[Confidentiel]: ce que Obasanjo a confié à Faure sur le cas Kpatcha

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Ce n’est pas seulement au Togo que s’est joué le sort de l’ancien ministre de la Défense Kpatcha Gnassingbé.

Avant l’arrestation du député de la Kozah en 2009 pour tentative d’atteinte à la sureté de l’Etat, son « cas » était un sujet de préoccupation entre le président togolais Faure Gnassingbé et ses homologues Obansanjo et Compaoré comme le révèle Jeune Afrique dans une enquête publié en 2009. Extrait…

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Faure, 41 ans, et Kpatcha, 38 ans, n’ont de commun que le nom qu’ils portent. Le premier est réservé, discret et introverti, ce que Gnassingbé Eyadéma a jugé être des qualités suffisantes pour faire de lui son homme de confiance, son missi dominici dans des missions délicates et un des ministres écoutés de son gouvernement.

Le second est impulsif, expansif et brutal. Son défunt père, qui connaissait parfaitement chacun de ses enfants, ne lui confiait que des tâches en rapport avec l’usage de la force. D’où ses excellents rapports avec la haute hiérarchie de l’armée, avec laquelle il a exécuté de nombreuses missions.

Faure est ouvert au monde et a été formé à l’université de Paris-Dauphine, en France, puis aux États-Unis. Kpatcha est un produit du pays, à la formation plutôt sommaire. Ses références : le passage au collège militaire de Tchichao, dans le nord du pays, au lycée de Kara, dans le fief paternel, puis au lycée technique de Lomé.

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Puis un séjour à la Southeastern University de Londres et un diplôme de bachelor of science (licencié ès sciences) que d’aucuns lui contestent. Le président togolais a un certain sens de l’État, pour avoir collaboré très étroitement avec son père. Pour avoir également exercé, jeune, des fonctions gouvernementales.

Le ministre de la Défense est, lui, plus porté sur les affaires, pour n’avoir évolué que dans des secteurs juteux : après avoir été directeur de la Société d’administration des zones franches (Sazof, un paradis fiscal pour entreprises étrangères), son premier poste, il s’est fortement impliqué dans la gestion du Port autonome de Lomé. Ce qui lui a permis de tisser de très forts liens avec les milieux d’affaires dans ce pays où tout s’importe.

Le premier, gardien du patrimoine de la famille, est un gestionnaire pointilleux, jugé économe par plus d’un. Le second, connecté aux réseaux financiers, est réputé dispendieux, surtout quand il s’agit d’entretenir ses amitiés au sein des forces de défense et de sécurité.

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Plus « africain », plus chaleureux, le ministre de la Défense est réputé plus généreux et plus sociable que le chef de l’État. Ce qui lui vaut une réelle sympathie au sein de la famille, « au village » et dans certaines sphères de l’État.

Mais sympathie ne veut pas dire chèque en blanc. Les Gnassingbé ne veulent pas d’un affrontement ouvert qui risquerait de leur faire perdre le pouvoir et de les placer dans l’obligation de rendre des comptes après quarante ans de règne. Ils ne cessent de le répéter à l’occasion des conseils de famille qu’ils multiplient pour éviter que la crise entre les deux frères ne dégénère. Si les opinions divergent au sein de cette large fratrie, les plus en vue des frères sont, pour la plupart, du côté de Faure.

À l’image du très politisé Mey Gnassingbé, fondateur de Jeunesse en mouvement (JEM), une association présente sur le terrain de la lutte contre la pauvreté et le chômage des jeunes. Seul Toï, frère jumeau de Kpatcha, n’affiche pas un soutien clair au président. Est-ce pour cela qu’il est l’un des rares à ne rien avoir du côté de la présidence, pas même un poste de conseiller ?

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Proche de l’armée qu’il tient et à laquelle il s’intéresse de près depuis son passage dans un collège militaire, le ministre de la Défense fait peur par le spectre du coup d’État militaire qu’il fait planer au-dessus du palais de Lomé 2. Et nombre d’observateurs estiment que les hauts officiers lui obéissent au doigt et à l’œil et qu’il les couvre d’autant plus de largesses qu’il est complètement isolé à l’extérieur du pays.

Sa nomination à la tête du département de la Défense a renforcé son emprise sur la grande muette. Au grand dam de son président de frère qui regrette fort, aujourd’hui, de l’avoir placé à cette position stratégique. Faure a pourtant hésité avant de le faire, au lendemain de son élection à la magistrature suprême, le 24 avril 2005. Alors que Kpatcha a marqué sa préférence pour ce strapontin, soutenu par les hauts officiers et par une partie de la famille, Faure a hésité et a demandé conseil à certains de ses homologues.

Olusegun Obasanjo, alors à la tête du Nigeria et président en exercice de l’Union africaine, lui a donné un avis défavorable. Général dans une autre vie, Obasanjo a tenu à le mettre en garde : « Votre frère est ambitieux et s’estime aussi légitime que vous pour diriger le Togo. C’est imprudent de mettre entre ses mains la plus importante force de frappe du pays : l’armée. »

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Le numéro un burkinabè, Blaise Compaoré, qui sait, lui aussi, de quoi il parle, pour avoir été capitaine, a abondé dans le même sens, estimant que le nouveau pouvoir togolais gagnerait, pour plus de crédibilité, à ne pas s’identifier à une famille qui s’en partagerait les leviers de commande.

Mais Faure n’est pas parvenu à surmonter la pression du « lobby » mis en place par Kpatcha. D’autant qu’un autre de ses pairs, John Kufuor, lui a indiqué qu’il n’y trouvait aucun inconvénient. Et pour une raison évidente : le chef de l’État ghanéen avait son propre frère à la tête du département de la Défense.

S’il a concédé le poste, le chef de l’État ne s’est jamais résigné à laisser les forces armées sous l’entier contrôle de son frère. Et ce n’est pas un hasard s’il a tenu à choisir un colonel, Pitalouna-Ani Laokpessi, comme ministre de la Sécurité. Il n’est pas rare d’ailleurs que cet ex-chef d’état-major adjoint de l’armée conduise nuitamment des compagnons d’armes auprès du chef de l’État. Tant il est difficile, devant de telles tractations secrètes et alliances en coulisses, de savoir qui roule pour qui.

Chacun des deux camps affûte ses armes et entretient ses réseaux en silence. Ceux qui ont le moins intérêt à une confrontation ne renoncent pas toutefois à chercher un dénouement pacifique. De passage à Conakry début novembre, Mey Gnassingbé a réussi à convaincre le Premier ministre guinéen, Lansana Kouyaté, très proche ami de son défunt père, de tenter une médiation. Réussira-t-il là où d’autres n’ont jusqu’ici obtenu que de vagues promesses de réconciliation ?

Source : Togoweb.net