« Comme des pommes en or dans des ornements d’argent, ainsi est une parole dite au bon moment ». C’est ce que dit un proverbe biblique. Et bien des Togolais le citeraient aujourd’hui pour pouvoir entendre les mots qui libéreraient tout le monde. Et que serait cette parole ? Celle qui permettrait à la vie sociopolitique togolaise de ne pas rester plombée dans les événements de 2020 et donc aux citoyens de tourner la page pour vivre enfin autre chose. Une parole qui enthousiasmerait suffisamment les uns et les autres pour qu’ils sortent de leur silence et de leur engourdissement pour se mettre à bâtir leur avenir et celui du Togo.
Pourquoi n’avons-nous pas cette parole ? Peut-être parce que quelqu’un la retient ? Quelqu’un qui sait très bien de quoi les Togolais sont fatigués, ce à cause de quoi beaucoup désespèrent . Quelqu’un qui par ailleurs a tant d’intérêts en commun avec tel ou tel autre qui s’accroche au statu quo, qu’il préfère se taire ?
Mais en face de lui, n’y a-t-il pas une ou d’autres personnes qui pourraient prendre les devants pour oser la proposition qui mettra d’accord, si ce n’est tout le monde, au moins la majorité, de manière à ce que nous puissions nous lever enfin, comme un seul homme et adopter sa proposition ? Ou bien cette personne n’existerait-elle pas ? Personne pour enflammer le coeur des Togolais par des mots semblables à ceux que Patrice LUMUMBA, assassiné il y a 60 ans le 17 janvier 1961, adressait à son épouse, quelques jours avant sa mort :
« Tout au long de ma lutte pour l’indépendance de mon pays, je n’ai jamais douté un seul instant du triomphe final de la cause sacrée à laquelle mes compagnons et moi avons consacré toute notre vie. Mais ce que nous voulions pour notre pays, son droit à une vie honorable, à une dignité sans tache, à une indépendance sans restrictions, le colonialisme belge et ses alliés occidentaux – qui ont trouvé des soutiens directs et indirects, délibérés et non délibérés, parmi certains hauts fonctionnaires des Nations Unies, cet organisme en qui nous avons placé toute notre confiance lorsque nous avons fait appel à son assistance – ne l’ont jamais voulu.
Ils ont corrompu nos compatriotes, ils ont contribué à déformer la vérité et à souiller notre indépendance. Que pourrai-je dire d’autre ? Que mort, vivant, libre ou en prison sur ordre des colonialistes, ce n’est pas ma personne qui compte. C’est le Congo, c’est notre pauvre peuple dont on a transformé l’indépendance en une cage (…)
Je sais et je sens au fond de moi-même que tôt ou tard, mon peuple se débarrassera de ses ennemis intérieurs et extérieurs, qu’il se lèvera comme un seul homme pour dire non au capitalisme dégradant et honteux, et pour reprendre sa dignité sous un soleil pur. »
N’y aurait-il personne capable de trouver des mots aussi forts que ceux-là ? Pourtant la classe politique n’est pas silencieuse, elle ne se prive guère de prendre la parole dans des rencontres, sur les médias ou les réseaux sociaux. Ou bien devrons nous appliquer cet autre proverbe à leurs discours : «Bavardage est écume sur l’eau, action est goutte d’or » ? En effet, depuis le 23 février 2020, il y a eu beaucoup de beaux discours mais aucune action qui ait amené quelque changement ! Et en Afrique, le divorce entre le dire et le faire est un vrai problème : que n’a-t-on pas promis aux populations ? Si ces paroles étaient suivies d’action, les Togolais seraient classés parmi les premiers sur l’échelle du bonheur.
Peut-être eut-il mieux valu que les beaux parleurs s’abstiennent de parler car un autre proverbe dit « Qui ne sait se taire, ne sait dire ».
N’est-ce pas le cas, lorsqu’au lieu de laisser les autres vous faire des compliments, on fait des déclarations tapageuses sur ses propres mérites ! Et que vient faire la parabole évangélique des talents dans cette affaire ? Cette parabole porte sur le mérite que l’on a à faire fructifier les dons reçus… Quel rapport avec le cumul de plusieurs fonctions ?
Rappelons-le, le cumul est une pratique anti-démocratique, en effet, nous-mêmes devons « renoncer au pouvoir personnel quel que soit le poste où nous nous trouvons. Cela signifie combler le déficit de confiance les uns dans les autres qui nous pousse à nous considérer chacun comme irremplaçable, indispensable… » (Tribune, Alternance et pouvoir personnel du 2 octobre 2020)
En tous les cas, se lancer des fleurs est tout au moins maladroit lorsqu’on n’a pas encore fait ses preuves, surtout dans un secteur comme l’éducation.
A propos des paroles en trop, que de fois n’avons-nous pas pensé que Donald TRUMP aurait gagné à se taire au lieu d’envoyer des messages enflammés à ses partisans, surtout après la défaite des Républicains à l’élection présidentielle ? Ces occasions ratées de se taire ont valu les débordements de violence lors de la prise du Capitole du 6 janvier 2021. Mais surtout il reste une question à poser à TRUMP : s’il avait gagné les élections, aurait-il été le président de ses seuls partisans ?
Reconnaissons-le, il faut que nous aussi Togolais, nous ne nous voilions pas la face, il nous faut avoir le courage de parler quand le moment l’exige, au nom de notre premier proverbe : « Comme des pommes en or dans des ornements d’argent, ainsi est une parole dite au bon moment ». C’est pourquoi, nous abordons le sujet qui suit.
Depuis quelque temps, la polémique entre Mgr KPODZRO et la hiérarchie de l’Eglise Catholique a atteint des proportions inégalées avec une instrumentalisation exacerbée par le fait qu’elle se déroule sur les média et réseaux sociaux. Pour notre part, nous avons deux séries d’interrogations à formuler.
Voici la première : Quelle que soit l’issue de la polémique, ceux qui n’ont pas été d’accord avec Mgr KPODZRO, ceux qui se sont sentis blessés par tant de paroles accusatrices et insultantes, de malédictions et autres, pourront-ils encore voir dans ce prélat un père qui doit rassembler ses enfants ? Et surtout, celui que ce prélat défend, si jamais il devenait président, comment pourrait-il être le président de tous les Togolais ?
La deuxième découle de la première : où se situe l’urgence aujourd’hui ? N’est-ce pas que les Togolais sortent de la situation actuelle pour se donner un nouveau vivre ensemble ? Qu’est ce que la DMK leur propose ? Un pays coupé en deux avec des germes de violence ? La parole devrait plutôt porter sur cela, il nous semble.
Chacun affirme qu’il défend la vérité. Or la Vérité dans la religion que nous partageons avec le prélat, c’est une personne divine et comme le déclarent ces extraits d’une des chansons du catholique bien connu, Jean-Claude GIANADDA :
Elle parle aux meilleurs et aux pires, la vérité ne ment jamais.
Quand elle provoque les “Pilate”, alors elle se fait crucifier. Elle ressuscite en toute hâte,
la vérité ne meurt jamais.
LA VERITE NOUS RENDRA LIBRES EN VERITE, LA VERITE NOUS RENDRA LIBRES, LIBRES D’AIMER.
A cause de cela, nous sommes bien tranquilles, la vérité éclatera bien un jour. Seulement pourrons-nous alors réparer les dégâts commis par des paroles qu’on aurait mieux fait de ne pas prononcer ? En effet, et nous concluons sur ce dernier proverbe, parfois « La parole est d’argent mais le silence est d’or ».
Maryse Quashie et Roger E. Folikoue
[email protected]
Lomé, le 22 Janvier 2021
Source : 27Avril.com