Trois ans après avoir suspendu la parution annuelle de son emblématique rapport Doing Business sur l’environnement des affaires dans le monde à la suite de soupçons de manipulation, la Banque mondiale a décidé de remettre ce chantier sur le métier sous une autre forme. Au Togo, le nouveau rapport dénommé Business Ready a été officiellement présenté le lundi 07 octobre 2024. En Afrique de l’Ouest, le pays de Faure Gnassingbé arrive en tête des pays réformateurs. Un classement flatteur pour un pays dans lequel le déficit d’emplois est énorme.
Business Ready ne concerne, pour l’heure, que 50 pays. Il devrait s’étendre à 180 économies d’ici à 2026. Après des scandales liés à l’élaboration du Doing Business, la Banque mondiale espère redorer son blason. Il est vrai que la banque joue une partie de sa crédibilité. La transparence et l’intégrité des données semblent être au cœur du projet. Le nouveau mécanisme d’évaluation s’articule autour de trois piliers, à savoir le cadre réglementaire, les services publics et l’efficacité opérationnelle.
Plus spécifiquement, l’évaluation de Business Ready porte sur dix indicateurs essentiels liés au cycle de vie des entreprises, à savoir : la création d’entreprises, l’emplacement des entreprises, les services d’utilité publique, la main-d’œuvre, les services financiers, le commerce international, la fiscalité, le règlement des litiges, la concurrence sur le marché et l’insolvabilité de l’entreprise.
Un classement flatteur
Le Togo s’est distingué sur le pilier du cadre réglementaire avec une note de 69 sur 100. L’analyse des différents indicateurs révèle que le Togo a enregistré des améliorations dans les domaines de la création d’entreprises, du règlement de litiges, de l’emplacement des entreprises, des services d’utilité publique et du commerce international. Dans les domaines suscités, les entreprises étrangères ne sont pas confrontées à des restrictions à l’entrée sur le marché.
De plus, le Togo prévoit, dans la loi, des garanties juridiques substantielles en matière de médiation. Par conséquent, au classement, le Togo termine au premier rang en Afrique de l’Ouest (sur 5 pays), et troisième en Afrique subsaharienne (14 pays évalués).
Selon Sandra Ablamba Johnson, Secrétaire Générale de la Présidence Togolaise, ce résultat remarquable démontre, avant tout, l’agilité de notre pays et la vision stratégique des plus hautes autorités dans la mise en œuvre des réformes ambitieuses et efficaces. « Ainsi, dans le domaine de la création d’entreprise par exemple, les réformes liées à la digitalisation des formalités de création d’entreprise et à la réduction du délai ont permis d’accélérer les procédures administratives pour nos entreprises. Dans le domaine du règlement des litiges, les réformes réalisées garantissent des protections juridiques solides en matière de médiation et appliquent des pratiques exemplaires dans ledit secteur. S’agissant de l’emplacement des entreprises, plusieurs réformes, entre autres, la digitalisation du processus de délivrance de permis de construire ou l’amélioration du contrôle de la qualité des bâtiments, facilitent les démarches des sociétés pour établir un lieu d’activité commercial ou transférer des propriétés », a-t-elle souligné.
Un trompe-œil
S’il est indéniable qu’en matière de réglementation, le Togo a sensiblement augmenté son arsenal juridique, la mise en œuvre reste problématique. En effet, des lois sont votées, mais leur application est un autre chantier. Le même constat se fait sur la création des organismes et autres institutions et leur fonctionnement. C’est donc sans surprise que le Togo a récolté dans le pilier des services publics une note peu glorieuse de 49 points. De quoi s’interroger sur les impacts des « performances réalisées » par le Togo. En effet, l’amélioration du climat des affaires est bien plus qu’une simple liste de dispositions légales à vérifier pour mettre en balance d’autres facteurs. Elle suppose une application effective des lois et ses conséquences réelles. De fait, contrairement à ce que les autorités laissent entendre, l’environnement des affaires est loin d’être assaini. A titre d’exemple, la corruption galopante dans le pays qui a pris en otage la justice togolaise depuis des années entache également le règlement des différends commerciaux.
Heureusement, le rapport Business Ready, ne se contente pas d’évaluer les contraintes réglementaires qui entravent une entreprise quand elle entre sur le marché, il jauge aussi les conditions réelles auxquelles les entreprises sont confrontées dans la pratique. Dans certains pays, par exemple, les entreprises subissent régulièrement des coupures d’électricité. C’est le cas notamment au Togo où les coupures d’électricité sont fréquentes. Dans le pays, les entreprises fonctionnent au rythme des coupures d’électricité intempestives. Les petites entreprises qui dominent largement l’économie du pays n’ont pas les moyens de s’offrir d’autres sources d’énergies. Il se pose, ainsi, un problème de compétitivité. Pour preuve, sur l’aspect de la compétitivité, le Togo s’est retrouvé dans le Business Ready avec une note révélatrice de 41. Mais comme le régime togolais en a l’habitude, cette partie du rapport a été passé sous silence.
Ce n’est donc pas surprenant que « les performances » du Togo dans l’amélioration ne s’accompagnent pas d’impact conséquent. En effet, une amélioration du climat des affaires suppose en réalité une solidité des entreprises et la création d’emplois. Ce qui au Togo est loin d’être le cas. En effet, le secteur informel ne cesse de gagner du terrain. Or, les entreprises de ce secteur mènent des activités de subsistance à faible productivité. Et pourtant, selon les projections de la Banque mondiale, « le Togo devra créer un million d’emplois supplémentaires d’ici à 2030 », a souligné l’institution dans un document publié en avril dernier.
In fine, le climat togolais est loin d’être favorable aux affaires. Ils sont de nombreux encouragés par les promesses du gouvernement à se jeter dans l’entrepreneuriat. Aujourd’hui, nombre d’entre eux face aux réalités mettent la clé sous le paillasson ou se retrouve carrément dans l’informel. Il n’est point besoin d’être un économiste bardé de diplômes pour reconnaitre que l’environnement des affaires au Togo est un enchevêtrement d’obstacles. Le contraire n’est que du saupoudrage sur fond de mauvaise foi et de malhonnêteté intellectuelle.
La meilleure illustration de la misère au Togo est la scène surréaliste des Togolais sur les dépotoirs de Legbassito dans la Commune Agoè-Nyivé 2 en train de ramasser du riz avarié le 30 septembre 2024 pour se nourrir. L’amélioration du climat des affaires reste un cache-sexe de la mal gouvernance au Togo
Lemy Egblongbéli
Source: lecorrecteur.tg
Source : 27Avril.com