« Un empire fondé par les armes a besoin de se soutenir par les armes ». Dans les Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et leur décadence, MONTESQUIEU, le chantre de la séparation des pouvoirs, fait une analyse profonde sur l’état d’esprit des fossoyeurs de la République qui croient que l’autoritarisme suffit à l’autorité pour conquérir le peule, l’assujettir à leurs caprices en semant la mort pour détruire les insoumis, les velléités de contrariété. Dans le feu de leurs objectifs, dans les brûlures de leurs actions, les potentats chassent devant eux les populations, parce qu’elles ne se sentent pas en sécurité et ne peuvent exprimer librement les droits élémentaires du choix et de l’expression citoyens. Quand la sécurité, la paix civile ne sont pas garanties, les fondements de la constitution de l’Etat social disparaissent pour faire place à la licence de cruauté.
Partout où le despotisme s’installe, l’audace du risque pour un abri se multiplie constamment dans la durée, les citoyens veulent échapper à l’arbitraire. Ceux qui sont pris dans le filet des exactions s’étouffent, s’éteignent dans le silence. Ceux qui s’accommodent au triomphe des barbares perdent indubitablement la spontanéité de l’initiative, l’inspiration de la créativité, la puissance de l’intelligence et les fleurs de l’épanouissement. Les traumatismes des violences développent aussi chez les peuples la force intérieure de rebond.
Le pouvoir dictatorial est gourmand en investissement d’autoprotection, d’exhibition et de prestige. Il a besoin de folies pour se donner bonne conscience et faire peur aux autres sans donner aux citoyens les moyens d’une aisance. Le coup dispendieux de sa propre sécurité condamne les populations au supplice du manque et à la déréliction.
L’épuisement dans le manque favorise l’achat des consciences. Les pouvoirs illégitimes utilisent abondamment le réflexe de survie des populations démunies pour gonfler leurs rangs avec des promesses. Ils cherchent aussi des liaisons de la « légion étrangère » pour se renforcer.
Tout le système d’évolution forcée des pouvoirs cruels s’identifie au mode d’exercice et d’action du terrorisme islamique auquel les sociologues et les économistes déduisent que les armes, à elles seules, sont impuissantes à venir à bout.
La structure stratégique de l’islamisme violent et du terrorisme djihadiste n’a-t-elle pas les mêmes réflexes de liquidation de sang-froid des insoumis et des innocents ?
Qu’est-ce que les dirigeants sanguinaires ont de mieux que les terroristes djihadistes ?
1) Etude comparée : terrorisme d’Etat et djihadisme
Le despotisme est un terrorisme d’Etat. Il procède par la restriction des libertés publiques et individuelles en utilisant la brutalité et des méthodes des hors-la-loi ou en se taillant des lois à l’ombre desquelles et les cruautés et les forfaits sont commis. Toutes les dictatures utilisent les citoyens comme des moyens pour se protéger et pour assouvir leurs objectifs sans se conformer à l’éthique, à la morale publique et à l’humanité. Elles recrutent abondamment leurs soutiens dans le vivier des masses sans éducation pour les prêter à leur service comme des robots exposés à des représailles exemplaires, quand ils s’écartent un peu de la volonté du chef. Le terrorisme d’Etat fonctionne avec la racaille de biens terrestres. Il est prêt à des récompenses faramineuses pour les plus zélés et les hommes de cruautés impitoyables.
Les barbus qui utilisent le nom de Dieu pour promouvoir la « guerre sainte » dans leurs revendications font miroiter aux nécessiteux une vie meilleure ici-bas et dans l’au-delà et proclament martyrs tous ceux qui succombent dans les missions de la mort à eux confiées. La racaille sans aucun repère intéresse les promoteurs de la « guerre sainte » et le gros de la jeunesse sans instruction, sans éducation, sans formation, sans insertion sociale est vite enrôlé dans les rangs djihadistes pour être formé à la terreur, à la barbarie comme le fait, du reste, le terrorisme d’Etat, bras ouverts aux désœuvrés pour le champ des milices et de l’armée de répression. Dans les deux cas, c’est la jeunesse perdue qui est recyclée aux actes délictueux avec une exonération royale, pourvu qu’elle serve à couvrir les chefs et à promouvoir leurs idéologies, leur visibilité, leurs intérêts.
Le terrorisme d’Etat et le djihadisme ont une culture de la mort, du sang, des tueries, des massacres et de la vengeance aveugle. Ils pratiquent la loi du Talion et du bouc-émissaire pour illustrer le degré de leur nuisance et installer partout la peur. Dans leur rupture de digues sociales, une déshumanisation s’empare de tous ceux qui sortent des normes de la civilisation au point qu’ils dégringolent au fond des âges et ne savent plus s’accommoder à l’apprentissage des échelles de l’humanité.
Quand les hommes et des femmes basculent dans la profondeur des âges, la remontée leur est quasi impossible, parce qu’ils ne peuvent plus renaître à l’effort sur des siècles qui ont donné un visage humain à notre société. Voilà pourquoi les dictatures et le djihadisme ont vocation à s’éterniser. Les despotes comme les djihadistes ne savent pas se conformer à des accords. Ils sont éternellement dans les rechutes des vieux démons et perdent les marches de leurs serments pour retrouver les commodités de la civilisation. Le chemin du repentir et du renoncement à la barbarie est ardu et incertain pour ceux qui ont pris le bain de la cruauté et de la barbarie. Le psychisme humain dénaturé est dans une compulsion à la répétition des mauvais reflexes. Au Togo, par exemple, on voit ce que sont devenues la Commission Vérité-Justice et Réconciliation et ses recommandations. Au Mali, Kidal n’est pas prête à rentrer dans la République et le chemin du retour à la normalité dans cette région n’est pas pour demain.
Le terrorisme d’Etat défait la société, le République et les plonge dans une fragilité au même titre que le djihadisme parce que la jungle est un mal absolu qui fait la preuve d’une asocialité pour rendre petits les hommes. Notre grandeur est une longue histoire bornée de correctifs, de digues et d’une propédeutique, c’est-à-dire, d’un long apprentissage. Le phénomène social est une construction. Sa « dénaturalisation » est une déconstruction dangereuse quand elle devient un repère d’une jungle. La jungle n’a pas la puissance du discernement qui est le canevas de notre apprentissage, de notre culture, de notre civilisation.
Si les terroristes perdent facilement le crédit de confiance avec la collectivité humaine, ils sont dans une volonté de démultiplication de leur communauté criminelle dans des espaces différents pour se créer des liens d’assistance, de fraternité, parce que les mauvais jours peuvent arriver à tout le monde. Les combattants de l’Afghanistan se retrouvent en Syrie et dans le Sahel, aux portes des pays côtiers. Quand la révolution burkinabè a chassé Blaise COMPAORE du pouvoir, il a trouvé un refuge aisé chez le père de la rébellion ivoirienne, Alassane OUATTARA. Yahya JAMMEH, de la Gambie est en Guinée Equatoriale.
La communauté criminelle se prête une assistance à toute épreuve. Les dictateurs comme les djihadistes sauvent leur peau avec le concours d’un alter ego, quand les circonstances leur sont défavorables dans le milieu de leur règne.
2) Les reculades sociales dues au terrorisme
Le terrorisme quel qu’il soit n’a pas de génie à faire progresser l’éducation, la santé, l’économie, la justice, les moyens de protection. Toutes les Républiques qui connaissent le terrorisme d’Etat ou religieux perdent leur puissance d’innovation, les performances des secteurs de production. Elles subissent la rapine, la spoliation des peuples par les « gourous» et leurs lieutenants de conquête de l’espace économique, politique, social.
Le moyen-âge par exemple, dominé par le terrorisme religieux, des guerres saintes, a mis en sommeil l’esprit de créativité de l’Europe. Il a fallu le combat de régénérescence de quelques rares esprits comme Francis BACON et le rationaliste René DESCARTES pour rééduquer le type européen au 17ee siècle et le préparer à une sortie des catacombes du terrorisme religieux. D’où, le siècle des Lumières au 18e siècle.
Ce rappel succinct suffit à comprendre les chutes des Républiques et des nations qui sont frappées par le terrorisme d’où qu’il vienne. Pour penser juste, il faut être libre. Le développement se conçoit par le libre esprit et s’exécute dans le respect de l’humain-patron, c’est-à-dire en accordant une primauté à l’homme, au respect de la vie et aux droits attachés à notre condition d’homme.
Or, les potentats, les despotes comme les djihadistes ne font qu’assujettir les peuples à leurs caprices, à leurs licences, à leurs dogmes par la violence, l’effraction, la transgression, la cruauté. A force d’étouffer les populations par la répression fauve, les tueries, les massacres, elles se replient sur elles-mêmes dans un vouloir-vivre de survie, pendant que les chefs font fortune sur leur dos dans les espaces de contrôle à leur pied. La rançon du terrorisme est constituée des fontaines de richesse de l’espace public que les chefs gardent par-devers eux pour asseoir leur triomphe, leur hégémonie, leur volonté de puissance. Le terrorisme spolie et dépossède les masses de leurs biens sans une grande possibilité d’éthique de contrôle, de riposte, de sanction. Les populations s’éteignent dans le calvaire de la rugosité existentielle imposé à elles, pendant que les chefs enrichissent les lieutenants de fidélité zélée à leur cause. Les déviances de rétributions des Etats terroristes s’expliquent dans L’Esprit de lois de MONTESQUIEU lorsqu’il écrit : « Les grandes récompenses dans une monarchie et dans une république sont un signe de leur décadence, parce qu’elles prouvent que leurs principes sont corrompus ».
Le terrorisme islamiste est aussi un système de razzia et de surenchères qui livre à prix d’or de pauvres âmes menacées de mort dans une cruauté infernale. Les chefs des barbus se taillent la part du lion dans leur conquête pendant qu’ils livrent leurs sujets, leurs adeptes aux aventures de tous les risques insensés.
Partout où s’installent les terroristes d’Etat et les terroristes religieux, les bases sociales s’effondrent, les sociétés s’éclatent, l’exode s’étend, les valeurs se renversent, l’humanité périt, l’économie est en berne, l’étage de la civilisation s’écroule, le temps de penser se réduit, la survie devient l’ancre de vie, la créativité est frileuse, l’instinct de conservation est la seule préoccupation des populations, le prix de la vie ne pèse plus rien du tout, les vices se développent et les perspectives sont au rouge.
Le terrorisme d’Etat défait les fondements de la République et l’absence de concorde nationale livre la masse à une alternative qui est le terrorisme djihadiste. Inversement, le terrorisme djihadiste donne un fouet au terrorisme d’Etat qui croit que la puissance de feu est l’arme adéquate pour contenir le djihadisme.
Dossavi
Source : L’Alternative / presse-alternative.info
Source : 27Avril.com