Des manifestations de la Coalition des 14 partis devraient se tenir ce jour sur l’ensemble du territoire, et ce durant quatre (04) jours. C’est du moins ce qui transparait dans la lettre d’information transmise au ministère de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités locales en date du 12 mars 2018. Dans un courrier réponse en date du 16 mars, le ministre PayadowaBoukpessi, après plusieurs contorsions intellectuelles a décidé d’interdire lesdites manifestations. « En conséquence de tout ce qui précède et étant donné que la mesure relative à la suspension des manifestations durant le dialogue reste en vigueur, les marches programmées objet de votre lettre sus référée ne peuvent pas avoir lieu en cette période où nous attendons tous, la poursuite des discussions en vue de la normalisation politique togolaise par voie de dialogue », a conclu le ministre dans son courrier. Un argumentaire surréaliste qui frise le ridicule et provoque l’étonnement des responsables de la Coalition.
Mais avant cette curieuse interdiction, l’ambiance au sein de la Coalition elle-même sur la nécessité des manifestations de cette semaine n’était pas à la sérénité. Cafouillage, dénonciations tous azimuts, communication bancale, voilà autant d’actes et de séquences qui suscitent des interrogations au sein du peuple en lutte pour l’alternance, mais aussi provoquent depuis quelques jours la joie et les moqueries des partisans du régime. Notre objectif à travers cette analyse n’est pas de situer les responsabilités, de pointer le doigt accusateur sur tel leader ou tel parti, mais d’inviter ces messieurs et dames à faire non seulement preuve de responsabilité, mais aussi de patriotisme à ce tournant de la lutte qui s’est accélérée depuis les évènements du 19 août 2017.
Vaincre ou périr ensemble
Au lendemain des contestations historiques du 19 août 2017, des bonnes volontés se sont investies pour rapprocher les deux forces majeures que sont le PNP et l’ANC. L’aboutissement de cette initiative laborieuse a permis la création de la Coalition des 14 partis. Quoique certains acteurs de l’ombre aient eu des soucis avec le régime pour avoir pris ce risque, ils n’ont jamais réclamé une quelconque couronne ou paternité. Une fois sur les rails et depuis plus de sept mois, ce regroupement malgré parfois des divergences, soutenu par la majorité des Togolais, a accompli une œuvre immense, obligeant aujourd’hui le système de Faure Gnassingbé à s’inviter à la table des négociations. Il convient de dire ici qu’il n’est évident de travailler à quatorze, même pas à deux.
Il y a certes des faux pas, des erreurs et des actes contre-productifs qui ont été commis; mais malgré tout, la Coalition a réussi jusque-là à transcender ses divergences et malentendus pour se concentrer sur l’essentiel, c’est-à-dire les actions visant à obtenir le départ de Faure Gnassingbé, à défaut du retour à la Constitution de 1992. Ce défi de l’unicité d’action a été aussi possible grâce à la pression des populations, des acteurs de la société civile et des leaders d’opinion qui abattent un travail efficace d’éveil des consciences. Il est donc surprenant que c’est au moment où le pouvoir est en proie à une contestation généralisée, à un délitement général, à une pression internationale que le diable de la division s’invite au sein de la Coalition, au grand soulagement du régime qui utilise ses canaux pour souffler davantage sur les braises. L’histoire semble donc se répéter et certains se demandent si finalement nous ne sommes frappés de malédiction dans ce pays qui peine à obtenir l’alternance depuis 28 ans. A chaque fois que ce peuple en lutte est si près du but, il survient toujours un évènement qui remet en selle le régime.
Nous n’avons pas la prétention de donner une quelconque leçon aux responsables des partis membres de la Coalition. Ce serait une injure à leur intelligence. Mais nous nous permettons de leur rappeler qu’ils ne sont que de simples serviteurs, des instruments au service de ces millions de Togolais qui se battent tous les jours pour le changement. Sont-ils conscients un seul instant des effets dévastateurs que leur malentendu de ces jours-ci portés maladroitement sur les médias ont sur ces milliers de Togolais ? Que vous vous nommiez Paul Apevon, Jean-Pièrre Fabre, Aimé Gogué, Fulbert Attisso, Habia Nicodème, Jean Kissi, TikpiAtchadam, Antoine Folly, Brigitte Adjamagbo, NathanaelOlympio, les Togolais n’ont que faire de vos petites personnes, de vos ego, de vos titres divers. Ces Togolais en lutte qui croupissent en prison au prix de leur emploi, qui meurent, qui vivent en exil, qui subissent toutes les formes de répression, pendant que vous vous bénéficiez d’une relative protection liée à vos statuts, n’ont que faire de vos querelles de chapelles, de vos commérages de cour commune et de vos prétentions à vous faire passer pour des indispensables.
La force que ce peuple vous donne en sortant massivement lors des manifestations, c’est de vous donner les moyens pour mettre fin à un système cinquantenaire. Une fois cet objectif atteint et les conditions d’une compétition transparente et saine établies, chacun pourra présenter au peuple togolais, seul détenteur de la souveraineté, son parti, sa vision. Pour l’heure, nous n’en sommes pas encore là, voilà pourquoi il est urgent voire impérieux de mettre fin aux sirènes de la division que vous envoyez en ce moment crucial au peuple et à tous ceux et celles qui soutiennent ce combat depuis l’extérieur.
Qu’il soit clair que ces populations qui meurent sous les balles du régime ne feront aucun cadeau à un parti ou leader qui prendra le risque de porter un coup fatal à l’unicité d’action au sein de cette Coalition dont personne n’est sans reproche. Autant aucun parti politique pris individuellement ne pourra conduire ce combat à son terme, autant il faut rester vigilant pour rappeler à l’ordre ceux qui, parfois pour une raison ou une autre, essayent de nouer des deals secrets avec le régime. Il revient à certaines personnes ressources, aux responsables de la société civile, de rappeler à ces messieurs et dames l’objectif pour lequel le peuple continue de leur faire confiance. Quels que soient les malentendus, les tensions, les divergences, les petites histoires de leadership, les calculs des uns et des autres, ils sont condamnés à travailler ensemble pour atteindre les objectifs fixés. Au cas contraire ils sombreront ensemble parce que les Togolais excédés par 28 ans de lutte sans résultat, ne sont plus prêts à passer l’éponge sur des actes comme ceux posés en 2010 par un certain GilchristOlympio et d’autres avant lui. Ce dernier était il y a encore quelques mois un héros; aujourd’hui il est totalement dans l’anonymat. Alors que personne ne pense abuser éternellement de la confiance des Togolais ou pense qu’on peut échanger le peuple contre des intérêts personnels sans conséquence.
«Malheurs aux traitres», avons-nous écrit dans une de nos parutions. Cette boutade est toujours d’actualité, et que ceux qui ont des oreilles entendent, parce que cette fois-ci le peuple en lutte est débout et ne laissera passer aucune compromission ou querelle de leadership susceptible de mettre en péril le combat en cours.
Source : www.icilome.com