Claude Ameganvi rend hommage à Tavio Amorin

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Le 23 juillet dernier, les forces démocratiques ont célébré le 26e anniversaire de l’assassinat de Tavio Amorin. Claude Ameganvi, son compagnon de lutte, lui rend hommage.

26 ans après son assassinat :
Hommage à la mémoire de Tavio AMORIN et de toutes les victimes du combat pour le retour à la Constitution originelle de 1992 !

23 JUILLET 1992 : dans la soirée, au quartier de Tokoin-Gbonvié, à Lomé, Tavio Ayawo Tobias AMORIN, Premier secrétaire du Parti socialiste panafricain (PSP), membre du Haut conseil de la République (HCR) et président de sa Commission des Affaires politiques et des droits de l’Homme ainsi que de sa Commission spéciale chargée de l’étude et de la présentation du nouveau projet de Constitution, était victime, d’un lâche attentat.

Mitraillé à bout portant par un commando comprenant notamment les policiers KAREWE Kossi et BOUKPESSI Yodolou et grièvement blessé, il est évacué sur le CHU-Tokoin pour des soins intensifs avant d’être évacué, le samedi 25 juillet 1992, sur l’Hôpital St Antoine de Paris où il devait rendre l’âme dès le lendemain de son admission, dimanche 26 juillet 1992.

Au moment où il a été assassiné, Tavio AMORIN était engagé dans la défense de principes démocratiques consignés dans la nouvelle Constitution en cours d’élaboration et qui portaient notamment sur : la limitation du mandat présidentiel à 5 ans renouvelable une seule fois, l’interdiction aux membres des forces de sécurité et de défense ainsi qu’aux cadres de l’administration publique occupant des fonctions d’autorité de briguer le suffrage des électeurs, etc.

Jugés intolérables pour le pouvoir moribond d’EYADEMA, celui-ci décida de frapper : ce fut l’assassinat de Tavio AMORIN.

26 ans de trahison de la mémoire de Tavio AMORIN : Alors que Tavio était encore entre la vie et la mort, EYADEMA, soutenu par les représentants de la « Communauté internationale », convoqua les partis de l’« opposition démocratique » à un « dialogue » qu’on dénomma « Commission mixte paritaire ». Au lendemain de sa mort, cette assise avalisa le coup de force d’EYADEMA en supprimant les dispositions pour lesquelles Tavio s’était farouchement battu, et obligea à tenir secret son décès jusqu’au 28 juillet 1992 où fut proclamé l’Accord.

Alors journaliste à Jeune Afrique Economie, Jean-Baptiste PLACCA, aujourd’hui à RFI, écrivait à l’époque : « L’Histoire retiendra que, autour de la table des négociations, en face de la « délégation présidentielle », il y avait Edem Kodjo, Yao Agboyibo, Jean Savi de Tové, Francis Ekon, Goyo Grunitzky, Bawa Mankoubi, Zarifou Ayéva et Léopold Gnininvi. Sur l’autel de la compromission, les opposants ont cédé bien des choses au général Eyadéma. » (J.A.E., n° 159 de septembre 1992)

C’est ainsi que la mémoire de Tavio Ayawo Tobias AMORIN fut une première fois trahie.

Depuis cette « Commission mixte paritaire », bien d’autres « dialogues » s’ensuivront : 1) Négociations de Colmar (1993) ; 2- 3) Accords de Ouagadougou 1 et 2 (1993) ; 4) Négociations RPT/CAR/UTD (1994) ; 5) Accord RPT/Opposition pour l’élection présidentielle de juin 1998 ; 6) Accord-cadre de Lomé (ACL) [1999] ; 7) 22 engagements gouvernement RPT/Union européenne, avalisés par l’opposition togolaise (2004) ; 8) Négociations et accord d’Abuja entre et régime RPT et opposition togolaise (2005) ; 9) Négociations et accord RPT-UFC de San Egidio (novembre 2005) ; 10) Accord politique de base (2006) ; 10) Accord politique global (APG) [2006] ; 11) CPDC (2009) ; 12) Accord de Ouagadougou (2009) ; 13) CPDC rénové (2009 – 2010) ; 14) Accord de gouvernement RPT– UFC (2010) ; 15) CPDC allégé (2011) ; 16) Dialogue inter parlementaire RPT UFC – CAR de Togotélécom 1 (2012) ; 17) Dialogue et accord RPT/UNIR – CST – Coalition Arc-en-ciel/Ambassadeur des USA –Mgr Nicodème BARRIGAH pour les législatives (2013) ; 18) Dialogue Togotélécom 2 RPT/UNIR – CST – Coalition Arc-enciel sur les réformes constitutionnelles et institutionnelles (2014) ; 19) Dialogue interparlementaire RPT/UNIR – ANC – CAR – ADDI – UFC sur les réformes (2015) ; 20) Dialogue RPT/UNIR – opposition togolaise – OIF – groupe dit des 5 (France, Allemagne, USA, Union européenne, PNUD), des présidents ghanéen John MAHAMA et ivoirien Alassane D. OUATTARA pour la présidentielle (2015) ; 21) Atelier sur les réformes institutionnelles et politiques du HCRRUN (2016) ; 22) Dialogue RPT/UNIR – Coalition de 14 partis de l’opposition togolaise sous l’égide des Présidents du Ghana et de la Guinée-Conakry (2018).

A l’heure d’un bilan dont la nécessité s’impose à nouveau, force est de constater qu’en ayant invariablement eu pour objet d’organiser un partage du pouvoir entre le régime RPT-UNIR et l’« opposition démocratique » par des formules contre-nature de gouvernements d’union nationale ou de transition comme cela se discute encore actuellement, la multiplication de ces dialogues, négociations et accords a conduit aux catastrophes politiques dans lesquelles notre pays se débat depuis 28 ans. Sauvant inlassablement la sanglante et cinquantenaire dynastie dictatoriale du père Gnassingbé EYADEMA au fils Faure Essozimna, une des plus vieilles en Afrique et dans le monde après celle de la Corée du Nord, ces véritables marchés de dupes autour de mascarades électorales sont essentiellement responsables du blocage de l’aspiration au changement démocratique pour lequel le peuple togolais se bat depuis le soulèvement du 5 octobre 1990, soit bientôt trois décennies.

26 ans d’un lourd tribut pour le retour à la Constitution originelle de 1992

Depuis l’assassinat de Tavio AMORIN, le peuple togolais n’a cessé de payer un lourd tribut en centaines de morts, dans son incessant combat pour le retour à la Constitution originelle de 1992, surtout après le tripatouillage constitutionnel par lequel, les 30/31 décembre 2002, EYADEMA s’est frauduleusement maintenu au pouvoir jusqu’à sa disparition. Au centre de la mobilisation populaire contre le triple coup d’Etat militaire, constitutionnel et électoral de 2005 par lequel Faure Essozimna GNASSINGBE s’est porté au pouvoir dans un fleuve de sang qui a occasionné de 500 à plus de 1 000 morts, cette revendication a encore massivement mobilisé les populations contre les mascarades électorales des législatives de 2007, de la présidentielle de 2010, et des législatives de 2013 dont la plateforme du Collectif « SAUVONS LE TOGO » fit un point central.

Elle a rebondi en 2014, à la veille de la présidentielle de 2015, lorsque l’opposition démocratique avait porté l’exigence du retour à la Constitution de 1992 au-devant de sa mémorable lutte pour les réformes constitutionnelles et institutionnelles. Lutte finalement trahie par ceux-là mêmes qui, par leur participation à cette présidentielle « avec ou sans réforme », et sur la base d’un fichier électoral truqué mais rendu « consensuel » sous les pressions extérieures, ont délibérément fait le choix d’aller « donner un 3e mandat » à Faure GNASSINGBE, en servant de béquille à son coup d’Etat électoral contre cette Constitution.

Elle devait à nouveau rebondir, le 19 août 2017, lorsque le Parti national panafricain (PNP) prit l’initiative d’une marche pacifique qui mobilisa puissamment les Togolais tant de l’intérieur que de la diaspora sur ces deux mots d’ordre simples et clairs : 1) Retour à la Constitution de 1992 avec ses effets immédiats ; 2) Droit de vote pour les Togolais de la diaspora.

En conduisant à une explosion de colère populaire qui déferla en un mouvement insurrectionnel spontanée qui balaya tout le Togo, la répression sanglante organisée par le régime RPT/UNIR à l’encontre de cette mobilisation sans précédent, démontra la force de l’aspiration populaire à se saisir de ce combat pour le retour à la Constitution de 1992 pour en finir avec ce régime.

Hommage à Tavio et tous les martyrs du combat pour la Constitution de 1992

En cette occasion de commémoration du 26e anniversaire de l’assassinat de Tavio, le Parti des travailleurs, qui combat pour la fin de l’impunité au Togo, tient à nouveau à dénoncer la sanglante répression, sans précédent dans l’histoire de notre pays, que le régime RPT/UNIR a déchaînée pour tenter de faire refluer ce mouvement. Il rend hommage à tous les martyrs tombés dans ce combat, notamment : Bastou OURO-KEFIA, Mamadou Afissou SIBABI, Yérima IKILILOU, Arafat AGORO, Issifou BOUCOUBONGOU, Moutaka Akondo NABOUDJO, N’TCHOMLA, Abdourahim ADAM, assassinés à Sokodé ; Yacoubou ABDOULAYE, élève de 9 ans, Séidou N’TCHIRIFOU BAWA, Yaya SAMARI, assassinés à Mango ; Rachad MAMAN AGRIGNA, élève de 16 ans assassiné à Bafilo ; Kokou Joseph ZOUMEKEY, élève de 13 ans, assassiné à Bè-Kpota, à Lomé.

Il exige que justice soit rendue à Tavio AMORIN ainsi qu’à tous ceux qui ont été assassinés dans le combat pour le retour à la Constitution de 1992, que les militants arbitrairement détenus soit libérés sans condition et que tous les commanditaires et exécutants des crimes commis dans le combat contre la dynastie EYADEMA-GNASSINGBE soient arrêtés, jugés et châtiés.

Alors que la mobilisation populaire initiée le 19 août dernier a mis aux abois le régime de Faure EYADEMA-GNASSINGBE, comme par le passé, ce sont les responsables mêmes de la Coalition des 14 partis la dirigeant qui ont frayé la voie à sa propre liquidation en adhérant à cet énième « dialogue », le plus rocambolesque de tous, lancé le 23 février dernier. Et, publiquement, ils ont fini par reconnaître que ce nouveau marché de dupes n’a d’autre objectif que de briser cette formidable mobilisation.

Non à la remise du Togo sous tutelle

Il y a également lieu de constater que, de la même façon que ce fut le cas en 1992 lors de la conclusion de l’Accord traître de la Commission mixte paritaire, nous voyons la même « Communauté internationale », à travers CEDEAO, Union africaine, PNUD-ONU, représentants des grandes puissances monter tous au créneau pour aider à sauver le régime RPT/UNIR.

Le Parti des travailleurs tient à dénoncer, dans les péripéties de ce dialogue en cours depuis plusieurs mois, une tentative de liquider l’aspiration du peuple togolais à arracher la fin immédiate de la dynastie cinquantenaire moribonde EYADEMAGNASSINGBE et à remettre le Togo sous la tutelle des grandes puissances étrangères via les chefs d’Etat africains comme ce fut jadis le cas à l’époque coloniale où il fut soumis au régime dit du mandat à partir de 1919 et de la tutelle de 1945 à 1960.

En effet, au mépris de leur souveraineté, notre pays et son peuple sont présentement suspendus à une pseudo « feuille de route » que la CEDEAO est censée dicter à la classe politique institutionnelle du Togo le 31 juillet 2018.

Au nom de l’indépendance du Togo, qui a été arrachée de haute lutte et au prix de lourds sacrifices contre le pouvoir colonial français, le Parti des travailleurs dénonce cette entreprise visant à faire tourner en arrière les roues de l’histoire et exige que la pleine souveraineté du peuple togolais sur les décisions engageant son présent et son avenir soit restaurée et garantie.

Il appelle les travailleurs, paysans et jeunes de notre pays à poursuivre leur organisation indépendante dans les quartiers, villes et villages pour en finir avec la sanglante dynastie cinquantenaire EYADEMA-GNASSINGBE.

Lomé, le jeudi 26 juillet 2018 (26e anniversaire du jour où Tavio AMORIN a rendu son dernier souffle),

Pour le Parti des travailleurs,

Le Secrétaire chargé de la coordination

Claude AMEGANVI

Source : www.icilome.com