soit sous menace djihadiste soit sous grandes tensions politiques. Le seul pays qui à l’habitude de s’impliquer dans les crises ouest-africaines en vue de sa résolution, c’est la France. Or, aujourd’hui, la fameuse communauté internationale se résume à la France. Cette dernière est déjà présente sur plusieurs théâtres politiques dans toute la zone sahélo sahélienne, sans oublier qu’il y aura des élections en Côte d’Ivoire et en Guinée où c’est déjà chaud.
Ainsi donc pour le cas du Togo, la fameuse communauté internationale, mieux la France va vouloir privilégier la paix et la stabilité politique que garantit le régime politique actuel au Togo, même s’il est « militaire » et tient le pays d’une «main de fer ». En voulant prioritairement œuvrer pour le changement de régime militaire afin de garantir la démocratie, cela peut s’avérer du mauvais casting. Alors, la France jouerait à la prudence.
Togo, rempart contre le djihadisme…
Sous le silence coupable ou complice de la France devant la conservation du pouvoir par le régime Gnassingbé et ce, en dépit des actes aux antipodes de la démocratie que pose ce régime, beaucoup soutiennent qu’au Togo, la France de Emmanuel Macron ne voudrait pour rien au monde commettre « l’erreur » de François Hollande au Burkina Faso en privilégiant la démocratie au détriment du maintien du régime très militaire du capitaine Président Blaise Compaoré qui, jadis, contenait les djihadistes. En effet, le président français François Hollande croyait qu’en remplaçant Blaise Compaoré par Marc Christian Kaboré, un ancien du régime militaire, cela allait marcher. La suite, aujourd’hui, le pays des hommes intègres se retrouve dans une situation insoutenable, car victime des attaques quasi quotidiennes de groupes terroristes sur son territoire et des centaines de personnes tuées y compris des étrangers dont des Fran-çais. Alors, ce n’est pas Emmanuel Macron qui remplacerait Faure Gnassingbé par Agbéyomé Kodjo, un ancien du système togolais pour que ce pays aussi sombre sous des attaques djihadistes. C’est la logique.
L’autre élément important, est que le régime togolais, d’après plusieurs spécialistes du continent africain, est présenté dans les milieux sécuritaires français comme un régime qui joue un rôle de rempart contre la progression des cellules djihadistes dans le Golfe de Guinée. Faure Gnassingbé sachant bien cela, a axé sa campagne électorale au Nord Togo sur la thématique de lutte contre l’avancée du terrorisme dans la région. C’est bien malin
Depuis que deux touristes français ont été enlevés au Nord Benin et leur guide béninois exécuté par les djihadistes, le Togo s’est dit qu’il peut y avoir infiltrations de groupes terroristes au Nord Togo et le candidat Faure Gnassingbé n’a cessé de le répéter. Même au cours de la campagne électorale, il disait à qui veut l’entendre que son pays est sous menace djihadiste, mais que des dispositions sécuritaires ont été prises, notamment les frontières renforcées. Il a même visité une base des forces armées impliquées dans le dispositif militaire contre le terrorisme. Une assurance donnée à la métropole qui doit désormais, bien notée le Togo parmi les pays amis qui sont de véritables remparts contre les fous de la religion, ces islamistes qui sèment la mort et la désolation partout dans le monde, et surtout en Afrique depuis la chute du Guide libyen
A tout prendre, du fait des priorités sécuritaires dans la sous-région, la France ou la communauté internationale (c’est selon) ne se priverait de pactiser avec le moindre mal, c’est-à-dire un régime militaire qui au moins garantit la paix et la stabilité politique dans la sous-région. Le président Faure Gnassingbé et son régime militaire se retrouvant bien dans ce schéma français, ils peuvent croire qu’ils seront encore là pour longtemps à la tête du Togo, du moins pour l’instant.
Source : LA MANCHETTE
Source : TogoActu24.com