Vendredi 2 mars, après la conférence inaugurale du colloque organisé par les Universités Sociales du Togo (UST) assurée par la Bioéthique et Ethique des Siences et des Technologies (BEST) du département de Philosophie de l’Université de Lomé, Prof Ka Mana sur le thème «Pouvoir politique et développement pour la renaissance de l’Afrique : défis et enjeux», les panels proprement dits ont débuté. Les travaux de la rencontre ont pris fin samedi dernier. Mais les participants sont partis avec les belles leçons infligées au Professeur KossiviHounaké, universitaire et de surcroit juriste, qui s’est offert en spectacle en voulant agresser un de ses collègues à l’issue d’un débat d’idées.
A l’auditorium de l’Université de Lomé, le colloque a tenu toutes ses promesses. Les travaux de deux jours ont pris fin samedi dernier, sur une note de satisfécit des organisateurs. Les débats ont été passionnants, mais aussi dépassionnés. Les différents panels ont porté sur des thématiques variées qui sont d’actualité. Sur la tribune, est convoquée la situation sociopolitique togolaise cadencée par le mal gouvernance du pouvoir cinquantenaire et le refus d’alternance qui a occasionné la crise que traverse le pays depuis six (06) mois. Devant une foule attentive et intéressée, les éminents universitaires et experts venus du Togo et d’ailleurs ont impressionné. Sans langue de bois, ils ont, dans leurs communications, touché des sujets sensibles et même ceux qui fâchent. N’en déplaise aux courtisans de la dictature, aux universitaires véreux qui cautionnent le mal. « De faux intellectuels », selon les expressions du Philosophe togolais KpakpoAkuéAdotévi.
Cette rencontre de renommée régionale voire internationale n’a aucune affinité d’essence ni ressemblance avec le colloque organisé il y a quelques mois par les pseudo juristes pour enterrer la Constitution de 1992 et consacrer par des arguments juridiques fallacieux le pouvoir à vie de Faure et la dynastie des Gnassingbé. Ces juristes de même pédigrée que les Sophistes d’Athènes de la Grèce antique, enlacés dans des paralogismes et sophismes, ne s’étaient arrêtés aux salles climatisées de l’Université de Lomé. De région en région, ils se promenaient avec leur rapport de colloque à la main, pour vendre des illusions et corrompre les citoyens déjà avertis. Mais la mayonnaise n’a pas pris. Puisque la mobilisation populaire enclenchée le 19 août 2017 était invincible.
En effet, le colloque du 2 au 3 mars dernier organisé par les Universités sociales (UST) et la BEST (Bioéthique et éthique des sciences et des technologies) du département de philosophie de l’Université de Lomé s’est inscrit dans une démarche et approche toute particulière : « dé-traumatiser » et « dé-construire » le paradigme de la « bêtise », selon les expressions du Professeur Akué et celui de la « défaite » développé par le Prof congolais Kâ Mana dans lesquels se baignent plusieurs Etats pour « re-féconder l’imaginaire social des Africains », selon le Prof Maryse Quashie et sortir le continent de « l’imbécibilité » et de « l’impuissancibilité ». Des concepts forts et assez éloquents du philosophe Ka Manaa. Pour lui, l’absence de Faure Gnassingbé à la cérémonie d’ouverture du dialogue non seulement est un mépris, mais aussi un scandale de la République. Il s’étonne qu’au sein de l’opinion, cela n’a pas suscité de tollé et que tout s’était poursuivi comme si de rien n’était. Pour ce philosophe de la RDC, cette absence de celui qui prétend être le chef de l’Etat jette du discrédit sur l’issue du dialogue et le déprécie. « Comment imaginez-vous que le chef de l’Etat soit absent à l’ouverture du dialogue? Et ça n’a rien dit à personne. Le dialogue exige un minimum de confiance réciproque, une même foi dans les valeurs d’humanité. Ça exige la foi dans l’intérêt supérieur de la cause nationale. Quand cela n’est pas ça, donc il ne faut pas s’attendre à des faux miracles », croit Prof Ka Mana.
Dans la salle, il y avait un disciple (sic) du cercle à DodziKokodoko et Trimua. Lui, c’est KossiviHounaké, un universitaire agrégé en Droit public qui s’est fait tourner en ridicule et huer par les participants à chacune de ses interventions. Son péché mignon dans son plein ciel, c’est d’avoir voulu étaler ses talents d’artiste, même face à l’évidence, pour sauver Faure Gnassingbé. Mais il était mal barré devant des universitaires qui raisonnent par la tête et non par le ventre. Pour lui, étant donné que la société est caractérisée par la diversité d’opinion, il ne convient pas de blâmer ceux qui, au nom de leurs convictions, (ou plutôt de leur ventre), veulent rejoindre le pouvoir pour apporter leur contribution. A cette réaction sur fond d’apologie de la monarchie en place, la réplique du Professeur Komi Wolou, un des panélistes, a été immédiate. « Je crois que je suis le mieux placé pour répondre au nom de tout le monde », réplique-t-il. Après avoir recadré son collègue juriste, il lui a fait directement comprendre que l’Etat de droit et démocratique est fondé sur des principes et des valeurs. Tant qu’on décide de rejoindre les gouvernants tout en refusant de défendre le peuple, « on va tout simplement à la mangeoire ». Une réplique accueillie par un tonnerre d’applaudissement.
Au cours du panel qui a eu lieu dans l’après-midi du 1er jour autour de la problématique de « citoyenneté, et démocratie et bonne gouvernance », les communications du Prof ShamsidineAdjita, Maître de Conférences en Droit et son collègue du Benin, le politologue et Maître de Conférences en Sciences politiques à l’Université d’Abomey-Calavi ont porté sur la légitimité et la légalité. Selon le Professeur Adjita, la légitimité l’emporte sur la légalité. « La légalité se nourrit de la légitimité qui la précède », a-t-il indiqué. S’appuyant sur la dimension sécuritaire de la légitimité, le politologue Victor Tokpanou a fait comprendre qu’un Chef de l’Etat qui assassine son peuple dans ses revendications n’est plus légitime. « Faure Gnassingbé n’est pas légitime », a-t-il argué en rappelant les événements tragiques de 2005 et les derniers développements de l’actualité depuis le 19 août 2017.
Ces approches ont déplu au Prof Hounaké qui soutenait mordicus que la légitimité n’est que juridique et dans ce cas, est égale à la légalité. Pour lui, c’est la Constitution qui confère à son mentor (Ndlr, Faure Gnassingbé), la légitimité. Il a évoqué l’article 4 de la Constitution pour relever que seul le Chef de l’Etat a la prérogative de parler au nom du peuple. « La souveraineté appartient au peuple. Il exerce par ses représentants et par voie de référendum. Aucune section du peuple, aucun corps de l’Etat ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice », stipule l’article en dehors duquel le fameux juriste juge que ceux qui parlent au nom du peuple à part le président, le font à tort et tombent sous le coup de la loi. Cette lecture renversée de la Contitution a surpris plus d’un : « Monsieur Hounaké, le comble, c’est que vous êtes professeur. Vouloir opposer cet article aux leaders d’opposition, c’est en faire mauvaise interprétation », a réagi M. Tokpanou qui l’a soumis à un cours d’un professeur à son élève. « Tous les leaders politiques ont le droit de dire qu’ils parlent au nom du peuple sans pour autant qu’on leur oppose les dispositions de l’article 4. Pourquoi un leader ne peut pas dire que le peuple veut ceci ou cela ? », s’est-il demandé. Cela ne dépend pas de son record au scrutin. « Quand un leader politique veut parler en démocratie, il a l’obligation de dire qu’il parle au nom du peuple sans qu’on ne lui reproche de vouloir confisquer l’exercice de la souveraineté », a-t-il indiqué. Et d’ajouter : « Ce qui est quand même surprenant au Togo, et moi c’est la première fois que je vois ça, c’est qu’une opposition manifeste et que le régime en place organise une contre-manifestation. Alors qu’il est censé incarner le peuple dans sa totalité. C’est extraordinaire. Il y a qu’au Togo que cela se passe. Le président est le président de tous. Il ne peut pas convoquer une partie du peuple et l’opposer à l’autre. Un président qui fait ça, c’est qu’il reconnait que sa légitimité a des problèmes. Quand le peuple marche, la seule chose qui reste, c’est de l’écouter et lui dire : vous voulez ceci, je ne peux pas, ça, je ne peux pas. On ne lui dit pas que je vais vous appeler les miens. Là où ça devient plus grave au Togo, c’est qu’il y a des présidents des institutions qui ont marché ». « La convocation de l’article 4 s’appliquent à ceux qui exercent le pouvoir. Et la Constitution a été claire sur le mot exercice du pouvoir. On ne peut pas l’opposer à quelqu’un qui manifeste. Celui qui manifeste est dans la revendication ; il n’est pas dans l’exercice du pouvoir ; ce sont deux choses différentes. Si vous vous en tenez à la dimension juridique, vous vous trompez », a-t-il argué.
La démarche conceptuelle dans laquelle se trouve M. Hounaké n’est donc pas recevable ; car au moins depuis la terminale, le programme de philosophie nous apprend qu’on ne peut pas séparer le fond (contenu) de la forme. « Le concept se nourrit de la réalité. C’est la réalité qui fait modifier le concept ». C’est ce bout de phrase du Prof AkuéAdotévi qui a provoqué la colère de M.Hounaké qui voulait s’en prendre à son collègue dans la salle en plein débat. Il a quitté sa place pour aller en découdre physiquement avec lui; et il s’y serait parvenu n’eut été l’intervention des gens. Et pourtant le juriste se déclare aux cours des débats que lui, il est intellectuel. « Etre intellectuel, c’est mettre son intelligence au service du beau et du bien. Ce n’est pas en cautionnant le vol, le crime, la corruption qu’on se dit intellectuel », lui a répondu Professeur Magloire Kuakuvi
Source : www.icilome.com