Comment Bolloré s’est construit un empire en Afrique [Equête]

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Le groupe Bolloré a-t-il construit son empire commercial en Afrique en se passant du droit en matière de passation de marchés publics ? Mardi 24 avril, Vincent Bolloré, PDG du groupe, a été placé en garde à vue dans les locaux de la police judiciaire de Nanterre pour des soupçons de corruption autour de l’attribution de concessions portuaires en Afrique de l’Ouest, selon le journal Le Monde. Mais comment le groupe est-il devenu incontournable dans les ports africains, dont ceux de Tema, au Ghana, et d’Abidjan, en Côte d’Ivoire ?

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Le groupe Bolloré en Afrique, c’est 25 000 collaborateurs, près de 250 agences réparties dans 46 pays et 2,5 milliards d’euros de chiffres d’affaires, soit le quart du chiffres d’affaires de l’empire (7,4 milliards d’euros en 2016), indique le site de l’entreprise. Le mastodonte coté au CAC 40 mène des activités sur le continent dans l’agro-industrie, le transport et le secteur portuaire, axe central des activités du groupe sur le continent. À travers sa marque Bolloré Logistics Africa, l’entreprise familiale créée en 1861, gère près de 17 ports en Afrique de l’Ouest et centrale.

« Les ministres, on les connaît tous là-bas »

C’est au milieu des années 1980 que Vincent Bolloré jette son dévolu sur le continent en rachetant plusieurs sociétés françaises de transit ou de manutention des produits d’import-export, qui ont été florissantes à l’époque coloniale. L’une des plus importantes est la Société commerciale d’affrètement et de combustibles (SCAC), acquise en 1986.

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Vincent Bolloré profite en outre de la vague des privatisations imposées en Afrique par les programmes d’ajustement structurel de la Banque mondiale et du FMI dans les années 1990. C’est ainsi que le groupe met la main sur des infrastructures stratégiques de plusieurs pays notamment des entreprises ferroviaires. En 1995, il réussira à attirer dans son giron la Société internationale de transport africain par rail (Sitarail), qui relie le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire. En 1999, il prendra possession de la Compagnie ferroviaire du Cameroun (Camrail).

Mais ce sont les ports d’Afrique que vise Vincent Bolloré. Portes d’entrée sur le continent, ils sont des sources inestimables de recettes pour le continent. « L’Afrique est comme une île, reliée au monde par les mers, expliquait dans Le Monde diplomatique, un ancien du groupe Bolloré en 2006. Donc, qui tient les grues tient le continent. »

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Et très vite, Vincent Bolloré rafle la gestion de plusieurs terminaux à conteneurs mis en concession. De Douala (Cameroun) à Pointe-Noire (RDC) en passant par Cotonou (Bénin), Tema (Ghana) et Abidjan (Côte d’Ivoire), Vincent Bolloré ne ménage pas ses efforts, ni son énorme carnet d’adresses pour passer en force et doubler ses concurrents. C’est en négociant directement en 2004 avec Laurent Gbagbo par exemple que Vincent Bolloré obtiendra, la gestion du port d’Abidjan. « Les ministres, on les connaît tous là-bas, affirme en 2008 dans Libération, le directeur général du groupe Gilles Alix. Ce sont des amis. Alors, de temps en temps, on leur donne, quand ils ne sont plus ministres, la possibilité de devenir administrateurs d’une de nos filiales. C’est pour leur sauver la face. Et puis on sait qu’un jour ils peuvent redevenir ministres.”

La recette communication

Pourtant, en 2007, l’entrepreneur voit lui échapper des mains, le port de Dakar. Pour obtenir cet énième marché de concession, Vincent Bolloré qui a le soutien de son ami Nicolas Sarkozy, par ailleurs président de la République française, mobilise Alain Madelin et François Léotard pour appuyer son dossier, et missionne Arnaud Lagardère pour contrer son principal adversaire Dubai Ports World (DPW), leader émirati de la gestion portuaire, qui gère par ailleurs les ports d’Alger et de Djibouti. Il fait aussi consacrer une émission spéciale au président sénégalais Abdoulaye Wade sur la chaîne de télévision de son groupe, Direct 8, et une double “une” dans ses journaux gratuits Matin Plus et Direct Soir. Mais c’est finalement DPW qui remportera la concession du port de Dakar.

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Si la recette de la communication n’a pas marché au Sénégal, elle aurait fait mouche au Togo en 2010 et en Guinée en 2011. Les enquêteurs français se demandent justement “si le groupe a utilisé son bras publicitaire Havas pour faciliter l’obtention de la gestion des ports de Lomé et de Conakry”, écrit Le Monde. C’est Jean-Philippe Dorent, un des cadres de Havas qui “s’est notamment occupé de la campagne présidentielle guinéenne du candidat Alpha Condé’’. Une fois élu, en novembre 2010, ce dernier résilie brutalement en mars 2011, au profit du groupe Bolloré, la convention de concession du terminal à conteneurs du port de Conakry, octroyée en 2008 pour une durée de vingt-cinq ans au logisticien français Necotrans. Mais après une bataille juridique entre les deux entreprises françaises, le groupe Bolloré est condamné en 2013 à payer 2,1 millions d’euros à son concurrent.

Un scénario similaire s’est ensuite reproduit au Togo en 2010. C’est encore Jean-Philippe Dorent qui se charge d’une partie de la communication du président Faure Gnassingbé. Cette année-là, Bolloré remporte la concession du port de Lomé pour une durée de trente-cinq ans. L’obtention de ce marché est contestée par un concurrent, Jacques Dupuydauby, qui n’est rien d’autre qu’un ancien associé de Bolloré au Togo.

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Très avancée sur un méga-projet ferroviaire entre Cotonou et Niamey, octroyé en 2013 via la société Bénirail, l’entreprise a finalement été écartée par les gouvernements du Bénin et du Niger. La justice béninoise ayant donné raison en octobre 2017 à son concurrent, le groupe Pétrolin qui en revendique la paternité. Dans un entretien accordé en mars au magazine français Challenges, Patrice Talon, le président béninois a demandé au groupe Bolloré et à son concurrent “de sortir du projet ferroviaire”, leur préférant la Chine pour financer la construction de 760 km de rail, évalué à près de 4 milliards de dollars.

Source : www.cameroonweb.com