Après leur retrait de la coalition des 14 partis de l’opposition, trois formations politiques à savoir, le Comité d’Action pour le Renouveau (CAR) de Me Yaovi Agboyibo, le Mouvement Citoyen pour la Démocratie et le Développement (MCD) de Me Mouhamed Tchassona Traoré et le NID de Gabriel Dosseh-Anyron se retrouvent dans un nouveau creuset baptisé la « coalition rénovée » de l’opposition. L’officialisation de cette union a été faite vendredi dernier, 24 Mai 2019. Quelle est l’orientation politique de la coalition rénovée et comment fonctionnera-t-elle ? Quels seront les défis et les enjeux ? Me Yaovi Agboyibo répond à ces questions.
LA MANCHETTE : Quelle est la particularité entre la Coalition Rénovée et la C14 ?
AGBOYIBO : La Coalition Rénovée et la C14 ont un objectif commun : mettre fin au système politique en place par l’alternance démocratique. Sur la manière d’y parvenir, deux courants stratégiques s’étaient affronté au sein de la Coalition initiale : l’un estimait qu’il fallait dégager le régime en place par la rue. Pour le second courant, il faut coupler les pressions populaires avec le dialogue pour amener le régime à concéder les réformes constitutionnelles, institutionnelles et électorales nécessaires à la suppression des obstacles à la réalisation de l’alternance par la voie démocratique.
Il est certes réconfortant que la C14 restante, ait laissé entendre à travers ses déclarations publiques, son ralliement à la seconde orientation idéologique pour rejoindre la première option mais elle a aussitôt après suscité une divergence d’un autre genre en prônant l’idée que l’opposition doit aller au prochain scrutin présidentiel avec un candidat unique. La Coalition Rénovée considère qu’il va du respect des principes démocratiques que les diverses composantes de l’opposition mettent à contribution le mode de scrutin à deux tours pour lequel elles se sont âprement battu dans le passé pour permettre à chacune de mobiliser ses fiefs avant de se retrouver, s’il y a lieu, en bloc au deuxième tour derrière le candidat de l’opposition qui viendrait à être confronté au candidat du régime.
La divergence sur ce point stratégique est de taille. Il faut tout mettre en œuvre pour la surmonter à temps avant de se mettre ensemble dans une coalition unique. Autrement, on risque d’offrir aux populations, une façade d’entente qui va s’effondrer à l’approche du scrutin présidentiel comme ce fut le cas à plusieurs reprises.
Il faut ajouter à ces divergences, que pour la Coalition Rénovée, les alliances pour le scrutin local doivent s’effectuer de façon souple par des accords bilatéraux, alors que pour la C14 restante, c’est tous ses membres qui doivent s’accorder sur les candidats communs par application de la règle de la majorité à défaut de consensus.
Mais comment comptez-vous rassurer ceux qui sont dubitatifs quant à la pérennité de votre Coalition Rénovée ?
Les partis membres de la Coalition Rénovée se sont entendus sur deux garanties contre le mal auquel plusieurs coalitions de l’opposition avaient été confrontées. La première, c’est la transparence des intentions. La seconde consiste à faire en sorte que, tout en accordant la place qu’il faut aux concessions mutuelles au sein du groupe, les partis membres doivent éviter les décisions de nature à les soumettre à des épreuves de conscience. Nul ne doit être contraint à l’impossible et l’inacceptable. C’est ce genre d’épreuves qui ont été dans le passé source de manquement au respect de la parole donnée.
Alors que représentent ces prochaines élections pour le CAR ?
Pour le CAR et les autres membres de la Coalition Rénovée, le fait par le gouvernement d’avoir finalement décidé d’organiser les locales attendues par nos populations depuis plusieurs décennies, devrait constituer un événement important si le régime y met la bonne foi, en rupture avec les pratiques qui ont vidé de tout sens les élections présidentielles ou législatives que le pays a connues depuis le début des années 90.
La traduction d’une telle éventualité dans les faits signifierait que notre pays a amorcé son entrée dans une ère nouvelle dont la consolidation va entrainer le changement de l’image du pays sur fond de déverrouillage des institutions investies de la mission de promouvoir le développement local et l’amélioration des conditions de vie des populations à la base.
Votre appréciation pour la dernière révision constitutionnelle
La révision constitutionnelle du 08 mai 2019 n’a nullement infléchi le verrouillage des institutions chargées réguler la gouvernance tant nationale que locale du pays. Je me bornerai de citer en illustration les nouvelles dispositions constitutionnelles concernant l’organisation de la Cour constitutionnelle et de la Cour des comptes. Ces deux institutions fondamentales, on le sait, ont pour mission de protéger les citoyens et les ressources publiques contre les abus de l’Exécutif à qui il revient de les gérer. Il se trouve comme par paradoxe, que tout comme avant la réforme, c’est l’Exécutif qui est investi du pouvoir de nommer les présidents et les autres membres des institutions chargées de contrôler et de réguler sa gouvernance.
Entretien réalisé par Sylvestre BENI
Source : www.icilome.com